Algérie : selon l’écrivain Kamel Daoud, l’architecture coloniale est en danger

L’écrivain et prix Goncourt Kamel Daoud alerte, dans Le Point, sur la destruction progressive de l’architecture coloniale en Algérie. L’architecture Art déco, des années 1920 et 1930, serait particulièrement visée.
Or, il y a de quoi faire. Ou, plutôt, de quoi détruire. Entre les deux guerres, à Oran particulièrement (mais aussi à Alger, Bône, Constantine, tout comme au Maroc), la prospérité s’accompagne d’une intense campagne de construction dans le style alors à la mode. Constructions privées, mais aussi, écrit Ibtissem Rezgui dans la thèse qu'elle a consacrée à Annaba (Bône), « bâtiments publics dans une architecture moderne et hygiéniste, tels que les écoles, les stades, les marchés, les hôtels des postes, les salles des fêtes et les salles de spectacles ». La colonie n’est pas moins bien servie que la métropole.
Jointe par BV, Nabila Metair (architecte et auteur de Oran, Art déco, Éditions Bel Horizon, 2021), cite comme les plus beaux exemples oranais : le musée Ahmed Zabana, « construit initialement à l'occasion du centenaire de la colonisation (1930) » ; l’actuelle Maison de la Culture (ex-Maison du Colon), « avec une frise iconographique en mosaïque, reprise dans une description de Camus, qui raconte l’agriculture et la mission civilisatrice » (Mater Africa). Et, enfin, les marchés construits dans les années 1930, comme le marché Michelet.

Façade Art déco à Oran. (Source: Bel Horizon Oran Facebook).
Architecture coloniale
Selon Kamel Daoud, les bâtiments oranais, vieux d’un siècle, « malgré l'éclat de quelques façades, ont souvent piètre allure ». Ils sont victimes « de la peste de la mémoire sélective (ce sont les œuvres des colonisateurs, répète le récit officiel, qui les laisse s'effriter peu à peu) ». Ils datent d’une époque d’autant plus honnie qu’on y bâtissait grand et beau, ce qui n’est plus le cas - sauf exception. Le lent effritement aboutit à la destruction.
Les enseignants d’architecture de l’USTO-Mohamed-Boudiaf ont publié, le 10 février, une longue déclaration sur les destructions qui frappent un quartier historique d’Oran, Sidi El Houari. « L’architecture est un langage, rappellent-ils, et la destruction de ces édifices revient à brûler les pages d’un livre dont nous sommes les héritiers. » Destructions bien réelles, mais qui... ne concernent pas directement le patrimoine Art déco, précise Nabila Metair. Elle avoue son incompréhension de l’article de Kamel Daoud : « D’ailleurs, le bâtiment auquel il fait allusion au début de son article date de la fin du XIXe ou du début du XXe siècle. »
Des Oranais attachés au patrimoine
Certes, il existe un courant conservateur « qui s’exprime sur les réseaux sociaux et qui est hostile à tout ce qui rappelle l’histoire coloniale », admet-elle. Mais il faut nuancer : « Il n’y a pas de détestation généralisée, ni par la population, ni par les autorités. J’ai recensé, durant dix ans, les bâtiments du centre-ville d’Oran et travaillé sur deux guides : l’un publié en France, l’autre en Algérie. Le recensement effectué sur le terrain m’a permis de rencontrer de nombreux habitants attachés à leur patrimoine. » De fait, confie encore Nabila Metair à BV, « si l’on regarde les avis sur Facebook (réseau social prisé, en Algérie), on constate l’incompréhension et la colère des Oranais dès qu’il est question de destruction ». Kamel Daoud ne dit pas autre chose : « De nombreux Oranais considèrent le patrimoine Art déco comme une partie de leur identité. Les adeptes de la restauration perçoivent ces démolitions comme une tragédie. »
Analyse urbaine ou politique
Selon Nabila Metair, les destructions d’immeubles Art déco en Algérie sont à mettre sur le compte d’une prise de conscience tardive de leur valeur : « Comme en France, le patrimoine du XXe siècle n’a été labellisé que tardivement. » Ibtissem Rezgui dresse un constat proche pour la ville d'Annaba : constructions privées menacées, édifices publics qui manquent d’entretien et « sont souvent victimes de lourds travaux de modernisation, qui ont tendance à dénaturer leur caractère architectural ».
Kamel Daoud, lui, fait une lecture plus politique de la situation, liée aux tensions actuelles entre la France et l’Algérie et au sort fait à Boualem Sansal. Quoi qu’il en soit, chaque édifice abattu amoindrit irréversiblement le patrimoine en question et affaiblit la notion d’ensemble, si importante dans l’architecture urbaine. Si Oran veut rester une capitale Art déco et en faire un atout touristique, elle a intérêt à veiller sur son patrimoine - en mettant de côté toute autre considération.
Façade du musée d'art moderne d'Oran (1922). @Kingdz16/Wikimedia commons

