Alain Delon, la droite sans complexe

©Georges Biard
©Georges Biard

Plus fort que l’imbroglio juridique de l’héritage de Johnny Hallyday, voici celui de la famille d’Alain Delon. À deux détails près, toutefois.

Le premier, c’est que le patriarche du septième art est encore en vie et que ses enfants ne semblent pas avoir attendu le deuil pour s’entre-déchirer par voie de journaux à scandales et de tribunaux ; au contraire de ceux de l’idole des jeunes. À croire que les enfants de rockers font preuve d’un peu plus de décence que ceux d’acteurs.

Second détail, il est peut-être à craindre qu’une certaine presse ne soit pas loin de se réjouir, presque post mortem, des déboires d’un comédien n’ayant jamais fait mystère de ses opinions réactionnaires.

Soutien de Jean-Marie Le Pen et… d’Anne Hidalgo

Alain Delon est donc de droite, même si souvent d’une droite assez maladroite, ses opinions politiques ayant fluctué au gré de l’air du temps : son soutien à Anne Hidalgo, lors des élections municipales de Paris, en 2014, en témoigne. Tout comme un autre soutien, plus ancien et financier celui-là, à l’emblématique cinéaste de gauche Joseph Losey, en 1976, pour son film Monsieur Klein, dont il aura le rôle-titre. En 1986, Delon exige que ce soit Jack Lang, ancien ministre de la Culture, qui lui remette personnellement ses insignes de commandeur de l’ordre des Arts et Lettres, tout en conviant un certain Jean-Marie Le Pen à cette cérémonie. Comme quoi le Guépard peut être imbattable en grand écart.

Bref, Alain Delon se niche parfois là où ne l’attend pas. Pourtant, deux ans plus tôt, il suscite le scandale dans le Landernau médiatique en affirmant, au printemps 1984, à propos du même Jean-Marie Le Pen : « Je le connais depuis très longtemps. C’est un ami. Il est dangereux pour la faune politique parce qu’il est le seul à être sincère. Il dit tout haut ce que beaucoup de gens pensent tout bas, et que les hommes politiques s’interdisent de dire parce qu’ils sont trop démagogues ou trop trouillards. »

Et à la journaliste Christine Ockrent qui, indignée, lui demande de se justifier, il répond crânement : « Je peux vous le dire, tout le monde le sait, j’ai toujours été un homme de droite. Je n’ai jamais renié mes sentiments. Alors, de la droite, que je verse vers l’extrême droite, c’est toujours la même droite. » À bon entendeur, salut. (sources : Hors-série Valeurs actuelles Delon-Belmondo, une amitié française).

Cela ne l’empêchera pas, ensuite, d’assurer qu'il préfère Nicolas Sarkozy au Front national, ni de soutenir des personnalités telles que Christine Boutin ou Valérie Pécresse. Une indéniable liberté d’esprit, même si parfois brouillonne, dira-t-on. Cette liberté, il la paye au prix fort, en 2014, lorsqu'il démissionne avec fracas de son poste de président d’honneur à vie du Comité Miss France, n’appréciant pas avoir été mis en cause par certains membres : « Votre comité a cru bon de réagir publiquement, avec véhémence, à mes propos sur la politique de la France. Vous en avez parfaitement le droit. Mais ce n’est pas vous qui me lâchez, c’est moi qui pars. » Son crime ? Avoir affirmé à la presse suisse : « Le Front national prend une place très importante et ça, je l’approuve, je le pousse et le comprends parfaitement bien. »

Poursuivi par la « police politique »

En 2019, une nouvelle polémique fait les gros titres des gazettes lorsqu’il est question d'honorer Delon au Festival de Cannes. Et les mêmes pressions médiatiques de s’exercer bruyamment sur un jury au bord de la crise de nerfs. Mais - tout arrive - Thierry Frémaux, le directeur de ce festival, tient bon : « On ne va pas lui remettre le prix Nobel de la paix, à Alain Delon. On va remettre la Palme d’honneur pour sa carrière d’acteur. […] Aujourd’hui, il est difficile de récompenser, d’honorer, parce que, immédiatement… la police politique… »

Désormais, l’homme est plus que diminué. Ne reste plus qu’à prier pour que la « police politique » en question n’aille pas bientôt cracher sur sa tombe. Heureusement, il n’est pas besoin de croire pour espérer.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

31 commentaires

  1. Il aura suffit d’un article dans Paris Match pour allumer la mèche. Je ne suis pas surpris de cette déchirure pré-mortem, la cause du conflit étant le lieu où Delon doit finir sa vie: Suisse contre France. Rien à voir, à ce jour, avec un problème d’héritage. Alors un article qui montre Alain Delon affaibli ( je trouve la photo où on le voit à table sur sa chaise roulante très belle car on y voit un vieil homme dans sa vérité) où il manque sa fille déclenche un torrent de commentaires qui ne pouvaient déboucher que sur la mise à jour du conflit existant entre le demi-frère allié du frère, contre la sœur vivant en Suisse.

