Affaire Fillon : quand Bourdin prend Bourgi pour un témoin digne de foi

Depuis plus d’une semaine, BFM TV entretient le suspense en annonçant la diffusion, ce lundi soir, d’un document intitulé "Qui a tué François Fillon ?" Pour pigmenter encore cette émission, Jean-Jacques Bourdin a invité, ce matin, Robert Bourgi, l’homme d’affaires et avocat qui a plombé la campagne du candidat de droite, déjà mal en point après les premières révélations sur Penelope, en lui offrant trois costumes.

On ne sait qui doit être le plus blâmé de cette invitation : de Robert Bourgi, pour y avoir répondu, ou de Jean-Jacques Bourdin, pour l’avoir sollicitée. Sans doute le journaliste, qui croit faire la pluie et le beau temps dans la matinale de BFM TV, plus qu’un homme d’affaires dont le moins qu’on puisse dire est qu’il n’a pas toujours été recommandable, même s’il a côtoyé les puissants.

Le simple fait qu’il grenouilla autrefois dans l’entourage de Jacques Foccart, fondateur du Service d’action civique (SAC) et honorable barbouze, en dit long sur la confiance qu’on peut lui accorder.

Pourtant, Jean-Jacques Bourdin, toujours aussi imbu de lui-même, n’a pas hésité à laisser passer les accusations de son invité comme paroles d’évangile. L’avocat, ex-ami de Fillon, explique comment il a décidé de le "niquer" en lui faisant cadeau de trois costumes de luxe et en le faisant savoir au moment opportun. Plein d’humour, il propose à Bourdin de lui offrir des costumes Petit Bateau®, ce qui suffirait à montrer qu’il se moque de lui.

Un journaliste digne de ce nom aurait réagi et émis des réserves sur le procédé et ce témoignage exclusivement à charge. Mais Bourdin, fier comme un coq, se vante de savoir déjà tout cela, car c’est un journaliste qui travaille. Excusez la modestie ! Il laisse donc Bourgi raconter comment il a piégé Fillon : "Je le savais accro à l'argent, et on ne pouvait pas laisser faire ça. [...] Heureusement qu'il n'a pas été président de la République", proclame, rassuré, cet exemplaire redresseur de torts.

De cet entretien, on se demande en vain qui peut tirer profit. Certainement pas Robert Bourgi, qui a confirmé sa triste réputation. Ni Jean-Jacques Bourdin, qui s’est fait le complice complaisant du premier. Ni la chaîne qui l’emploie, qui nous a habitués, en d’autres occasions, à plus de distance critique.

Ce n’est pas, non plus, François Fillon, qui devait être bien naïf pour tomber dans un tel piège ! Ni Nicolas Sarkozy, qui serait toujours l’ami dudit Bourgi et endosse, par là même, des soupçons de responsabilité dans la mort politique de son ex-Premier ministre. Ni Laurent Wauquiez qui, lors du Conseil national de son parti, a rendu hommage au courage de François Fillon dans l’épreuve.

Les seuls qui peuvent espérer tirer quelque avantage de cette ténébreuse affaire, ce sont les soutiens de Macron qui se refont à bas prix une virginité après avoir, pour nombre d’entre eux, soutenu ceux qu’ils dénoncent aujourd’hui : soutiens de François Hollande, devenus des macronistes pur jus, soutiens de François Fillon, ayant vendu leurs convictions pour un plat de lentilles.

C’est lamentable. Pour la politique, rarement tombée aussi bas, pour le journalisme qui oublie toute déontologie. Ce n’est pas une réforme, dont la France a besoin pour sortir de ce bourbier sordide, c’est un sérieux coup de balai !

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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