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48 commentaires
Franchement pour tout dire ce que fait l’Algérie de son héritage m’indiffère, concentrons nous sur nos problèmes internes .
Ah! oui. J’oubliais et je m’en excuse : qu’ils nous rendent Boualem Sansal. Ça, c’est le plus important.
En diffusant une telle information,Kamel Daoud ne risque-t-il pas la prison?
Manière comme une autre d’effacer toute trace de la colonisation.
Et si ça s’arrêtait là, Joël, ce serait un moindre mal. La colonisation a bon dos pour tout dire.
Je ne suis pas étonné de cet article concernant le patrimoine délaissé après le départ de la France de l’Algérie. Aujourd’hui, on le sait, tout est bon pour détruire, salir. C’est à l’image des dirigeants algériens. Grand bien leur fasse. S’il pense que c’est une avancée pour eux, tant mieux, mais cela ne règlera en rien leurs problèmes intérieurs qui sont bien plus graves que des problèmes architecturaux. Ils ont du boulot qu’ils s’y mettent et arrêtent d’em…der les Français.
Après tout, quoi de plus normal ? On se demande même pourquoi les Algériens n’ont pas immédiatement effacé toute trace de la présence du colonisateur dés son départ. Toute ces structures que la France a fait construire aux Algériens avec leur sueur, et peut-être même leur sang, pourquoi sont-elles toujours là à continuellement rappeler son calvaire à ce peuple opprimé ? Comment hôpitaux, écoles, ponts, routes, aéroports ou gares n’ont-ils pas été rasés, défoncés, labourés ou brûlés dés novembre 62 ? A part entretenir la mémoire victimaire, je ne vois pas.
Macron est au chevet de Zelinski mais se moque bien de Boualem Sansal qui se meurt dans les geôles algériennes. J’ai honte pour mon pays.
d’après un ami né en Algérie jusqu’à l’âge de 10 ans , y est retourné il y a 2 ans , m’a dit que rien n’était entretenu , son village toujours fleuri n’était que friche et les routes n’en parlons pas, ils ont été incapables d’entretenir ce qu’on leur a laissé !
Désolée votre ami , comme beaucoup d’immigrés, exagère. Alger a été complètement rénovée j’y habite en ce moment. De même beaucoup de villages , moi même j’ai une maison de compagne dans un village montagneux , il est très bien entretenu, bien sûr il faut qu’il soit habité le village pour qu’il soit entretenu ! Il y a un minimum d’habitants requis pour bénéficier d’un budget d’entretien. Aussi sont exclus les habitations privées qui
Be sont pas incluses dans l’entretien que fait la mairie car c’est aux propriétaires de s’en occuper. Peut-être votre ami habité dans un village abandonné ? Il y en a beaucoup malheureusement !
Alors très cher « SAM », c’est pareil ici en France … Des villages abandonnés il y en a quelques uns ! …
La France ne se retourne pas face à l’Allemagne pour lui demander « repentance » ad vitam aeternam pour autant ! …
L’Algérie fait ce qu’elle veut avec ses bâtiments et les français s’en tapent ! …
Pour ce qui est des « BI-nationaux », qu’ils choisissent une bonne fois de quel côté ils veulent être …
Idem pour de amis d’enfance qui sont retournés dans leurs quartier. C’est la désolation, la mise en ruines.
Mais non, puisse que SAM vous dit que tout est parfait!
Etant Bônois de naissance (Annaba), je peux attester du nombre impressionnant d’immeubles de style haussmannien (de 9 cinémas et un magnifique théâtre) qui faisaient la fierté de cette ville de 120 000 habitants (moitié européens et moitié arabes) et qui vivaient en parfaite harmonie et ce, même pendant la guerre. C’est loin, très loin d’être le cas en France !!
J’ai vu récemment un reportage, tourné par un Algérien(visage flouté) sur l’ex-Philippeville, alors fleuron de l’Algérie. C’est une désolation autant sur les bâtiments que les rues. Si on veut que la France ressemble à çà dans quelques années, continuons.
Pourriez-vous me dire où trouver le reportage dont vous parlez, sur Philippeville ? Merci.
Je suis née à Philippeville. Je n’arrive toujours pas à l’appeler autrement.
Oui, lolofi, on y va à vitesse grand ‘V’.
Elle ressemble déjà à çà. J’ai été à Marseille il y a 2 ans, Alger était une ville radieuse à coté des ce tas de détritus qu’est Marseille. Mais allez à Nantes, à Rennes, dans certains arrondissements de Paris, etc.. c’est en bonne voie.
C’est dans la continuité de la décolonisation voulue par le régime et soutenue par Macron, éliminer tout ce qui peut rappeler la France. Mais ici aussi, le patrimoine est laissé à l’abandon, par exemple certains musées comme à Grenoble sont complètement abandonnés et cela n’émeut personne.
Non désolée ça n’a rien à avoir avec la décolonisation ! On ne va pas se priver de bâtiments et des habitations pour loger les Algériens dans le but de « décoloniser » ! Il y a plus simple pour « décoloniser » et l’Algérie le fait déjà c’est d’abandonner la langue française comme seconde langue nationale vers l’anglais. Les immeubles hausmaniens sont abandonnés
Pour manque de moyens et de savoir faire . Alger a été rénovée, le tour viendra pour Oran , Annaba Bone , Philippe ville, constantine Blida,…Bien sûr les édifices qui sont en délabrement total vont être détruits pas le choix ! Ce qui est le cas de certains bâtiments comme l’a cité Kamel Daoud mais la raison n’est pas celle qu’il cite !
Paris après Delanoé et Hidalgo va avoir le même problème. Pour se faire une idée de celui-ci, il suffit d’aller sur Youtube voir à quoi ressemble La Havane après 66 ans de communisme. De magnifiques immeubles sont devenus lépreux. Le marxisme détruit ce qui est beau.
Un patrimoine ça s’entretient et c’est valable pour l’Algérie mais aussi pour la France et surement d’autres pays .
Remettons nos barrières en état et pour le reste du monde on verra quand on aura plus que cela à faire.
Pour avoir été en 2004 6 mois en Algérie.
Constantine , Alger les bâtiments du temps des français ne sont pas entretenu.
Des villes comme Anabba sont moches on se dirait dans une ville soviétique années 70.
Les villes du grand sud comme Tammaraset ont gardé leur cachet typique.
Oh mais qu’ils fassent comme ils veulent! C’est chez eux Qu’est-ce qu’on peut s’en fiche! Mais qu’ils libèrent M Sansal.
En fait c’est çà la vérité.