  2. Franchement, monsieur Gauthier, de Delon come de Depardieu, on en a assez…;Milieu du spectacle, du cinéma, du sport : milieu pourri par le fric et le sexe…Tout le reste n’est que bavassage de nombril. Vous dévoyez votre talent d’analyste et de rédacteur.

  3. D’abord, on s’en fiche de ses opinions politiques. Louis Aragon était d’extrême gauche communiste (autrement dit fasciste, c’est la même chose, même dictature fondée sur le même positionnement), ça ne m’empêche pas d’admirer son oeuvre poétique que j’adore. – – – – – – – Ensuite, je m’étonne de constater que des affaires strictement privées intéressent les gens.

    • Vous savez Monsieur, du temps ou chaque immeuble parisien avait sa concierge, je peux vous assurer que ce qu’elles échangeaient intéressait Monsieur et Madame  » toulemonde » aussi ! l’humain est ainsi fait, voyeur, indiscret, et pas toujours bienveillant – bien sûr il y a des exceptions, mais hélas, ce sont des exceptions.

  4. Enfin, BV réagit à l’affaire du siècle !
    BFM et Cnews en ont déjà fait des tonnes là-dessus et je me réjouissais du silence de BV sur cette actualité mondaine un brin sordide.
    Quel dommage d’avoir commis cet article sans intérêt !

    • Parfaitement d’accord ! Delon est et sera à jamais un grand acteur mais il n’était pas comme Bourvil qui s’interdisait d’exprimer toute opinion politique ou religieuse, estimant que ce n’était pas le rôle d’un artiste.
      Quant aux aléas familiaux de la famille Delon, je crois que la plupart de nos concitoyens ont d’autres chats à fouetter… Que Pascal Praud arrête de nous bassiner avec ça !

  5. Leurs histoires d’héritage et leurs opinions politiques ne nous intéressent pas du tout …du bruit dans la cuisine et c’est tout .

  6. Oui il a le courage de ses opinions lui…contrairement à tous ces acteurs de pacotille dégonflés.

  7. Je pense que la grande majorité de la population se moque éperdument de la tendance politique d’Alain Delon, comme d’ailleurs de la mienne et en faire un sujet ici me parait pour le moins incongru. Ceci étant, il y a droite et droite, comme il y a gauche et gôgôche.

  8. quand on aime ses enfants on ne fait pas de différence entre eux pour la succession, 50% pour la fille et 25 % pour chaque fils ! et puis pourquoi étaler leur guéguerre dans la presse, on s’en fiche de leur histoire de fric ! moi j’aurais honte que la vie de la famille soit étalée sur la place publique !

  9. C’est quoi la droite ? Jean-Marie Le Pen, Nicolas Sarkozy, Valérie Pécresse ou Christine Boutin ? Tout cela en même temps c’est à dire tout et son contraire ? La droite est une notion creuse depuis 1789; comme la gauche, elle n’a jamais été unanime mais au contraire plurielle dès son origine (Michel Winock). Parler de la droite, comme si la signification de cette notion était clairement établie, est parfaitement fallacieux. Il y a des droites, dont certaines sont totalement incompatibles entre elles. L’utilisation des notions »droite » et « gauche »n’apporte strictement rien à la compréhension des idées politiques.

  10. Il a toujours eu le courage de ses opinions et comme elles ne sont pas vraiment de gauche il est l’homme à abattre. Il a bien raison de s’en moquer

  11. Les médias s’occupent de ce que pense et dit A. Delon mais ils ne veulent pas entendre ce que disent les VRAIS Français qui pensent comme lui çà leur fait peur

  12. Je pense que, comme pour Depardieu, les médias en font beaucoup trop sur « l’affaire » Delon. Ce qui me choque le plus et je ne suis pas seul à le penser, c’est d’avoir fait publier, par ses enfants et pour le plus grand bonheur de Paris-Match, des photos d’un homme réduit à une loque humaine qui a dit, paraphrasant de Gaulle : « la vieillesse est un naufrage. Cela ne sera pas pardonné aux enfants par une grande partie des amoureux de ce grand, cet immense acteur, le DERNIER, hélas.

  13. Question héritage qu’ils se débrouillent on s’en fout de leurs sautes d’humeur étalées au grand et dont la presse se délècte , quand à ses opinions politiques il a su aller du bon côté quand il fallait .

  14. Un peu comme Brigitte Bardot, finalement. Deux personnes de droite aux pieds sur terre qui ne cachent pas ce qu’ils pensent et qui ont du goût!

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