Affaire Navalny : l’obsession de la guerre froide

Alexey_Navalny_2017

Alexeï Navalny semble avoir été victime d’une tentative d’empoisonnement. Il mérite le soutien qu’on doit aux malades et l’inquiétude éprouvée par tout démocrate quand une personnalité politique est mise en danger.

Toutefois, à force d’ériger la lutte contre le complotisme, les « fake news » et Vladimir Poutine en credo de la presse européenne, les médias ont interdit tout examen critique des informations concernant l’opposition russe. En ces matières, le doute n’est pas permis. Au pays de Descartes, c’est la foi qui doit présider à la réception de l’information par le public.

Le 21 août dernier, François Croquette, ambassadeur français « pour les droits de l’homme », affirmait : « Nous savons qui est le coupable. » Une affirmation bien peu diplomatique pour un diplomate qui dépasse de très loin les éléments communiqués par l’État. Devin ? Cartomancien ? Croquette ne mesure pas l’importance et la dignité nécessaires à la parole de la France.

Le 27 août, Jean Yves Le Drian, ministres des Affaires étrangères, déclarait, quant à lui : « Elle [la Russie] serait bien inspirée de mener une enquête transparente et, lorsqu’on a trouvé les coupables, de les juger pour que la leçon soit faite, parce que ce n’est pas la première fois qu’il y a un empoisonnement. » Une parole, certes ferme, mais qui n’a rien à voir avec les excès de son ambassadeur. Comment François Croquette peut-il encore être en poste après un comportement militant et qui met en danger la respectabilité de la parole internationale de la France ?

Navalny a été d’abord soigné dans un hôpital russe, qui n’avait pas trouvé de trace de poison, puis transporté en Allemagne où l’équipe médicale juge qu’il a été volontairement intoxiqué. Son transfert a été orchestré par une ONG, Cinema for Peace, qui était déjà intervenue pour secourir les Pussy Riot, le groupe qui considérait que mimer un avortement dans une église constitue une performance artistique.

Je crois volontiers que bien des consciences s’interrogent de bonne foi sur le sort de monsieur Navalny. Je crois aussi que des relais d’influence puissants sont à l’œuvre pour aviver les tensions entre Moscou et l’Union européenne. C’est avec recul et raison que nous devons lire et analyser la politique intérieure russe. Pas en reprenant les accents belliqueux des pays de l’est de l’Europe dont le passé douloureux, notamment du fait des horreurs du communisme, et la situation géographique ont construit un rapport à la Russie qui ne peut pas être celui de la France.

La puissance américaine est déclinante. Partout dans le monde, la Chine, l’Inde, le Brésil font émerger un monde où les puissances sont multiples et les antagonismes diversifiés. Ces pays entretiennent tous des relations apaisées avec la Russie. Qu’avons-nous à gagner dans un rejet pavlovien de la puissance russe ? Qu’avons-nous à gagner à grimer les Russes en démons et les Américains en chérubins ? Rien, si ce n’est à maintenir la France dans une situation de suivisme international qui affaiblit et notre aura et nos intérêts.

[1] https://www.ouest-france.fr/europe/russie/affaire-navalny-moscou-ne-joue-pas-la-transparence-deplore-jean-yves-le-drian-6949803

Thierry Mariani
Thierry Mariani
Ancien ministre, député RN au Parlement européen

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