Affaire JFK : « L’assassinat de Kennedy porte la marque de la CIA de bout en bout »

Kennedy était un président qui avait véritablement l'intention de changer des choses, aux États-Unis.
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Qui sont, réellement, les responsables de l'assassinat du président John Fitzgerald Kennedy ? L'un des secrets les mieux gardés de l'Histoire, qui a nourri toutes les thèses jusqu'aux plus folles et un nombre impressionnant d'ouvrages (au moins 600 livres ont été publiés), est-il définitivement levé, depuis ce 18 mars, jour où Donald Trump a signé un décret de déclassification du dossier ? Réponse avec le journaliste et ancien grand reporter de guerre à Paris Match Régis le Sommier, aujourd'hui directeur de la rédaction du média Omerta et auteur de l’ouvrage Qui est le diable, l’autre ou l’Occident ? (Éditions Max Milo).

 

Sabine de Villeroché. Qui a tué J.F. Kennedy, ce 22 novembre 1963 ?

Régis Le Sommier. Globalement, la publication de ces 80.000 documents classés confidentiels révèlent que l'assassinat de Kennedy porte la marque de la CIA de bout en bout, mais aussi celle du FBI et de la mafia américaine. Une CIA qui agit avec des fonds fédéraux comme une organisation de voyous capables de recruter les pires personnes pour faire les pires manigances dans des buts qui souvent peuvent paraître parfois un peu étranges.

 

S. d. V. Pourquoi l'avoir fait assassiner ?

R. L. S. Kennedy était un président qui avait véritablement l'intention de changer des choses, aux États-Unis. À l’instar d’un certain président élu récemment. Mais aux États-Unis, le « deep state » (l'État profond) n’aime pas beaucoup que les choses changent. J.F. Kennedy avait l'intention de se payer la CIA pour la faire « rentrer dans sa boîte » et, surtout, d'arrêter la guerre au Vietnam, qu'il avait lui-même déclenchée. Il se heurtait là à des lobbies puissants, ceux qu’Eisenhower appelait « le complexe militaro-industriel ». Kennedy gênait donc la CIA et, d'un point de vue économique, les grands groupes.

Il ne faut, par ailleurs, pas oublier qu’il était un président qu'on n'attendait pas et qui a été élu de justesse. J.F. Kennedy était considéré comme « aux marges de l'establishment WASP (Blanc anglo-saxon protestant) » car catholique et faisant partie d'une minorité américano-irlandaise. Son irruption dans la vie américaine n'était pas cette étincelle de glamour et de beauté, comme pouvaient le montrer les magazines à l'époque. Il avait beaucoup d'ennemis et a eu, face à lui, un inside job, comme disent les Américains, impliquant la CIA mais aussi d’autres services de renseignement qui, nés à peu près en même temps, travaillaient à l’époque main dans la main comme le Mossad ou les services australiens. Certains ont aussi supposé que les Israéliens avaient intérêt à se débarrasser de Kennedy.

 

S. d. V. Les 80.000 documents déclassifiés révèlent-ils d’autres informations jusque-là gardées secrètes ?

R. L. S. Un des documents déclassifiés atteste de la présence de George Bush père à Dallas, le jour de l'assassinat de Kennedy - ce qui n'avait jusque-là jamais été révélé - qui, apparemment, était en contact avec un des protagonistes de l'histoire. Ce même George Bush père, agent de la CIA, qui en deviendra le patron après avoir été ambassadeur des États-Unis en Chine.

 

S. d. V. Que retenir de la déclassification du dossier JFK ?

R. L. S. La faiblesse de la CIA et sa force. Ces informations révèlent trop de choses sur l'état d'esprit et son comportement lors des opérations. À cette époque, ses agents se comportent comme des voyous capables de s'allier à des mafieux avec une obsession : bouffer du communisme. À la lecture de ces documents, on se rend compte qu'ils sont capables d'aller très très loin. Toute idée saugrenue comme empoisonner du sucre cubain à destination de la Russie soviétique ou empoisonner des vaches en Allemagne de l'Est était étudiée, à partir du moment où la CIA s’attaquait au monde communiste.

 

S. d. V. Comment expliquer cette décision de Donald Trump de faire toute la lumière sur l'affaire JFK ?

R. L. S. Il y deux aspects. L'un tient au combat personnel de Trump contre l’État profond, très manifeste pendant ce deuxième mandat. Il s'est aperçu qu'en 2016, un peu à la manière de Kennedy, il s'est pris tout le monde sur le dos, l'establishment, les journaux, le New York Times, etc, qui l'ont empêché de faire beaucoup de choses. Cette fois, Donald Trump a pour objectif de nettoyer l’État profond. Sans faire d'association absolue entre les deux faits, il a par ailleurs échappé à trois tentatives d’assassinats. C’est un véritable combat qui est en train de se jouer entre ces deux pôles américains d'aujourd'hui : l’un, isolationniste, qui met l'accent sur la puissance américaine dans les intérêts des « Américains d'abord », et l’autre, pour qui l'influence américaine est le vecteur d'une idéologie universelle.

