Accélérer la reconstruction : le contribuable ne paie rien pour attendre

karoutchi

Ce 18 juillet, le Sénat a donc adopté en première lecture le « projet de loi relatif à l'accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou démolis au cours des violences urbaines ». Jeudi 20 juillet, le texte passera à l’Assemblée nationale. On appréciera le doux euphémisme « violences urbaines » pour qualifier les émeutes qui ont ravagé des centaines d’édifices publics et privés, un peu partout en France, fin juin et début juillet. L’article 1 du projet de loi colle au Code pénal en évoquant les « troubles à l’ordre et à la sécurité publics ». L’extrême gauche, elle, parle désormais des « révoltes urbaines ». Une révolte, c’est presque beau, c’est la promesse d’une révolution... Tout ceci est donc très subjectif. Ce qui l’est beaucoup moins, c’est évidemment le coût. D’emblée, disons-le tout net : ce projet de loi, qui a de fortes chances d’être adopté par les députés, ne met pas un seul centime dans la cagnotte pour reconstruire les édifices qui ont été dégradés ou démolis. Le but de cette loi est de mettre en place des procédures d’exception pour permettre aux maires de faire face à l’urgence des travaux, ne serait-ce que ceux qui vont consister à raser les ruines des bâtiments complètement détruits. Si l’on peut saluer cette initiative gouvernementale qui devrait faciliter le travail d'élus locaux parfois désemparés, car confrontés à une situation qui peut les dépasser, il n’en demeure pas moins que ce projet de loi révèle en creux les faiblesses de notre pays.

La première, c’est que le gouvernement acte son propre échec et celui des ses prédécesseurs depuis des décennies. Il reconnaît que du 27 juin au 5 juillet 2023, la France a connu des événements tout à fait extraordinaires. On ne dit pas « émeutes », « guérilla » ou « guerre civile », mais on voit bien qu'on n'est déjà plus en des temps normaux. Un peu comme au temps de la guerre d’Algérie où l’on parlait des « événements » auxquels le gouvernement de l’époque voulait mettre fin à travers des « opérations de maintien de l’ordre ». Un peu, aussi, comme pour les émeutes étudiantes de mai 1968 qui n’ont jamais vraiment été qualifiées d’émeutes et sont connues, elles aussi, sous le terme d’« événements », décidément mot-valise de notre Histoire contemporaine. Donc, du 27 juin au 5 juillet 2023. Et tant pis pour les « dégradations » qui ont pu se produire ici et là, le 26 juin ou le 6 juillet. Qui dit, d’ailleurs, que le gouvernement ne créera pas une médaille commémorative pour les agents des forces de l’ordre mobilisés durant cette période ? Ce serait bien français, ça. On ajoutera des agrafes au ruban de la médaille pour le prochain coup…

La seconde faiblesse consubstantielle de notre pays révélée en creux par ce projet de loi, c’est évidemment la complexité administrative, l’empilement des normes, des règles qui sont tout autant de freins lorsqu’une commune, par exemple, veut porter un projet de construction. Certes, n’oublions pas que la France est le pays du stade de Furiani et des inondations de Vaison-la-Romaine, mais tout de même, nous restons champions d'Europe en la matière. Or, ce projet de loi va autoriser de façon exceptionnelle le gouvernement à prendre des ordonnances qui permettront aux collectivités concernées d’être dispensées de certaines règles d’urbanisme, de conclure des marchés sans publicité (mais avec, tout de même, une mise en concurrence préalable. On attend la réaction de l'Union européenne sur ce sujet...). En outre, la loi va ouvrir la possibilité qu’une collectivité soit subventionnée à plus de 80 % pour un projet et qu'elle soit remboursée de la TVA dans l'année des dépenses et non l'année suivante. « Banco ! », se sont exclamés plusieurs sénateurs de droite : avec cette loi, le gouvernement fait donc la démonstration que la simplification n’est pas un mythe mais un objectif atteignable. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin et circonscrire cela aux seuls « événements » du 27 juin au 5 juillet ? Peut-on imaginer passer de la « France de la paperasse » à la « France de l'audace », pour reprendre la question d'un sénateur de droite ? On peut rêver…

Et question gros sous, puisque ce projet de loi ne donne pas un seul centime, à quoi faut-il s'attendre ? Que le contribuable se rassure : on peut imaginer, dans les prochains mois, un grand redéploiement des subventions à tous les étages (État, régions, départements, intercommunalités), l’argent magique n’existant que dans les comptes des fées ! Car, in fine, c'est bien le contribuable qui paiera... Ça, on l'avait bien intégré.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

17 commentaires

  1. Empilement des normes dans la construction, écrivez-vous : oh que oui !
    Et vous citez le stade de Furiani : justement, ledit stade avait été construit « en respectant les normes », enfin, la paperasse nécessaire pour « faire croire que ». Sauf qu’un « chargé de faire respecter les normes » n’avait fait que la partie « paperasse », justement, et pas les visites et vérifications sur chantier… Normes « nécessaires mais pas suffisantes » quand un incapable, ou un fainéant, ne fait même pas correctement son boulot !

