Aléa moral et en même temps : et si on reparlait du délai de carence des fonctionnaires ?

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Il y avait sans doute peu de choses à sauver à l’inventaire du déplorable quinquennat Sarkozy, mais il y en a une que son successeur a discrètement et rapidement liquidée pour faire plaisir à sa base électorale : le jour de carence des fonctionnaires. Les fonctionnaires français, tout le monde le sait, sont tellement vertueux qu’il n’est pas besoin que l’État se prémunisse contre l’aléa moral avec eux.

Dans le privé, une compagnie d’assurance se préoccupe de l’aléa moral : il ne faut pas que l’indemnisation d’un sinistre soit assez généreuse pour que l’assuré soit tenté de s’exposer de façon inconsidérée à sa probabilité d’occurrence. À l’échelle de votre assurance automobile, c’est la franchise qui reste à votre charge en cas d’accident. Pour ces assureurs un peu spéciaux que sont les caisses d’assurance maladie en charge de financer les indemnités journalières, les jours de carence sont un mécanisme de franchise : pendant un temps qui varie d’une entreprise à l’autre, le salarié ne perçoit pas sa rémunération.

Le Sénat se livre parfois à des escarmouches. Dans le cadre du budget 2020, il a voté un amendement contre l’avis du gouvernement qui instaurait un délai de carence de trois jours pour les fonctionnaires. Deux raisons sont invoquées : la rigueur budgétaire, qui impliquerait de lutter contre l’absentéisme ou de minimiser son coût d’une part (l’établissement du jour de carence Sarkozy l’avait fait reculer, son rétablissement l’avait relancé). L’équité, enfin, il faudrait tenter d’éradiquer les différences entre la fonction publique et le monde du privé.

Cette disposition devrait faire long feu : le gouvernement y est opposé. Cela pourrait sembler paradoxal, puisque la réforme des retraites qui justifie tant de levées de bouclier trouve sa justification dans la disparition programmée des régimes spéciaux. Encore une occurrence du déplorable « et en même temps » ? La cohérence du gouvernement qui voudrait tant s’afficher comme d’une stricte rigueur budgétaire souffrira, mais ce n’est pas létal d’être incohérent.

Il y a d’autres domaines où l’aléa moral sévit et où l’état macronien n’intervient pas plus que ses prédécesseurs. L’abus de crédit, par exemple, qui est une prise de risque inconsidérée par un établissement financier qui imagine que l’État, et donc le contribuable, couvrira ses pertes en cas d’insolvabilité avérée de ses créanciers qui entraîne sa propre insolvabilité. Nicolas Sarkozy a failli, en 2008, en n'exigeant pas des banques françaises, en contrepartie de leur sauvetage, qu’elles gèrent de façon acceptable pour leurs déposants leurs prises de risques sur les marchés financiers. François Hollande, l’autoproclamé ennemi de la finance, a lui aussi loupé le coche avec sa loi Moscovici de non-séparation des banques d’investissement et de détail. Avec quatre banques systémiques sur un total de trente dans le monde, le contribuable français qui sera racketté et rançonné lors des prochaines crises peut blâmer ce « et en même temps » qui frappe de façon endémique nos dirigeants politiques et financiers.

Plutôt qu’un baroud d’honneur du Sénat sur un point peut-être symbolique, ne conviendrait-il pas mieux que des dirigeants soucieux du bien commun et disposant d’assez de discernement considèrent que cet aléa moral mérite mieux que cette persistante incohérence ?

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