Afrique : théâtre de la prédation chinoise et des rivalités Chine-Occident

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La neuvième édition du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC) s’ouvrait ce 4 septembre à Pékin. Un rendez-vous diplomatique organisé en grande pompe, entre la Chine et les États d’Afrique, et réitéré tous les trois ans depuis la création du sommet multilatéral en 2000. À travers cette nouvelle rencontre au sommet, Pékin, devenu le premier partenaire commercial du continent africain, poursuit son offensive sur le continent en prônant une « coopération gagnant-gagnant ». Un partenariat Chine-Afrique de grande envergure, fondé principalement sur le développement économique et commercial des États africains, tout autant qu’une initiative qui fait ombrage aux anciennes puissances coloniales et occidentales implantées historiquement sur le continent, mais qui voient le dragon chinois progressivement entasser le butin africain à leurs dépens et leur damer le pion.

Le thème de cette nouvelle édition : « Se donner la main pour faire avancer la modernisation et construire une communauté sino-africaine de haut niveau avec un avenir commun ». L’avenir, pour la Chine, c’est justement l’assurance d’apports en matières premières et minerais stratégiques pour son industrie manufacturière et technologique. Avec ses innombrables ressources géologiques, l’Afrique attire donc tout particulièrement l’intérêt de Pékin depuis plusieurs décennies. C’est le cas en République démocratique du Congo (RDC), où la Chine, depuis le « contrat du siècle » de 2007 signé entre Pékin et l’ancien président de la RDC Joseph Kabila, et autrement baptisé « Mines contre infrastructures », s’est emparée de la majorité des concessions minières du pays (cuivre, cobalt, mais aussi or, lithium, terres rares, etc.), autrefois aux mains de la Gécamines (Société générale des carrières et des mines, détenue par l’État de la RDC). Sur les 19 mines de cobalt que compte le Sud-Est congolais, la Chine en possède ainsi 15. Une coopération sino-africaine fortement asymétrique, qui n’a eu de cesse de se renforcer depuis la fin des années 1990 et l’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001. Et, plus encore, depuis le lancement des nouvelles routes de la soie par Xi Jinping, en 2013. Un projet titanesque, qui a pour but de désenclaver la Chine en la reliant aux quatre continents par voie terrestre et maritime.

L’Afrique rempile face aux promesses chinoises

Le président chinois Xi Jinping s’est engagé, ce jeudi 5 septembre, à doter l’Afrique d’un nouvel apport financier de près de 51 milliards de dollars. Une aide conséquente qui sera apportée par Pékin au continent sur trois ans. L’enjeu : le développement de nouveaux projets d’infrastructure, projets agricoles et autres projets d’énergies vertes et la création d'« au moins 1 million d’emplois ». Fait notable : pour la première fois de l’Histoire, l’aide chinoise sera libellé en yuans (soit 360 milliards de yuans) afin de renforcer l’internationalisation de la devise chinoise.

« Les relations entre la Chine et l’Afrique ne se sont jamais aussi bien portées qu’aujourd’hui
»
, déclarait Xi Jinping. La coopération sino-africaine est d’autant plus forte qu’elle se veut multisectorielle : industrie, agriculture, infrastructures, télécommunications, commerce et investissements, éducation, santé, sécurité, développement durable. Tous les domaines de coopération sont ainsi investis par le Parti communiste chinois afin d’accroître son emprise sur le continent. Y compris militaire, comme à Djibouti, cœur névralgique du commerce maritime international, où la Chine s’est imposée de force, face à la présence militaire américaine, française et japonaise. Une véritable révolution copernicienne pour Pékin, qui s’inscrit dans le climat de la compétition stratégique menée contre les États-Unis, hostiles à la présence et à l’influence chinoise sur le continent.