    • Les fonctionnaires…. Ils furent recrutés à la pelle depuis Mitterrand parmi les bacheliers littéraires incapables nuls-en-tout. Tétanisés devant une chemise-dossier « à traiter », ils glandent, passent au voisin leur clone, glissent le machin vert orange ou jaune tout en dessous de la pile destinée au « chef », et partent en vacances ( vécu )

  2. La stricte équité serait de faire payer les reconstructions par les démolisseurs,  » élémentaire mon cher Watson » , NON ??
    Ce serait trop de travail pour les chambres ‘haute’ et ‘basse’ de notre Parlement QUE D’ETUDIER UNE MISE EN APPLICATION à l’échelon national du principe de ‘responsabilité civile’ socle de toute justice pénale ???

  3. ÉVIDENCE ! Quand un gouvernement prend une décision, quelle qu’elle soit , c’est TOUJOURS le contribuable qui paie ! ! !

  4. Vous allez continuer longtemps à vous laisser dépouiller comme ça?
    Il faut organiser votre insolvabilité. C’est très simple, faites comme Macron et tant d’autres, ouvrez des comptes à l’étranger.

  5. Mais pourquoi reconstruire ce qui va être dans , un avenir proche , détruit ? Ou alors construisons comme le faisait Potemkine , en trompe l’oeil , de belles façades en carton pâte et le strict minimum derrière.

  6. C’est mieux et plus rentable de taxer les pauvres, ceux qui ne pourront jamais disposer de Mercedes A45 AMG, même jaune, quand ils sont solvables, même à peine…ils sont encore (plus pour longtemps ?) les plus nombreux !

  7. L’égalité inscrite dans la constitution ? Egalité voudrait-elle dire qu’il faut toujours faire payer les honnêtes citoyens pour les destructions massives commises par des hordes civilisationnelles de barbares ? Est-ce bien pour cela que l’on a fait la Révolution dont nos bobos islamo gocho sont tellement fiers ? Et si on demandait à ceux qui soutiennent ces incivilisés à mettre la main au portefeuille ? De l’argent public pour reconstruire des lieux publics sauvagement détruits ? Des millions engrangés avec de l’argent public, ce serait logique, non ? D’autant plus, c’est bien l’action de ces décideurs irresponsables qui a conduit à cette situation me semble-t’il.

  8. Ce sont les racailles qui gagnent toujours à la fin car on reconstruit leurs futures destructions. Tonneau des Danaïdes vous avez dit !

  9. Le contribuable et les assurés. Nul doute que les assureurs sont ravis ! En effet, celà leur donne une excuse et une raison pour ne pas diminuer et même augmenter les cotisations, ce qui augmente leurs « 3% de frais de gestion » et donc leur bénéfice propre. On pourrait même se demander si les casseurs ne sont pas téléguidés (de loin) par les mêmes….. mais Chut !… je dois vraiment être complotiste !

    • Complotiste ! Vous savez à l’heure actuelle si l’on regarde parfois d’où viennent les « téléguidages » nous serions bien surpris !

  10. Décidément, toute cette propagande d’extrême est écœurante ! Émeutes, révoltes, événements ? Pourquoi pas la 3ème guerre mondiale pendant qu’on y est. Il ne faut pas exagérer. Nos quartiers ont du talent et ils le prouvent, n’en déplaise aux électeurs du RN. Ils viennent de de ressusciter cette formidable émission de Guy Lux des années 60, Intervilles. Mais contrairement au jeu bon enfant de l’époque, où seulement deux villes s’affrontaient, ici ce sont toutes les villes et banlieues de France qui ont pu participer à ces olympiades des quartiers, démontrant ainsi le talent et l’énergie de cette belle jeunesse qui paiera nos retraites. Cette édition 2023 a fait un carton et tous les Français attendent avec impatience celle de 2024, où nos petits anges vont se surpasser pour notre plus grand plaisir. En plus de ça, M. Darmanin a, je trouve, un petit côté « Guy Lux ».

  11. L’injustice suprême : faire payer ceux qui ne sont pas responsables, ceux qui respectent la loi. Pour longtemps encore ? on dirait que tous ces politiciens ont plus peur des banlieues que d’une révolte d’un peuple encore civilisé.
    Il faudra s’en souvenir pour les élections européennes !
    Et, si on appelait ces révoltes des petits anges une guerre de sécession. Après tout, plusieurs territoires n’appartiennent déjà plus à la France… Président, pourquoi tu tousses ?

  12. Je ne doute pas qu’il faille reconstruire les biens publics pour les habitants mais pourquoi accélérer pour avoir la paix sociale ? Je trouve inapproprié l’accélération face à ces événements qui me donne un sentiment d’impunité des exactions commises par des délinquants qui se cachent derrière des cagoules

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