Affaire Bétharram : y a-t-il quelqu’un pour s’occuper de la France ?

Capture d'écran
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Surtout, ne pas déranger l’ultra-gauche : elle est sur-occupée, survoltée, une fois de plus. L'affaire Betharram propulse LFI au Nirvana. Il est atteint lorsque les élus, faute d'accéder au pouvoir, font chuter ministres ou gouvernements. Rester nuisibles, coûte que coûte. Un élu d’opposition Vert au conseil municipal de Pau, Maître Blanco, a ainsi demandé, ce 17 février, l'ouverture d'une enquête pénale qui vise aussi des faits présumés de « recel de crime », pour « entrave à la justice » dans l'affaire de viol survenue en 1998 au sein de l'école de Bétharram, dans les Pyrénées-Atlantiques. Cette demande fait suite aux propos d'un ancien gendarme qui a évoqué, sur TF1, une « intervention » de François Bayrou. Des propos aussitôt démentis par le juge d’instruction de l’époque, toujours sur TF1 : « Je n’ai vraiment pas le souvenir qu’on m’ait dit que M. Bayrou était intervenu », a-t-il corrigé. Maître Blanco défendait, en 1996, le premier élève à avoir porté plainte, pour une claque administrée par un surveillant de l'école. La gauche se roule dans cette affaire, rebondit, monte le dossier en épingle. Du pain bénit.

Huit articles sur Mediapart

Oubliés les appels à la pudeur, au respect de l’instruction, les accusations de « récupération politique » administrées à chaque coup de couteau mortel, meurtre de gendarme, émeute de banlieue et autres manifestations de la décomposition française. Oubliés les procès en exploitation de « faits divers », en idées rances et en lèse-vivre ensemble. Cette fois, l’extrême gauche française est comme un poisson dans l’eau. L’affaire Bétharram ressurgit opportunément après 25 ans pour éclabousser le fragile Premier ministre Bayrou. Et tant pis si, comme l’a très justement remarqué le directeur du Figaro Alexis Brézet, au micro d’Europe 1, ce 17 février, de nombreux ministres de l’Éducation nationale se sont succédé, depuis François Bayrou, y compris un certain… Jean-Luc Mélenchon, ministre de l’Enseignement professionnel. Il se trouve que l’établissement de Bétharram propose, justement, une filière professionnelle. Tant pis si tout cela sent la chasse à l’homme et la corde brandie pour enfin pendre le gouvernement, pour accrocher ce gros gibier politique au tableau de chasse d’une France insoumise qui tourne à vide. Tant pis si LFI a cumulé dans ses rangs pas mal d’affaires pas très proprettes touchant ses propres élus : le parti mélenchoniste est lancé. Mediapart a consacré, au 17 février au soir, pas moins de huit articles à l’affaire. Le site d’Edwy Plenel feuilletonne, suivant les vieilles méthodes de la presse de gauche : à chaque jour sa révélation sur le même scandale. De quoi tétaniser le pouvoir, contraint d’ajuster sa défense heure par heure. Toute la presse de « progrès », l’émission Quotidien bien sûr ou l'audiovisuel de service public relaient avec gourmandise l’affaire. « Le Premier ministre a menti devant la représentation nationale [...] Il ne peut plus rester en fonction », tempête Manuel Bompard, sur BFM TV.

La gauche dure retrouve les vieux réflexes de la chasse en meute, ces campagnes qui firent chuter Cahuzac, à raison, mais qui salirent ignoblement Dominique Baudis, parfaitement innocent. L'affaire Allègre-Baudis, relayée complaisamment par la rédaction du Monde, à l’époque pilotée par le même Plenel, âme et créateur de Mediapart, brisa l’ancien maire de Toulouse.

Sur le fond, les faits de viols et d’abus sexuels de Bétharram, s’ils sont avérés, sont évidemment gravissimes : nul ne sait quelle sera l’issue judiciaire de cette affaire. Mais la question est éminemment politique. Et médiatique.

Quand LFI et le MoDem se faisaient la courte échelle

Les députés LFI Alexis Corbière, Sarah Legrain et Paul Vannier se succèdent sur les plateaux pour expliquer que Bayrou ment et doit remettre sa démission. L’intérêt de la France, qui inspira au RN de ne pas voter la censure, n’entre pas dans leur champ d’analyse. On ressort les vieilles rancœurs. Manuel Bompard (LFI) en profite pour glisser son rêve d’abattre l’école privée : « Je pense que l’éducation doit être gratuite et laïque », dit-il. Que n’aurait-on entendu, si la droite avait, à l’occasion d’un scandale de mœurs dans l’enseignement public, plaidé pour le chèque scolaire ? Ignoble, infâme, dégueulasse, inacceptable...

Au passage, cette affaire en dit long sur la comédie politique hexagonale. Rappelons que, lors des dernières élections législatives, LFI fit complaisamment la courte échelle au MoDem de François Bayrou qui, lui-même, se désista en faveur des élus LFI. Il s'agissait de contrer la poussée du RN, unique obsession du système. Voilà le Premier ministre sans majorité, traqué, enseveli sous une couche de paralysie supplémentaire. De leur côté, les Français attendent qu’on veuille bien, si cela ne dérange pas trop LFI, que quelqu’un s’occupe de la France...

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Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

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