Affaire Legay : le commissaire divisionnaire bouc émissaire du maintien de l’ordre
L’affaire « Geneviève Legay », du nom de cette militante septuagénaire d’ATTAC sérieusement blessée, le 23 mars 2019, à Nice, lors d’une charge de la police, a donc trouvé son bouc émissaire. C’est ainsi que le commissaire divisionnaire responsable du service d’ordre, qui avait été mis en examen en novembre dernier dans le cadre de l’instruction, vient de se voir signifier par le parquet de Lyon son renvoi devant le tribunal correctionnel du chef de « complicité de violences volontaires ».
Tout d’abord, rappelons que la manifestation des gilets jaunes au cours de laquelle Mme Legay avait eu plusieurs côtes cassées et des fractures au crâne avait été interdite par les autorités. C’est donc en vertu des dispositions contenues dans la loi, selon lesquelles une manifestation interdite est susceptible, après la mise en œuvre du protocole des sommations, de devenir un attroupement, que le commissaire de police en charge du maintien de l’ordre avait ordonné cette manœuvre. À cette époque, les manifestations des gilets jaunes se succédaient les unes aux autres et certaines furent, à l’encontre des forces de l’ordre, extrêmement violentes.
Quoi qu’il en soit, au vu des circonstances, les autorités avaient considéré, pour interdire cette manifestation, que les deux conditions légalement requises étaient réunies. D’une part, un danger réel de troubles graves et, d’autre part, l’inexistence d’un autre moyen pour maintenir l’ordre public. Cette interdiction, manifestement bravée par Mme Legay, la rendait donc coupable ainsi que les autres manifestants en vertu des dispositions de l’article R610-5 du Code pénal (simple contravention). Voire, si les sommations avaient bien été effectuées, ce qui semble avoir été le cas, en vertu de celles prévues aux articles 431-4 et 431-5 du même code : elles disposent que le fait de continuer de participer volontairement à un attroupement après sommations est constitutif d’un délit assorti d'une peine d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 15.000 euros.
Au-delà de l’aspect légal de cette affaire, un certain nombre de questions se posent. D'abord, le commissaire divisionnaire renvoyé devant le tribunal correctionnel l’est pour « complicité de violences volontaires ». Le motif évoqué par les magistrats serait la « disproportion de la manœuvre effectuée en raison d’ordres inadaptés ». Cette approche, pour le moins subjective au regard des dispositions légales qui entourent le régime des manifestations, est évidemment complètement déconnectée de la réalité que l’on observe sur le terrain lors des opérations de maintien et de rétablissement de l’ordre. À cet égard, il serait donc intéressant que ceux qui se prononcent doctement sur le sujet depuis le fond de leurs bureaux nous expliquent comment, au cœur d’une manifestation qui dégénère comme ce fut souvent le cas à cette époque, il convient d’interpréter les termes de la loi.
Autre question intéressante : comment se fait-il que le commissaire accusé de « complicité de violences volontaires» ne soit pas aux côtés de l’auteur principal ? La réponse est, en réalité, très simple. L’auteur direct des violences étant un gardien de la paix, il est évident que l’administration n’a pas voulu courir le risque de voir les syndicats de police monter au créneau, avec tous les risques que cela comporte, pour défendre l’un des leurs. Par ailleurs, il fallait également que le responsable livré en pâture soit d’un niveau hiérarchique suffisant pour faire taire les différentes parties. Avec cette décision, la base policière est ainsi satisfaite et le haut de la pyramide hiérarchique, le préfet et le ministre de l’Intérieur en particulier, épargné.
Mais la vraie question est posée par l’avocat de la défense, Me Arié Alimi. Qui, dans l’avenir, parmi les donneurs d’ordres, devra rendre des comptes lorsque la violence, pourtant légitime puisque prévue par la loi, sera utilisée lors de telles manifestations ? Il appartient désormais aux responsables opérationnels que sont notamment les commissaires de police de se poser les bonnes questions et, surtout, d’obtenir les bonnes réponses.
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