Sous un autre aspect, en déclassifiant ces documents, Trump cherche à satisfaire son ministre de la Santé, Robert Kennedy, qui s’interroge sur la mort de son père (Bob, assassiné en 1968) et de son oncle (JFK) et a vécu orphelin toute sa vie. Ce Robert Kennedy a pris une influence considérable, dans la campagne. Son nom permettait de créer un pont vers un électorat démocrate qui n'était pas naturellement intéressé par Donald Trump.

 

S. d. V. D'autres « déclassifications » sont en cours : celles concernant les assassinats de Robert Kennedy, frère de JFK, et de Martin Luther King. Toute la lumière devrait aussi être faite sur le dossier Epstein. Ces révélations pourraient-elles avoir un impact sur la politique américaine ?

R. L. S. Je ne pense pas. Le public va découvrir que des organismes fédéraux ont eu un impact dans ces affaires et que tout ceci n'est pas très clair. L'affaire Epstein risque d'embarrasser le clan Clinton ; on en saura peut-être plus sur ceux qui sont allés dans la fameuse île de Jeffrey Epstein. C'est une manière de montrer une certaine collusion entre des élites démocrates, pour la plupart. Peut-être en apprendrons-nous davantage sur la mort, en prison, de ce Jeffrey Epstein.

 

S. d. V. Quelles pourraient être les suites du dossier Kennedy ? 

R. L. S. Avec Donald Trump, la CIA, cette pieuvre tentaculaire, va « rentrer dans sa boîte ». Le nouveau président entend mettre de l'ordre dans cette galaxie qui va de la CIA jusqu'aux néoconservateurs et a été très en pointe, notamment dans tout ce qui s'est produit autour des révolutions de couleur, de la Géorgie à l'Ukraine en passant par la Moldavie, et plein de pays, au nom d’une « idéologie suprême américaine » à laquelle il souhaite mettre un terme. À l’époque de Bush, par exemple, la suprématie de la CIA supplantait même le Pentagone. Donald Trump veut revenir à un équilibre des agences et réutiliser une armée recentrée sur les seuls intérêts américains (contrôle des frontières et lutte contre le trafic des narcos) plutôt que de l’envoyer en Ukraine, là où il veut signer à tout prix un accord pour ne pas endosser une défaite qui est celle de Joe Biden. Trump croit en un monde tripolaire USA-Russie-Chine. Par un dialogue ferme avec Poutine et Xi Jinping, toujours dans l'intérêt des Américains. Pour l’instant, beaucoup de choses sont en train de se jouer au Congo, au Groenland et en Ukraine autour des terres rares où l’on trouve cobalt et minerais pour les produits informatiques et les missiles de haute technologie. Un monde nouveau se dessine dans lequel l’Europe occupe une place encore incertaine.

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Sabine de Villeroché
Journaliste à BV, ancienne avocate au barreau de Paris

Vos commentaires

32 commentaires

  1. Que toute la lumière soit faite sur ces divers assassinats, serAIT une déflagration.
    Mais Trump en aura-t-il le temps et les moyens ? Est-il absurde de penser qu’il est peut-être déjà, lui-même, dans le viseur de plus d’un ?

  2. Regis Le Sommier est un excellent navigateur, il est toujours dans le bon courant, adroit a surfer sur la bonne vague du moment, un talent a rester navigateur longtemps….. il est certain qu’il n’est pas pro-poutine, il est pro-autres choses immunisantes.

  3. Il y a des gens comme ça qui donne envie de les suivre dans leur raisonnement. Ils inspirent la confiance à tort ou à raison. Régis Le Sommier fait partie de ceux-là. En tout cas pour moi. Dans son dernier ouvrage « Qui est le diable, l’autre ou l’occident ? », on y voit la subtilité de cet homme loin des clichés qu’on nous sert à longueur de journée. Et quand il prend la parole, c’est qu’il connait son affaire. Jamais de prêchi-prêcha. Les faits rien que les faits. C’est avec une certaine malice aussi qu’il répond à ceux, face à lui, qui prétendent apporter des précisions qu’il n’aurait pas. Il se rie de ces gens de conversation de salon qui amènent leur grain de sel sans s’être jamais déplacés dans le pays où se sont produits les évènements. Ce qui ne les empêchent pas d’intervenir sans complexe. J’aime bien la personnalité de ce grand reporter.

    • La prétention qui est la nôtre d’énoncer une relation entre un événement avéré et un événement suggéré n’a aucune validité rationnelle. En réalité il s’agit d’une impression subjective. On peut toujours en discuter mais de là à croire qu’on détient la vérité, fut-ce par des sources éclairées, c’est un pas que je ne franchirais pas justement pour ne pas dire n’importe quoi.

  4. L’Europe étant de souche chrétienne, et catholique, il fallait que la finance anglo-saxonne programme sa démolition, comme elle l’a fait pour Kennedy, dont la famille, bien vue par la maffia, a joué avec le feu et s’est pris deux fois le boomerang dans la tête, avec l’assassinat de deux de ses fils, l’ainé étant en plus mort pendant la guerre !

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