Alexandre Langlois : « Ils ont fait ce conseil de discipline car chaque fois qu’ils nous ont envoyés devant un juge, ils ont perdu ! »
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Convoqué en conseil de discipline et risquant la révocation, Alexandre Langlois, défendu par des collègues policiers et des gilets jaunes, passe en revue tous les dysfonctionnements qu'il dénonce avec son syndicat VIGI : suicides de policiers, pressions de la hiérarchie, statistiques truquées de la délinquance, gestion de la crise des gilets jaunes, etc. Une interview sans langue de bois...
https://www.youtube.com/watch?v=3053gOcSDuo&feature=youtu.be
Pouvez-vous nous expliquer la raison de votre présence au 1, rue de Lutèce, entouré de gilets jaunes et de certains de vos collègues ?
Je suis convoqué en conseil de discipline. J’ai très gravement fâché ma hiérarchie en dénonçant des choses qu’il ne fallait pas dénoncer.
J’ai d’abord dénoncé que ma hiérarchie falsifiait les chiffres de la délinquance et que, pour cela, elle touchait une prime. C’est donc aussi une escroquerie. C’est comme cela que le directeur départemental de Marseille a eu une promotion. Il est devenu directeur central grâce à ses bons résultats.
Sur les suicides, nous avons considéré qu’il y avait une responsabilité de notre hiérarchie sur cette question, mais qu’elle ne voulait rien faire. Il ne fallait pas le dire non plus.
Nous avons également dénoncé le médecin de l’est de la France. Il s’est retrouvé en procédure pour agression sexuelle. Je suis quand même envoyé au tribunal la semaine prochaine pour diffamation envers ce monsieur.
Ensuite, il y a des choses qui ne sont pas dans le conseil de discipline, mais qui tombent dans le même mouvement, notamment l’affaire Benalla. Nous sommes les seuls à être partie civile et à poser des questions qui dérangent. Monsieur Benalla est en prison depuis hier.
Enfin, l’affaire des gilets jaunes. La convocation est tombée pile au moment où on commençait à parler des gilets jaunes et où on parlait des dysfonctionnements voulus par notre hiérarchie.
Le timing est très curieux. Voilà pourquoi je suis convoqué en conseil de discipline, mais nous allons continuer à l’ouvrir.
VIGI est un syndicat extrêmement minoritaire dans le paysage syndical policier.
Comment réussissez-vous à être le poil à gratter de la police nationale ?
Aux dernières élections, nous sommes certes minoritaires, mais les majoritaires ont fraudé. Et le ministère de l’Intérieur a laissé faire. Nous ne savons pas très bien combien nous représentons. Il est sûr que nous ne représenterons jamais 40 %, mais nous pesons certainement plus que les résultats que nous avons obtenus.
Certaines personnes avaient dit qu’elles voteraient pour nous, mais comme il y a eu un mouvement de chantage et d’intimidation de la part des majoritaires... On leur a dit que si elles ne donnaient pas leur code de vote, elles ne seraient pas défendues pendant trois ans. Le vote n’étant plus anonyme, une partie de nos collègues qui nous soutiennent n’ont donc pas voté pour nous.
Nous restons le poil à gratter parce que nous avons le soutien populaire. Nous sommes la police républicaine. Nous sommes ceux qui défendent une image des silencieux à la fois du peuple et des policiers. Certains collègues nous ont appelés pour nous dire que ce que nous faisons est bien et que cela change de l’intimidation qu’ils subissent tous les jours. Si on parle, les syndicats majoritaires et la hiérarchie nous tombent dessus. Dès qu’on est un peu "grande gueule" et qu’on veut juste faire valoir ses droits, on se retrouve en conseil de discipline.
Est-ce une bonne nouvelle pour votre syndicat de savoir Alexandre Benalla derrière les verrous ?
C’est une bonne nouvelle, car cela veut dire que la Justice avance enfin. Après s’être moqué à la fois de la Justice et de nos collègues qui gèrent l’enquête au niveau judiciaire puisqu’il les a humiliés de différentes façons. C’est un plaisir de constater que la Justice puisse enfin faire son travail et le fasse.
Nous espérons, en revanche, que ce n’est pas une pirouette. Nous avons demandé le dépaysement de l’affaire en disant que le procureur avait quasiment été nommé par monsieur Macron sur Paris. On espère que ce n’est pas une pirouette pour nous dire "Regardez, on l’a mis en prison, mais on ne va pas dépayser l’affaire et on garde les mêmes aux commandes". Nous avons déposé la demande de dépaysement la semaine dernière. Ils ont dix jours pour se prononcer. On verra si ça va aboutir et, ainsi, on pourra juger si c’était un tour de joueur de bonneteau ou une réelle volonté de faire avancer l’affaire.
