Abstentions : désaffection ou désacralisation ?
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On se trompe en croyant en cette désaffection. Le très très faible taux de participation a trois motifs, et aucun d'eux n'est signe d'une désaffection irrémédiable ou même profonde.
Le premier réside dans l'invisibilité totale des régions dans le quotidien médiatique des électeurs. On rabâche l'importance de celles-ci dans l'administration des transports, des lycées et de l'aide sociale. Tu parles ! C'est surtout faute de pouvoir citer autre chose… Chacun sait, chacun voit le coût de cette pléthore d'élus et de fonctionnaires pour gérer « si peu de choses », durant que l'État s'occupe de tout le reste ; un reste qui représente tout de même plus de travail et responsabilités. Outre que cela advienne sans qu'il n'ait aucunement diminué le nombre de fonctionnaires de l'Éducation nationale par exemple, ou même celui des députés.
Qui ira manifester devant l'hôtel de la région parce que les trains sont en retard ou les profs en grève ? Qui ira faire grève devant le même hôtel pour réclamer sur les horaires de travail, les salaires ou le besoin d'embauches ? Quel média portera l'attention de son auditoire quand ces problèmes adviennent ? Qui d'entre eux, citoyens ou journalistes, connaît le nombre de kilomètres de rails ajoutés durant un mandat ou celui des classes de lycée ouvertes ? Personne.
Pour tout le monde, la France est jacobine, centralisée. Et l'État... c'est l'État ! Y compris dans les rares domaines qui sont privilège des régions quoiqu'en réalité administrés par les ministères. Ce constat est d'ailleurs tout autant applicable aux conseils départementaux.
Pour autre exemple, qui accusera les élus régionaux de l'insécurité dans les transports ? Tous le feront de la police - et donc de l'État - ou de la Justice - et donc de l'État !
Le second motif de cette abstention provient de la distance entre le citoyen et la région selon le récent découpage. Quant aux nouveaux noms issus de cette réforme, on ne les emploie pas et l'on préfère parler des « territoires ». Un peu comme on parlerait d'une terra incognita. Seules, en effet, restent dans le vocabulaire celles qui, justement, n'ont pas été rassemblées dans un fourre-tout : Bretagne, Normandie, Corse.
En troisième motif viennent les jeux politiciens. Ils déconcertent chacun. Qu'observe-t-on ?
- Une gauche plus morcelée que jamais, un parti présidentiel du « en même temps » qui n'est ni de droite ni de gauche ni de France et surtout pas du contraire : quelle adhésion pourraient-ils susciter ?
- Des Républicains qui meurent à petit feu, éclatés dans leurs valeurs et leurs discours entre le RN et le front-républicain, ne sachant dépasser leurs petits jeux et leurs combats de coqs.
- Une Marine le Pen pour qui certains ne consentent à voter qu'en se pinçant le nez après qu'elle a perdu le débat de 2017, et surtout n'a su garder à plein les figures médiatiques qu'elle promut pourtant : Robert Ménard, Florian Philippot, Jean Messiha, etc.
Je gage donc que si ce troisième motif perdure jusque l'an prochain, les deux premiers seront battus par la passion des Français pour la politique, fût-ce celle du café du commerce ou des réseaux sociaux, et par les mécontentements des Français envers… l'État ! Il restera cette maladie qui explique également la désaffection partielle des citoyens : celle des trahisons. Maastricht, Schengen, le référendum de 2005… L'absence de projet véritable et attirant. Et toutes ces promesses aussi inusables que répétitives.
Il reste surtout - et cela, c'est plus grave et durable - la désacralisation : quand on désacralise le politique comme on désacralise le religieux, les urnes se vident comme les bancs de l'église. François Hollande et Emmanuel Macron ont désacralisé le politique et les urnes se vident de même. La nature et l'âme ayant horreur du vide, qu'attendre ?
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