La diplomatie de la dette au service des intérêts de Pékin

Mais l’aide de Pékin n’est pas sans contrepartie, puisque la Chine - premier bailleur de fonds de la plupart des pays d’Afrique - tient désormais plusieurs États africains, lourdement endettés auprès des banques publiques chinoises, sous sa coupe. Un cercle vicieux de la dette, qui se perpétue par des contrats réitérés de nombreux prêts d’investissements. L’argent fourni par la Chine aura cependant permis aux États africains d’accueillir sur leur sol de nombreuses infrastructures (voies ferrées, routes, ports, aéroports, réseaux de télécommunication, etc.) afin d’accroître leurs échanges commerciaux. Mais cette pax sinica ne saurait cacher la stratégie de prédation chinoise, plus subtile que celle de ses prédécesseurs du temps de l’ère coloniale, mais non moins redoutable ; ce qui nourrit plus encore le sentiment anti-chinois au sein des populations africaines. Parmi les pays d’Afrique tombés dans les filets chinois du piège de la dette : le Nigeria, l’Éthiopie, l’Angola ou la Zambie. Le Kenya, plus grande économie d’Afrique de l’Est, fait également figure de « joyau de la corruption » depuis la création, en 2017, d’une ligne de chemin de fer reliant la ville portuaire de Mombasa à la capitale Nairobi. Les entreprises du géant asiatique y remportent ainsi de nombreux appels d'offres, au détriment des investisseurs occidentaux (et français).

Enfin, les largesses chinoises et autres « cadeaux » offerts aux dirigeants de la région permettent également à Pékin de s’assurer le soutien diplomatique des pays africains au sein de l’Assemblée générale des Nations unies, notamment sur le dossier taïwanais, véritable pomme de discorde qui cristallise les tensions, de plus en plus vives, entre Pékin et Washington.

Une mondialisation du continent africain « made in China » léonine. « Le siècle de l’humiliation » semble désormais un lointain souvenir. C’est une Chine conquérante qui s’impose désormais en Afrique et qui met au tapis les puissances occidentales, moins compétitives, pour s’assurer accès aux ressources naturelles et soutien diplomatique.

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Anna Morel
Journaliste stagiaire. Master en relations internationales.

Vos commentaires

43 commentaires

  1. Les pays africain ont fait leur choix avec la Chine , d’autres avec la Russie ? c’est tout à fait leur droit mais nous aussi Français avons le droit de nous opposer aux millions donnés aux Africain pour le développement et aussi pour l’interdiction aux Africains de venir en France se faire entretenir par les Français qui travaillent pour vivre !
    J’espère que le premier Ministre sera du côté des Français pour faire ce type d’économie !

  2. Aller, espérons que les Africains nous laissent tomber et se dirigent maintenant vers leur nouvel eldorado et et en masses comme ils font maintenant.

  3. Certains osent appeler cela « colonisation » !
    Un africain qui veut réussir dans le système chinois doit apprendre le chinois et aller se former en Chine…
    Ne pas oublier également que les chinois développent l’agriculture avec leur propre personnel pour leur propre consommation…
    ONU, Tondelier, Diallo et autres Rousseau, comment appellent t’ils cela ?

  4.  » doter l’Afrique d’un nouvel apport financier de près de 51 milliards de dollars » A prévoir : un bon à la hausse du Franc suisse.

  5. Présentation très subjective de la réalité dans cet article. Les Chinois nous ont effectivement remplacés, mais ils construisent, en échange, des infrastructures, ce que nous avons été incapables de faire après les décolonisations. Remarquons que la Russie, dont il n’est pas question dans cet article, est en train de construire la production électrique du Sahel alors que nous n’avons pas été davantage capables de le faire malgré un leadership mondial dans le domaine nucléaire.
    Rappelons enfin que la Chine ne détient qu’une très faible partie de la dette africaine qui reste majoritairement la propriété des pays occidentaux. Au lieu de regarder la paille qui est dans mon œil, tu ferais mieux de regarder la poutre qui est dans le tien!

    • Bonjour Cyaxare, Si la Russie installe des cadres russes à vie pour assurer la production électrique, la maintenance des centrales et des lignes de transport cela pourra fonctionner. Sinon, comme d’habitude l’absence de gestion et de maintenance phagocitera ces installations. C’est aussi pour cela que lorsque l’on croise un camion d’une entreprise chinoise en Afrique, il y a presque toujours à côté du chauffeur autochtone un contremaître chinois. En 2006, 80 compagnies aériennes africaines ont été interdites de survol de l’Europe. Car, l’aviation civile africaine représentait 3% du trafic mondial et 30% des accidents. Et côté français cela se présente mal car vu que l’on ne fabrique plus grand chose nous n’avons plus rien à vendre. A tel point, qu’au lieu de construire quelque chose au Cameroun, nous avons tenté d’envoyer à Douala un ambassadeur LGBT…