Cette volonté de dénoncer les travers ne met-elle pas en péril votre loyauté vis-à-vis de ceux qui vous emploient ?
Ceux qui m’emploient, c’est le peuple français. L’article 12 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 dit que nous sommes au service du peuple et non au service des intérêts particuliers de ceux qui nous embauchent.
Pour le moment, je travaille pour l’institution, pour le peuple et pour mes collègues. Je ne travaille pas pour des gens qui font n’importe quoi, qui nous utilisent de façon abjecte de temps en temps et qui nous regardent mourir.
Je rappelle que lorsqu'on est policier, on a dix fois plus de chance de mourir de sa propre main, poussé au suicide par notre administration, que de mourir de la main d’un criminel. À partir de là, il faut qu’ils se remettent en question.
À l’heure actuelle, nous sommes dirigés par quelqu’un qui n’est pas policier. Le directeur général de la police nationale est devenu policier le jour où il a pris ses fonctions. Il a moins d’expérience qu’un gardien de la paix stagiaire. Et encore, eux sont envoyés dans le 93 dans les endroits les plus difficiles. Lui, son expérience de la police, c’est place Beauvau. Autant dire que ce n’est pas vraiment la même...
Je pense que je suis dans mon rôle. Je reste fidèle au code de déontologie que j’ai signé quand je suis rentré, c’est-à-dire défenseur des libertés individuelles et pas celui de monsieur Valls de 2014, défenseur des lois. Je pense être également défenseur des institutions de la République, comme c’était prévu lorsque j’ai signé mon contrat, alors qu’aujourd’hui, nous sommes plutôt défenseur des institutions et des intérêts nationaux. Ce ne sont que des critères subjectifs qui n’ont rien à voir avec un engagement républicain.
Vous avez bénéficié d’une pétition engageant plus de 60.000 signataires. Beaucoup de gilets jaunes se trouvent, aujourd’hui, autour de vous. Comment expliquez-vous leur soutien ?
Nous sommes le seul syndicat à avoir dénoncé l’organisation du maintien de l’ordre. La convocation est tombée pile au moment où nous dénoncions le maintien de l’ordre.
Si jamais on suivait nos recommandations, les exemples qu’on prend de l’étranger, on n’en serait pas là. Des gens sont mutilés, nos collègues perdent leur travail parce qu’il y a des metteurs en scène qui ne sont jamais blessés. Les femmes des forces de l’ordre avaient essayé, avec Jérôme Rodrigues, de faire une marche pour les blessés. Quand on parle de blessés, il ne s’agissait pas de marcher chacun pour ses blessés de son côté, mais de marcher ensemble pour les 3.000 blessés qui ont été blessés parce qu’il y a des gens qui nous mettent dans des situations catastrophiques. Ça s’est finalement mal passé parce que les antifas ont perturbé le cortège. Le message est que, dans le peuple, il y a 3.000 personnes blessées suite au mouvement des gilets jaunes. Ce n’est pas le fait des personnes qui manifestent, mais parce qu’on laisse des criminels et des délinquants s’infiltrer dans les cortèges plutôt que de les dégager tout de suite. Ils ne sont pas arrêtés lorsqu’ils sont en train de s’équiper. Ce sont, finalement, les gens du peuple qui souffrent et non les gens qui manipulent tout cela de leur bureau, soit de la place Beauvau, soit de la préfecture de police.
Que risquez-vous, en entrant dans cette commission ?
Je risque la révocation. Dans la fonction publique, c’est l’administration qui choisit le fait fautif et la sanction qui va avec. Il faut savoir que si on est commissaire de police, qu’on tue un enfant en état d’ivresse, qu’on prend la fuite, on est juste déplacé et muté à Ajaccio. Ce n’est pas un secret d’État, c’était dans Le Parisien en 2010. En revanche, lorsqu’on est cuisinier CRS et qu’on prend trois steaks périmés pour son chien, on prend trois mois de mise à pied sans salaire parce qu’on est considéré comme un sale voleur.
Je suis dans la catégorie du peuple, ceux qui sont en bas, ceux qui sont réprimés parce qu’ils déplaisent. Les bruits de couloir que j’ai eu sont la révocation. Avec le soutien populaire et le battage médiatique, on a un espoir que cela change. Mais j’ai plus d’espoir dans la Justice.
Ils ont fait ce conseil de discipline parce qu’à chaque fois qu’ils nous ont envoyés devant un juge, ils ont perdu. La Justice les embête. Ils préfèrent donc faire cela dans un entre-soi confortable.
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