Affaire Pivot : et après ?
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Il aura fallu #MeToo et le roman de Vanessa Springora pour qu’enfin nous prenions conscience de la décrépitude morale des milieux intellectuels parisiens qui faisaient la pluie et le beau temps depuis les années 70 ! Bernard Pivot, l’homme d’« Apostrophes », des dictées et de l’académie Goncourt est détrôné ! D’un coup... Qui l’eût imaginé ?
Et pourtant, cet aréopage agissait à visage découvert, en grand écran !
D’un seul coup, nous réalisons que nous avons collectivement encensé des personnalités qui ne méritaient que l’ignorance et le mépris, voire la prison ! Les uns comme acteurs, les autres comme complices et nous tous pour non-assistance à enfance en danger. Nous étions aveuglés, et la vue nous est revenue...
Certes, il y avait des fachos d’extrême droite, intolérants, opposés à la sacro-sainte liberté d’expression, qui osaient dire que cette culture affranchie de tout interdit moral était nauséabonde et condamnable. Mais ils prêchaient dans le désert créé par Mai 68, cet univers libéré de toute prévention par rapport à un mal devenu synonyme de frustration.
Bernard Pivot s’est défendu très maladroitement en écrivant dans un tweet – c’est devenu sa marotte – que « dans les années 70 et 80, la littérature passait avant la morale ; aujourd’hui, la morale passe avant la littérature. Moralement, c’est un progrès. Nous sommes plus ou moins les produits intellectuels et moraux d’un pays et, surtout, d’une époque. » Ainsi, selon le pape télévisuel de la langue, avait-on le droit non seulement d’écrire les pires cochonneries mais en plus de les vivre et de s’en vanter ! Au prétexte qu’on était un artiste – ou qu’on prétendait l’être –, on avait tous les droits. Comme si le fait de pouvoir écrire toutes les monstruosités possibles vous donnait le droit de les commettre !
Et ça a marché. Le public, l’État, les procureurs, les journalistes, tout le monde a donné sa bénédiction. Même notre Pivot national y allait de son morceau de violon ; et nous gobions sans réagir. Pour le coup, c’est pire que ce qu’on reproche à l’Église qui, pour sa part, n’a jamais prétendu que les abus sexuels commis étaient à louer et à encenser.
Quelle est la morale de cette histoire ?
Qu’il n’y a plus de morale, ma bonne dame. Et que cela ne gêne personne jusqu’au moment où le vase déborde quand on s’y attend le moins. Car la morale, toute frustrante qu’elle est, est un besoin naturel de l’humain. #MeToo aura eu au moins un effet positif, il faut le reconnaître.
Y aura-t-il un effet domino ? Jusqu’où irons-nous ? À quand la même réaction à l’égard de la pornographie ? Quand on commence à tirer sur le fil, on ne sait pas jusqu’où on risque d’aller.
La question sera, dès lors, celle de l’après. On ne peut rien prédire. Mais on peut au moins se réjouir de voir ces icônes être descendues de leur piédestal comme dans une partie de chamboule-tout. Et tant pis pour Bernard Pivot qui, au-delà de son manque de sens moral, aura commis l’erreur de tout confondre et d’avoir mauvais goût, très mauvais goût.
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