  6. L’Afrique a toujours été colonisée. D’abord par les arabes, puis par les européens (principalement français et anglais). Quand j’étais en Afrique il y a 50ans, les soviétiques et les chinois commençaient à prendre pied sur le continent. Tous les jeunes africains lisaient le « petit livre rouge de Mao ». La décadence wokiste de l’occident, détestée des africains, fait que, progressivement, les pays africains virent les français et se rapprochent des russes et des chinois (plus adeptes des valeurs africaines comme le patriarcat et la famille)

  7. Et quand la France essaie d’exporter l’idéologie LGBTQ… à l’Afrique, elle se fait jeter. C’est trop injuste.

  8. Il y à un siècle nous disions quand la Chine s’éveillera et bien voilà la Chine c’est réveiller pour notre grand malheur et nous l’avons très bien aidé graçe à nos hommes politiques.

  9. C’est vrai que les Chinois ne sont pas des colonialistes comme l’on été les Belges, les Français les Portugais, etc. Ils viennent pour le bonheur de tous ces chefs rois de la corruption.

  10. Tiens, après un article russophobe, voici un article sinophobe.
    Oui, le gagnant-gagnant est mieux que la colonisation, pourtant. Cela me parait clair.

  11. Il est vrai que l’universalisme à l’occidentale tient aujourd’hui plus du repoussoir que du monde idéal dont rêvent les Africains. Les anciennes grandes puissances colonisatrices n’ont toujours pas fini de croire que leur modèle de société doit encore et toujours s’imposer aux pays d’Afrique avec lesquels elles ont des échanges commerciaux. Comme si les peuples d’Afrique, forcément frustres, avaient continuellement besoin de combler cet abîme qui ne cesse de les séparer des lumières et du seul modèle de civilisation qui compte. Avec le mariage pour tous et les délires woke pour porte-étendards, l’occident, aveuglé par l’admiration qu’il porte à ce qu’il considère être le progrès, ne voit pas que la majorité de la planète y est, au mieux indifférente, et plus généralement totalement hostile.

  12. Pour faire du commerce il faut pouvoir échanger, que ferions nous des matières premières de l’Afrique? Nous n’avons plus d’industrie pour les transformer, elles sont délocalisées en chine, la Russie grâce à nos sanctions et l’apport du Donbass va devenir le plus gros exportateur de blé, Il est donc normal que les pays africains se tournent et soutiennent ceux avec qui ils peuvent échanger. De plus, ils se sont lassés de nos leçons de morale pseudo démocratiques et décadentes, nous leur faisons plus pitié qu’envie.

  13. Les Africains ont donc trouvé leurs nouveaux bienfaiteurs. C’est plutôt une bonne nouvelle ! Je suis convaincu que ceux-ci seront aussi généreux et conciliants que nous, certains qu’ils prendront leur part d’immigrés par bateau entier. Ce qui permettra à l’Europe de juguler une partie de l’invasion migratoire qu’elle subit, ainsi qu’une partie des trafics et de la délinquance qui va avec. Et aussi, de ne pas voir des milliards d’euros de prestations sociales transférés sur ce continent chaque année. On peut espérer. Ou alors, continuerons-nous à avoir la fange et la misère, et les Chinois les mines et les profits ? Vue nos gouvernants actuels, je connais déjà la réponse.

  14. La Chine s’est réveillée, le monde peut trembler. La Chine est la plus grande puissance mondiale, par sa population, par sa capacité économique de production (on l’a tous bien voulu, bien naïvement…). Elle est en un essor dynamique, à la différence des pays occidentaux. La Chine est communiste, c’est-à-dire qu’elle est une terrible dictature. Nous avons en effet de sérieuses raisons de trembler : que se passera-t-il quand la Chine dominera totalement le monde ?

    • « que se passera-t-il quand la Chine dominera totalement le monde ? » Ouvrez les yeux. Quand vous achetez n’importe quoi sur le Net, c’est la Chine qui livre. Toujours, même chez un distributeur français.

    • Nous avons déjà les États-Unis, Google, Amazon, et tant d’autres marques du quotidien pour la domination, et Mélanchon pour le totalitarisme. La Chine, comme toutes les puissances, est pragmatique : elle veut poursuivre et faire croître son « business » continuer à nous vendre ces biens d’équipement ou ces teeshirts à bas prix plébiscités par les consommateurs qui n’ont, d’ailleurs comme pour le reste, guère le choix. Ne tombons pas dans le piège d’une puissance hégémonique voulant garder son près-carre : il n’y a pas d’amis en affaires que des concurrents.

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