Affaire Avenel : Éducation nationale à responsabilité limitée

montrer du doigt

Les « excuses » tardives de la désormais ex-rectrice de l’académie de Versailles, Charline Avenel, à travers un entretien donné au Parisien le 23 septembre dernier, n’ont pas fini de faire couler de l’encre. On ne fera pas de procès d’intention à cette haute fonctionnaire, lorsqu’elle avoue avoir « été bouleversée en apprenant le décès de cet élève » et qu’elle a été « effondrée » lorsqu’elle a découvert, il y a une semaine, dans la presse, l’existence de ce courrier. En revanche, comment ne pas s’interroger sur sa tentative, plutôt maladroite d’ailleurs, pour se dédouaner et trouver des « excuses » afin que l’opinion comprenne que tout cela, au fond, n’est pas sa faute ?

« Je regrette de ne pas avoir eu connaissance de ces courriers et de ne pas avoir pu m’assurer qu’on tienne compte de la détresse des familles », a-t-elle déclaré, précisant qu’elle était en congés, ainsi que son adjoint, lorsque le rectorat a reçu la lettre des parents du jeune Nicolas. Certes, stricto sensu et au plan juridique, tout cela est sans doute bordé et doit permettre à l’ancienne rectrice de se mettre à l’abri d’éventuelles poursuites judiciaires. Mais ce genre d’excuses est-il au niveau d’un serviteur de l’État en charge de la plus importante académie du pays (100.000 agents, plus d’un million d’élèves dans les premier et second degrés) ? Au passage, on peut s’interroger sur le fait que le chef et l’adjoint soient en congés en même temps…

L'affaire du sang contaminé

Souvenons-nous de la triste affaire du sang contaminé, sous l’ère Mitterrand. En 1991, sur TF1, Georgina Dufoix, qui avait été ministre des Affaires sociales et de la Solidarité nationale dans le gouvernement Fabius, au moment de l'affaire en 1985, avait déclaré : « Je me sens profondément responsable. Pour autant, je ne me sens pas coupable, parce que vraiment, à l’époque, on a pris des décisions dans un certain contexte, qui étaient pour nous des décisions qui nous paraissaient justes. » Cela lui avait été vivement reproché et elle avait dû porter cette déclaration comme une croix durant des années. La formule est restée : « Responsable, pas coupable. » Et pourtant, comment ne pas reconnaître le fait que cette femme, tout animée d’une rigueur et d’une foi huguenotes, assumait pleinement sa responsabilité. Peut-on en dire autant de Mme Avenel, sortie du même moule de l’ENA et la même année qu’Emmanuel Macron ? « J’étais en congés » : franchement...

Le drame de Carcassonne

Comment ne pas évoquer, comme l’a fait Arnaud Florac ici même, l’affaire de Carcassonne, en 2008 ? Autre institution, autres mœurs. Autre éthique ? Une institution, d'ailleurs, plutôt moins nombreuse que l'Éducation nationale... Lors des portes ouvertes du 3e RPIMa, une démonstration effectuée par des commandos parachutistes avait tourné au drame. Seize personnes du public, dont cinq enfants, avaient été blessées accidentellement par des balles réelles. L’affaire avait provoqué la colère de Nicolas Sarkozy, qui avait eu des paroles très dures, qualifiant les militaires d’« amateurs ». Le colonel commandant le régiment avait été lourdement sanctionné et y avait laissé sa carrière. Le général d'armée Bruno Cuche, chef d’état-major de l’armée de terre, avait démissionné. Pourtant, entre lui et le 3e RPIMa, il y avait quelques échelons, pour ne pas dire fusibles ! Gabriel Attal a eu, lui aussi, des mots très durs au sujet de la lettre aux parents de Nicolas, en parlant de « honte ». Charline Avenel, elle, n’aura pas à démissionner de ses fonctions de rectrice puisqu’elle les a quittées en juillet pour se mettre en disponibilité de la fonction publique afin de rejoindre le privé. Elle y aura sans doute moins de congés.

