Afghanistan : non, les talibans n’ont pas changé, mais on va quand même continuer à banquer…
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Semblables à nos Présidents à la veille de briguer un second mandat, les talibans qui gouvernent aujourd’hui l’Afghanistan assuraient avoir « changé ».
Revenus au pouvoir en août dernier, vingt ans après en avoir été chassés, les talibans l’avaient promis : les femmes ne seraient plus chez eux ces parias privés de la plus élémentaire des libertés. Elles auraient désormais le droit de sortir, de travailler, d’être instruites… C’était, promis juré sur le Coran, la condition sine qua non pour recevoir l’aide internationale qui sortirait le pays de la misère.
Quatre mois se sont écoulés et la nouvelle est tombée en ce lendemain d’un Noël que les chrétiens n’osent plus ni fêter ni nommer : le ministère de la Promotion de la vertu et de la Prévention du vice a publié une nouvelle recommandation à l’attention des femmes. Désormais, « les femmes voyageant plus de 45 miles [72 kilomètres] ne peuvent pas faire le trajet si elles ne sont pas accompagnées par un membre proche de la famille » - un homme, bien sûr. De plus, il est fortement recommandé aux conducteurs de n’accepter des femmes à bord que si elles portent le « voile islamique ».
Voilà donc une nouvelle mesure discriminatoire qui vient s’ajouter à celles déjà prises ces dernières semaines, le même ministère ayant par exemple imposé aux télévisions afghanes de ne plus diffuser de « feuilletons et séries à l’eau de rose dans lesquels des femmes » jouent, et réclamant que les femmes journalistes portent « le voile islamique ». En attendant, sans doute, d’être renvoyées à la maison manu militari…
La représentante de l’ONG Human Rights Watch a déclaré à l’AFP : « Nous voyons chaque jour un peu plus qui sont vraiment les talibans, quelles sont leurs vues en matière de droits des femmes, et c’est vraiment une image très très sombre. »
Ah bon, c’est une surprise ?
Non, l’« émirat islamique d’Afghanistan », comme il se nomme lui-même, n’a pas changé et ne changera pas. Les horreurs qui faisaient le quotidien des Afghans durant leur premier règne (1996-2001) vont revenir au galop et il n’y a que les Occidentaux naïfs pour avoir cru qu’il pouvait en être autrement. Pour reprendre une expression à la mode, l’asservissement du peuple, et particulièrement des femmes, est dans leur ADN. Et quand, dimanche, le ministre de l’Éducation supérieure Abdul Baqi Haqqani affirme à l’AFP que son gouvernement n’est pas « contre l’éducation des femmes mais contre la coéducation » des garçons et des filles ensemble ; lorsqu’il ajoute « Nous travaillons à construire un environnement islamique dans lequel les femmes pourraient étudier […]. Cela pourrait prendre du temps », cela n’a qu’un but : continuer à percevoir l’aide internationale. Et ça marche.
Là-dessus, les analystes sont tous d’accord et c’est l’éditorialiste Alain Frachon qui résume la situation dans sa chronique du Monde : « Faut-il aider les Afghans au risque de conforter les talibans ? La question est aujourd’hui académique, dit-il. Elle relève du débat pour émission de télévision ou, au mieux, de la dissertation en première année de sciences morales et politiques. L’Afghanistan ne peut pas attendre. La famine arrive. »
Le chantage fonctionne. On ne laissera pas les Afghans mourir de faim. Nous continuerons de banquer en battant notre coulpe. « Ce pays, l’un des plus misérables du monde et qui sort d’un demi-siècle de guerres, est sous la menace d’une immense tragédie humanitaire, dernier épisode d’un empilement de malheurs auxquels les Occidentaux ne sont pas étrangers », écrit, ainsi, Alain Frachon. Pas question, pour lui, de critiquer l’islamisme radical qui veut asservir le monde. « Les professionnels de l’assistance humanitaire n’ont pas le luxe de s’interroger sur la nature du régime de Kaboul », écrit-il, car « une génération est en péril ». On va donc payer pour nourrir et armer des forces dont la seule ambition est de détruire l’Occident.
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