Albert Camus nous a laissés orphelins
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Il y a des villages tellement reliés à la personnalité exceptionnelle qui les a marqués qu'on s'y sent comme invités par elle.
Lourmarin renvoie à Albert Camus, qui y a séjourné durant deux ans avant sa mort. Sa fille Catherine réside encore dans la même maison, rue Albert Camus.
Ce n’est pas la première fois que je viens à Lourmarin mais jamais comme cette année je n’ai perçu l’emprise d’Albert Camus sur mes songes, mes élans, mes sentiments et mon admiration. Je ne sais pourquoi mais mon émotion était grande d’imaginer que je passais par les rues où il était passé, que je m’arrêtais là où peut-être il s’était arrêté, que tant d’années plus tard il était si facile, et presque évident, de le faire revivre. Comme un compagnon exemplaire surgissant du passé pour se mêler à mon présent.
Lourmarin n’a pas oublié Albert Camus.
Sa tombe naturelle, sauvage, belle, ornée d’une multitude de stylos comme autant d’hommages rendus à son génie, offre sa singularité et lui ressemble si on s’attache à lui comme à un écrivain et penseur libre et indépendant mais rendu consensuel par le temps.
Quelle tristesse, alors qu’une exposition était consacrée à la violence politique et à des textes d’Albert Camus sur ce thème, d’avoir assisté à une séance de cinéma sur la place principale qui était censée honorer sa mémoire ! Le film choisi : Avoir 20 ans dans les Aurès, réalisé en 1972 par René Vautier, communiste auxiliaire du FLN, évoque un bataillon disciplinaire en Algérie. Il est tout de haine de la France, de détestation de l’armée et des valeurs traditionnelles, donc aux antipodes de la position d’Albert Camus sur le drame algérien, imprégnée de vérité, de justice, d’équité et sans la moindre complaisance pour un terrorisme aveugle et ses nombreuses victimes civiles.
Ce film sectaire et idéologique constitue une offense à l’égard de ce pour quoi Albert Camus avait été peut-être le plus admiré : sa volonté de tenir avec courage et sincérité les deux bouts d’une chaîne. L’Histoire n’est pas forcément admirable quand elle broie de l’humain.
Camus rendu en effet consensuel par le temps. Plus que jamais dans ces périodes, dans notre époque où sa parole claire, son intelligence vigoureuse et rigoureuse font défaut, sa passion de la vérité et de la nuance manque. Où la terreur frappe et menace. Où l’innocence est massacrée. Où les repères se troublent et se brouillent.
Albert Camus nous a laissés orphelins.
Mais à Lourmarin on peut croire qu’il est présent.
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