Ni responsable, ni coupable

Comment, enfin, plus largement, ne pas s’interroger sur la question fondamentale de la responsabilité ? Notamment sous l’ère macronienne. Vous l’aurez remarqué, Emmanuel Macron n’est jamais vraiment responsable des choses qui ne vont pas dans le pays. S’il concède, parfois, très rarement, à reconnaître ses erreurs, il s’empresse, dans la foulée, de préciser qu’ailleurs, en Europe, dans le monde, etc., on connaît aussi les mêmes problèmes ou que c’est la faute des autres. Un exemple tout frais, dénoncé dans ces colonnes par Marc Baudriller, dimanche soir : si la taxe foncière augmente, c’est de la faute des communes, pas du gouvernement. Gros, grossier, grotesque mensonge du gamin pris les doigts dans le pot de confiture. Au fond, l’ère macronienne, c’est celle du « ni responsable, ni coupable » !

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

40 commentaires

  1. Comme d’habitude , Merci à Georges MICHEL pour cet article sain et propre qui décape quelque peu bien des élus et non élus qui font notre quotidien .
    La responsabilité ? mais il n’y en a pas et depuis tellement longtemps . Vous vous rappelez les huit milliards d’Areva , c’est la faute à « Pas de Chance ». Le prix de l’électricité , c’est l’Europe qui veut , ou plutôt les allemands . La réforme des retraites ? Mais nous on a tout fait bien et on essaye même de voler les réserves des régimes du privé AGIRC ARRCO . Les gilets jaunes ? mais on y est pour rien c’est les taxes … Et on pourrait décliner ainsi fort longtemps jusqu’à cette terrible affaire qui marquera des parents une vie entière .
    Aucune responsabilité , aucune sanction juste le droit de recommencer ailleurs . Quant aux français ils sont rassurés , Bruno Le Maire promet qu’il n’y aura pas d’augmentation d’impôts , juste une augmentation des taxes ! C’est pas de leur faute , c’est celle de l’inflation .
    Mais d’ailleurs peut être ne savent ils pas ce que c’est ?
    Quel que soit le sujet abordé , Education , Santé , Sécurité , Economie, Fiscalité , nous ne constatons que des échecs cuisants qui couronnent l’empereur .
    Ou allons nous ? A oui j’oubliais , vers l’Europe souveraine . Tant pis si la France ne devient qu’un pauvre oblast;

  2. Une fois de plus il est difficile d’avoir un avis objectif sur une affaire dont on ne connaît que peu de chose, sinon un drame affreux. Par contre un vrai chef couvre ses collaborateurs en endossant publiquement la responsabilité de leurs actes.

  3. Je tiens à dire que cette affaire ( triste ) est loin d’être unique. On en parle comme d’une exception fâcheuse etc Non ! c’est un peu trop souvent la norme des Bureaux et Administions diverses ( pas toujours, il faut être honnête ). Là, le ministre est intervenu ( il a parlé du rôle des médias qui ont relayé etc). Sinon…

    • Demandez à macron, gamin pris les doigts dans le pot de confiture. Et pourquoi tient-il tellement à devenir chef? A cause de la confiture, pardi.

  4. Encore faut il ajouter que la dite Avenel se trouve maintenant à la tête d’un institut privé important. A la place des dirigeants de ce groupe Ionis, je me poserais des questions sur le maintien en place de cette personne…

      • Peu probable, elle n’est certainement pas venue les mains vides (il y a des trésors de relais et carnets d’adresses dans les hautes administrations. Vous dites qu’il ne faut pas les expatrier? J’entends rien, rien de rien.)

  5. Il a du progrès, à l’époque du sang contaminé c’était « responsable mais pas coupable ». Si on continue dans cette voie, dans peu de temps il n’y aura même plus d’affaires.

