Alexandre Langlois : « Les vrais coupables sont toujours en poste ! »
Au micro de Boulevard Voltaire, Alexandre Langlois réagit à son exclusion temporaire de six mois de la police nationale.
Sur proposition du directeur général de la police nationale, vous avez été licencié pour une durée de douze mois, dont six mois avec sursis. Quelles ont été les raisons invoquées pour justifier ce licenciement ?
Je fais l’objet d’une exclusion temporaire de fonction de douze mois.
Le premier motif invoqué est que j’ai dénoncé, par voie de presse, les soucis hiérarchiques qui poussent nos collègues à se suicider. À l’époque, on me reprochait d’avoir dit que le directeur général était responsable des 24 suicides qui se sont produits. À l’heure actuelle, nous en sommes rendus à 87 suicides. Je pense qu’il n’y avait pas d’exagération.
À titre de comparaison, chez France Telecom et chez Orange, toute la direction est, à l’heure actuelle, en correctionnelle pour les 19 suicides entre 2008 et 2009.
Le deuxième motif est que j’ai dénoncé les agressions sexuelles, entre autres du médecin police de l’est de la France. Jusqu’au bout, M. Castaner l’a défendu. Il a payé ses frais d’avocat et ses frais de justice pour nous attaquer. En revanche, il n’a pas payé les avocats des victimes de ce médecin. Au mois de juin dernier, il a été condamné à douze mois de prison avec sursis et interdiction d’exercer la médecine.
L’expertise psychiatrique que nous avions demandée à M. Morvan et à M. le ministre a été faite. Ce médecin a été reconnu malade et fiché au fichier des délinquants sexuels. Malgré cela, je suis aussi inculpé parce qu’il ne fallait pas le dénoncer.
La dernière chose qu’il me reproche, c’est d’avoir dénoncé la falsification des chiffres de la délinquance, notamment à Marseille. Ces chiffres servent à distribuer des primes aux plus hauts commissaires et pour qu’ils soient à l’avancement. D’ailleurs, le directeur départemental de Marseille a pu devenir directeur central suite à ces bons résultats statistiques.
Deux audits parlementaires, un audit de l’inspection générale et un audit interne de la police confirment ce que nous disons.
Dans la décision qu’ils m’ont donnée, ils ont écrit que l’administration avait fait son travail parce qu’un audit avait été fait. Ils ont juste oublié de préciser que cet audit leur donnait tort. Ils me reprochent trois choses. Ils m’ont dit que si jamais je continuais à les déranger dans leurs petits arrangements, les six mois avec sursis seront confirmés. Bien évidemment, je continue !
Depuis 2016, les policiers sont soumis au devoir de réserve. Votre hiérarchie considère-t-elle que vous avez outrepassé ce devoir de réserve?
En 1983, le devoir de réserve n’était pas dans la loi du statut de la fonction publique. Le créateur de la loi a toujours dit qu’il n’avait pas mis le devoir de réserve, qui empêcherait les fonctionnaires de critiquer leur institution pour l’améliorer. Cela voudrait dire que l’institution ne serait plus au service de la population mais au service des intérêts particuliers de la hiérarchie.
En 1986, un devoir de réserve a été mis en place par M. Joxe dans un code de déontologie.
En 2014, M. Valls a soumis les syndicats à ce devoir de réserve. Heureusement pour nous, des textes supérieurs laissent la liberté d’expression syndicale bien au-delà de ce qui est prévu par M. Valls et l’IGPN. C’est sur ces textes-là que nous nous battons. Nous sommes au pays des droits de l’homme et non en Corée du Nord.
Allez-vous revenir et continuer ce que vous faites depuis plusieurs années ?
La sanction a pris effet hier à 23 h 59. Depuis aujourd’hui, je suis suspendu de mes fonctions pour six mois minimum. Je compte bien rester policier. Je vais lancer des référés et des procédures au tribunal judiciaire pour être réintégré dans mes fonctions. Je souhaite que les vrais coupables soient sanctionnés. Je ne pense pas que c’est parce qu’on a dénoncé des conditions de travail indignes et des situations criminelles et délicates au sein de la police nationale que c'est moi qui dois être viré. En revanche, les gens qui ont été complices de ces actions sont toujours en poste. Ils devraient être à ma place et surtout ne pas être réintégrés par la suite.
Le combat va bien évidemment continuer. Une police républicaine au service du peuple et non au service particulier du gouvernement continue de me tenir à cœur. Ce qui m’encourage dans cette voie-là, c’est l’engouement populaire qui est plus grand que lors de mon conseil de discipline. Cela veut dire que les gens ouvrent les yeux, que cela porte ses fruits et que ce n’est pas un combat solitaire mais bien un combat d’intérêt général.
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