Abus sexuels dans l’Église catholique : du grand silence au grand déballage

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Le 25 mars dernier, Monseigneur Federico Lombardi, directeur du Bureau de presse du Saint-Siège, s’est exprimé au sujet de la crise des abus sexuels dans l’Église, à propos d’un ouvrage dédié à la protection des mineurs. Il a demandé que l’Église s’engage à vaincre la « culture du silence » et à développer « une culture de dénonciation positive », une expression qui montre à quel point l’Église peine à trouver le juste milieu en matière de gestion, humaine, spirituelle, de la crise.

Nous sommes, en effet, témoins d’un phénomène inédit dans l’Église catholique : alors que la loi du silence prévalait depuis toujours dans l’institution sur les affaires de mœurs, brutalement, en quelques semaines, la digue, déjà fissurée, a cédé. Le blindage n’a pas suffi à empêcher la vérité de fuiter.

Mais ce n’est pas un filet d’eau, c’est un véritable torrent de boue qui se déverse aujourd’hui, charriant avec lui les couches successives soigneusement enfouies depuis des décennies.

Au fond de l’eau claire, la boue. Une boue qu’on voulait oublier, pour se contenter de regarder la surface. Nombreux sont ceux qui avait adopté comme principe de ne pas remuer cette boue tapie au fond de l’eau claire, par peur.

La boue est pourtant remontée, parce qu’aucun système quel qu’il soit, s’il est bâti sur le mensonge, l’abus des plus faibles et l’injustice, ne peut tenir.

Cette boue, c’est l’accumulation des affaires honteuses de l’Église. C’est l’oubli des plus pauvres, l’abus sur les faibles, l’atteinte faite à la dignité des enfants de Dieu. Mais c’est aussi tout ce qui a permis à ce système de se maintenir : le silence, l’enfouissement, le maintien des petits arrangements et, surtout, la peur et la honte d’affronter la vérité.

Que peut devenir une institution fondée sur l’annonce de la vérité, sur les Béatitudes, et qui a pourtant abrité en son sein tant de crimes odieux ?

Avec les déversements quasi quotidiens, nous voyons s’étaler au grand jour, comme par ricochet, l’autoflagellation individuelle et collective : tout le monde, subitement, se met à gémir, demandant pardon aux victimes et promettant une grande purification.

Si bien que l’on est passé, par un effet de balancier surprenant, du grand silence complice au déballage public, à la dénonciation collective, à la délation.

Chaque personne, celle qui savait quelque chose depuis des années mais n’avait rien dit, sent que le temps est venu de dénoncer et de tout déballer. Qu’est ce qui provoque cela ? La peur du jugement collectif ? La peur de se voir impliqué pour non-dénonciation d’actes pédophiles ou d’abus sexuels ?

Il y a ceux qui savent et qui continuent de ne rien dire, il y a ceux qui savent et qui, aujourd’hui, « balancent », et enfin ceux qui se sont tus et qui, aujourd’hui, s’érigent en défenseur des victimes.

Cependant, nous nous interrogeons : où étaient-ils, ceux qui, aujourd’hui, annoncent vouloir réformer l’Église de fond en comble, quand la loi du silence régnait en maître dans l’institution ? Ceux-là mêmes qui dénoncent cette loi du silence n’ont-ils pas balayé d’un revers de main certains propos, certaines rumeurs qu’ils savaient pourtant persistants ? N’ont-ils pas contribué, à leur manière, par leur déni, leur acquiescement tacite, à entretenir ce système qu’ils dénoncent aujourd’hui ?

Et il y a ceux qui, parmi les victimes, se battent depuis des années, et encore aujourd’hui, pour essayer de faire entendre leur voix.

Si bien que la cacophonie ambiante, l’autoflagellation ecclésiale commencent à devenir obscènes.
Il y a un temps pour parler, un temps pour se taire. Alors que les chrétiens sont entrés en Carême, ne serait-ce pas, au contraire, le moment de se taire ? Le moment de se recueillir, jeûner, prier et demander pardon ? Quand était le temps de parler, vous n’avez rien dit.
Alors, maintenant, et au moins sur le temps du Carême, je vous en supplie, taisez-vous.

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