Abstention : la démocratie ne peut être qu’identitaire
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Le premier à mon bureau de vote, ce matin du 27 juin 2021… et le seul jusqu’à ce que je le quitte après avoir risqué la phrase du Dîner de cons, « c’est pas bon signe », j’ai retraversé la ville de Tourcoing où je suis né, où j’ai travaillé, où j’ai été élu, pour rentrer chez moi puisque j’y habite toujours. Les changements sont importants, notamment pour les commerces, les cafés et les restaurants. L’identité tourquennoise est en voie de disparition : l’importance de l’abstention en est le signe. L’importance de l’immigration, l’absence d’assimilation, la faiblesse de l’intégration dans certains quartiers font atteindre à ceux-ci des sommets plus élevés encore. Mais dans l’ensemble de la ville, les esprits ne sont guère mobilisés par son avenir, ni intéressés de savoir qui est en charge de la municipalité. Ses élus, ceux du département, de la région, et même maintenant les deux députés qui représentent ses citoyens, ne sont plus que des ombres lointaines. La vie et ses préoccupations sont ailleurs.
C’est pourquoi il faut relier la citoyenneté et l’enracinement, la citoyenneté et l’identité. Il n’y a jamais eu de démocratie chez les peuples nomades. Il suffit d’avoir un chef, un chef de guerre le plus souvent. Chez les peuples sédentaires, ceux qui vivaient de la terre ou ceux qui, dans les cités, veillaient à la fabrication artisanale puis industrielle et aux échanges, l’identification à un lieu est aussi un lien. Elle délimite la communauté et fixe l’appartenance. C’est un espace qui perdure dans le temps et où se succèdent les générations. C’est aussi un bien commun qu’il faut entretenir et transmettre, d’où viennent l’intérêt pour sa gestion et le désir qu’on ressent de le défendre. De la cité grecque au canton suisse, on voit bien que la proximité a permis la démocratie directe, celle où les citoyens décident de l’avenir de leur « patrie », petite ou grande. Son extension a facilité d’autres régimes, mais la démocratie est revenue avec le patriotisme lorsque la nation a pris conscience du bien commun qu’elle avait à sauvegarder contre ceux qui le dilapidaient, contre ceux qui le pillaient.
Simone Weil écrivait de l’enracinement qu'« il reste peut-être le besoin le plus important de l’âme humaine. Un être humain a une racine par sa participation réelle, active et naturelle à l’existence d’une collectivité qui conserve vivants certains trésors du passé et certains pressentiments d’avenir ». Comment ne pas voir le lien entre ce « besoin de l’âme humaine » et la démocratie comme « participation […] à l’existence d’une collectivité » ? L’abstention galopante est le signe du déracinement, de la séparation entre l’individu et le citoyen. Celui à qui l’on dit que le monde et l’Europe sont plus importants que la France et qui le croit, celui qui est là comme il serait ailleurs, celui qui possède une panoplie de cartes d’identité n’est citoyen du monde que pour n’avoir aucune collectivité à laquelle s’attacher, ne serait-ce qu’en y payant des impôts. Comme le disait Rousseau, « tel philosophe (on pense aujourd’hui à BHL) aime les Tartares pour être dispensé d’aimer ses voisins »… Il peut être aussi le membre d’une communauté plus vaste que la nation et qui ne veut pas le bien de celle-ci. Dans le passé, il était communiste, croyait servir le prolétariat international et ne servait, en fait, que la dictature soviétique. Aujourd’hui, il peut être membre de l’Oumma et se sentir plus proche de l’Arabie saoudite ou d’un autre État islamique que de la France. L’enracinement, l’identité sont indissociables de la démocratie. L’internationalisme est, au contraire, une menace pour elle. Ces quelques notes font mesurer l’irréflexion et l’inculture de ceux qui préfèrent le communisme, l’extrême gauche aux « identitaires » parce qu’ils seraient d’extrême droite, comme l'a fait récemment Xavier Bertrand.
L’identité n’est pas un gros mot, c’est la capacité de rester soi-même pour avoir encore quelque chose à offrir aux autres dans la mesure où ils ne viennent ni le prendre ni l’altérer. Cela est vrai de la commune à la nation : la Suisse l’a bien compris, qui est une démocratie du bas en haut, jalouse de son identité, défendue par ses citoyens - le contraire d’une dictature extrémiste.
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