Adrien, Marcial, Enzo, Mégane, Anthony… La gronde des victimes oubliées

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Que l’on ne s’y trompe pas. Si le meurtre barbare de Thomas fait aujourd’hui les gros titres, ce n’est pas grâce aux médias mais en dépit des médias. Ces derniers – exception faite de BV, Le Figaro, CNews et une poignée d’autres – ont tout fait pour ignorer l’affaire le plus longtemps possible ou la traiter comme un banal fait divers tout juste digne d’un entrefilet. Sans la mobilisation de quelques comptes influents sur les réseaux sociaux, il est probable que personne n’en aurait entendu parler.

Cette déconvenue médiatique est une petite victoire pour le peuple français. Malgré les intimidations et les tentatives de diversion, la parole s’est libérée. Le maire de Romans-sur-Isère ne s’est pas plié aux injonctions du préfet et a courageusement dénoncé les « sauvages » qui s’en prennent à ses administrés. Tout aussi droits, les parents de Thomas ont brisé un tabou et demandé à la Justice de retenir le mobile raciste du meurtre de leur fils.

Marcial, 86 ans, roué de coups par un mineur

Depuis, d’autres familles de victimes sortent du silence. C’est le cas des proches de Marcial, 86 ans, décédé à Pau dans la nuit de samedi à dimanche après son passage à tabac. « La ville de Pau est restée aux abonnés absents, s’est insurgé l’avocat des enfants de l’octogénaire. Aucun élu n’a manifesté une compassion, une indignation à ce fait divers qui a été classé à la rubrique des chiens écrasés. Comme si la mort d’un vieil homme sans défense, roué de coups à son domicile, passait inaperçue. » Un mineur originaire de Roumanie, déjà connu pour des faits similaires, a été mis en examen et écroué.

La veille, c’était la mère d’Adrien Pérez, tué en 2018 à la sortie d’une boîte de nuit de Grenoble par deux frères prénommés Yanis et Younès, qui prenait la parole sur BFM TV : « Thomas est mort dans les mêmes conditions qu’Adrien. […] Notre pays a sombré dans la violence. Des politiques de droite et de gauche ont laissé sciemment cette violence s’installer en France. Il y a eu des morts avant mon fils Adrien, il y en a eu après et, croyez-moi, ce n’est pas fini. Après Thomas, il y aura encore des enfants de France qui vont tomber sous les coups de cette violence gratuite. »

 

 

Au mois d’août dernier déjà, la mère endeuillée dénonçait l’indifférence politico-médiatique qu’elle avait constatée après la mort de son fils. « On reste des faits divers. On est les grands oubliés de la mort de nos enfants, c'est de pire en pire », s’indignait-elle alors dans Le Figaro.

Le silence des agneaux

L’invisibilisation des victimes de l’ensauvagement n’est pas nouvelle. Cela fait des décennies que nos élites passent sous silence les faits qui démentent la fable d’un « vivre ensemble » apaisé. Avant Thomas, il y avait eu Anthony, poignardé à la gorge lors d’un anniversaire dans le Pas-de-Calais, dimanche 13 août. « Pour les politiques, c’est un fait divers comme ils en voient tous les jours. Personne ne nous a appelés, pas même le maire de Loos-en-Gohelle. Rien, avait déploré la mère du jeune homme. Pour le petit Nahel, il y a eu des esclandres et on en a parlé à la télé pendant plusieurs jours… »

Avant Anthony, il y avait eu Mégane, violée et torturée de la pire des manières par un certain Oumar N., à Cherbourg, le 4 août dernier. Son père Ludovic avait été contraint de publier une lettre ouverte afin d’interpeller un gouvernement muet : « Ne pas communiquer sur cette agression donne du crédit à tous ces prédateurs sexuels et autres parasites de la société qui gangrènent les rues. Une prise de conscience de la part du gouvernement sur le fait que l'on laisse ce genre d'individu, au passé judiciaire chargé, en toute liberté serait la bienvenue. »

Avant Mégane, il y avait eu Enzo, tué lui aussi à coups de couteau, dans une petite commune de l’Eure, au mois de juillet. « Pourquoi ne parle-t-on pas de mon fils ? Parce qu'il ne vient pas d'une cité mais d'une petite commune de 1.400 habitants ? Parce que nous sommes dans le respect ? »

La maman d’Enzo est à l’image du peuple français. Elle n’est plus dupe de rien. Le deux poids deux mesures lui crève les yeux. Au fil des égorgements et des coups de couteau, elle a parfaitement compris la situation : nos gouvernants craignent moins les marches blanches de citoyens civilisés que la colère noire des cités.

Jean Kast
Jean Kast
Journaliste indépendant, culture et société

Vos commentaires

20 commentaires

  1. Après le « côte à côte »…
    Feu Gérard Collomb nous a laissé en héritage son « face à face ».
    Avait-il imaginé que son héritage serait suivi des « armes blanches contre les marches blanches » ?
    Je mets volontairement « armes » avant « marches », car les secondes sont la conséquence des premières.
    Où cet engrenage s’arrêtera-t-il ?
    Quel en seront les conséquences ?
    La maman d’Adrien dit en mots simples et forts les maux qui pourrissent la vie de trop nombreuses familles françaises.
    La France profonde, celle qui ne demande rien à personne, qui fait la France telle qu’elle fût et devrait être, n’a plus confiance en ses élus.

    • Il était ministre de l’intérieur et n’a rien fait ! Depuis plus de 50 ans, ils sont les seuls responsables de nous avoir mis dans cette situation ! On a les présidents qu’on mérite !

  2. L’opposition politique démocrate est bien faible face aux terribles dérives des partis fascistes (extrême gauche, totalitariste) et de ceux des traitres (extrême droite, représentée par le gouvernement actuel, élitiste, pillant la France et les français). – – – – – Il me semble qu’à leur place, je leur ferait honte de leurs attitudes maléfiques.

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