  6. Ne pas connaître et reconnaître la différence entre la responsabilité et la culpabilité doit conduire à reprendre quelques leçons de philosophie.
    Si ce n’était le cas nous irions en prison pour la moindre erreur.

  7.  » tout cela est sans doute bordé et doit permettre à l’ancienne rectrice de se mettre à l’abri d’éventuelles poursuites judiciaires. » Pas d’accord. Cette lettre n’est pas la seule. Le ministre expose que 55 lettres sont du même tonneau. On est donc en présence d’un défaut de contrôle et d’organisation et d’instructions inadéquates pour le traitement des affaires graves, d’une faute de la Direction dans l’exercice de ses responsabiltés d’organisation et de supervision. La faute de Madame Avenel est d’avoir, par négligence, laissé SES services s’engager dans des actions répréhensibles. Et si ce n’est pas de la négligence, si c’est « systémique » et « idéologique » (les parents on sait ce que c’est, circulez y’a rien à voir, tenez vous à carreau et arrêtez de nous emmerder sinon …) alors, c’est criminel. Et Madame Avenel fait partie de la bande organisatrice du crime.

  8. Éducation nationale à IRresponsabilité ILlimitée. Après la mort d’une fillette de 3 ans, battue à mort, dans la nuit de samedi à dimanche dans l’Eure, et le placement en détention provisoire de sa mère et son beau-père, la directrice de l’école maternelle a été suspendue par le rectorat, qui a ouvert une enquête administrative. La directrice de l’école maternelle où elle était scolarisée en moyenne section est suspendue par le rectorat de l’académie de Normandie.

  9. Pour aller plus loin, Je ne ferais pas trop confiance à l’organisme privé qui a engagé madame Avenel qui trimbale une telle casserole .. Pas très regardant sur ses recrutements. Une personne qui se dit « chef » mais qui « n’était pas au courant… qui n’a pas pu » et, qui plus est, prend ses vacances en même temps que son second… Comme beaucoup de hauts fonctionnaires elle était la pour le salaire et le titre, laissant au lampistes le soin de faire « tourner la baraque ». Mais, c’est une copine de l’ENA de Macron…

    • On peut aussi s’interroger sur le fait que les 2 personnes les plus haut placées du rectorat (et pas le moindre) sont en vacances dans les toutes premières semaines de l’ année scolaire. Ce sont d’ailleurs des personnes qui ne devraient pas quitter leur poste lorsque la machine Education Natiobale est en marche.

  10. Un policier qui n’a que quelques fractions de secondes pour apprécier une situation et qui prend, nous dit-on, une mauvaise décision, va en prison. Un fonctionnaire de l’éducation nationale, qui par son incompétence crasse est coupable du suicide d’un enfant harcelé, ne se sent pas responsable et bien sur, n’ira pas en prison…Deviner quelle administration il faut choisir ?

  11. Cela fait des années que la haute administration du rectorat de Versailles est constituée d’une bande de copains et de coquins qui considèrent la maison comme une rampe de lancement vers des fonctions plus prestigieuses. J’ai quand même réussi à faire condamner un recteur devant le Tribunal administratif. Lire « Stupéfiant voyage à travers l’Education nationale ».

  12. Le problème de cette clique macronienne, c’est qu’ils se comportent comme des enfants gâtés a qui on donne des postes beaucoup trop importants pour leur âge et leurs capacités,
    Mais ils se gavent, la soupe est bonne

    • C’est flagrant ! « On » leur donne le  » droit » de jouer dans la cour des grands, dès leur parchemin acquis, alors qu’un individu normal attend en moyenne l’âge de 42 ans pour pouvoir prétendre être « chef » de quelque chose, après avoir fait ses preuves et son expérience dans le monde du travail..

    • C’est sûr qu’avec l’âge on acquiert de l’expérience. Mais les mauvaises fleurs du fruitier donneront toujours de mauvais fruits. Je crains que ces enfants gâtés ne soient pas mieux et probablement pire à leur vieillesse

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