Alimentation : la mozza supplante le camembert ! Pourquoi la France ne doit s’en prendre qu’à elle-même
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Brie de Meaux, saint-nectaire, bleu de Bresse, cantal, comté, brillat-Savarin, variétés infinies de fromages de chèvre et de brebis et… camemberts sont les fleurons de notre gastronomie. Allez à l’étranger et vous verrez s’illuminer les yeux des autochtones à cette seule évocation.
Et pourtant... Le pays aux mille fromages et aux mille paysages se sent aujourd’hui trahi : selon Le Figaro, le camembert serait supplanté par…la mozzarella ! « Pour la première fois en France, la courbe des ventes de camembert, en baisse régulière de 3 % par an, est passée en dessous de celle des ventes de mozzarella qui connaît, elle, une croissance annuelle de 5 %, confirme, au Figaro, Fabrice Collier, président du syndicat normand des fabricants de camemberts (SNFC). Depuis le début de l'année jusqu'au 11 septembre, on a vendu 29.230 tonnes de camemberts en France, contre 33.170 tonnes de mozzarella. »
Pourquoi le fleuron de notre gastronomie fromagère, ce camembert que l’on consomme partout et en tous lieux, ce fromage qui n’a pas d’équivalent dans le monde et qui est ce bien si français commun à toutes les classes sociales, subit-il les assauts de notre cousin italien ?
Cela mérite quelques explications.
Tout d’abord, il y a camembert et camembert. Celui pasteurisé et industriel qui se vendait encore, il y a peu, sous le vocable de « normand » n’avait que peu de rapport avec la splendeur onctueuse d’un camembert au lait cru, moulé à la louche et produit à partir de vaches laitières locales, dans un territoire circonscrit, la Normandie.
Comme le dit si joliment Natacha Polony, dans les colonnes du Figaro, le camembert « raconte cette géographie faite de bocages verdoyants, ces siècles d'élevage pour aboutir à des races de vaches aux vertus fabuleuses, et ce savoir-faire transmis. Voilà du moins ce qui devrait être. Mais le camembert nous raconte aussi, à travers son histoire récente, le sort de notre agriculture et de notre artisanat, confrontés à une industrialisation qui détruit la nature même des produits. »
Il semblerait donc que le camembert ait du mal à résister à l’assaut de la « mozza ». Est-ce la conséquence d’une image brouillée par la guerre des camemberts déclenchée par l’irruption des camemberts industriels et pasteurisés ?
Pas seulement.
Pourquoi ? On nous dit que le camembert, fromage de dégustation, ne répond pas au même usage que la mozzarelle, transformée, en France, en simple fromage de cuisine agrémentant les salades et autres pizzas. La mozzarella ici utilisée n’a, d’ailleurs, que peu de rapport avec « la vraie », celle que l’on trouve en Campanie, au goût tendre ou puissant selon qu’elle est fraîche ou fumée : un peu comme le camembert pasteurisé et celui que vous achetez sur un marché du Calvados. On serait donc passé d’un produit industriel à un autre…
Cette mauvaise nouvelle pour l’artisanat culinaire tout autant que pour l’industrie agroalimentaire française n’est, en fait, que l’illustration du changement des mœurs des Français en matière, dira-t-on, de civilisation culinaire.
La cuisine traditionnelle française, simple ou raffinée mais toujours goûteuse, souvent très économique, a laissé la place, petit à petit, à une cuisine du monde qui emprunte ses nouvelles saveurs à de nombreuses traditions culinaires exotiques ou simplement étrangères. Elles ne sont pas sans intérêt, loin de là, mais ce multiculturalisme culinaire a eu comme conséquence, non seulement une perte de l’identité culinaire française, mais aussi un affadissement et une standardisation. Par ailleurs, de nouvelles normes sanitaires (encore !) dans le domaine ont considérablement restreint les productions locales. Aujourd’hui, même en cuisine, on élimine le bizarre, le hors normes, l’original…
Par un effet pourtant prévisible, la cuisine française traditionnelle, éminemment populaire, est aujourd’hui le privilège d’une bourgeoisie aisée des métropoles ou des provinciaux qui peuvent encore bénéficier des marchés locaux.
Et prendre le temps, avoir la patience de cuisiner et s’insérer ainsi dans une chaîne de transmission en pratiquant une éducation au goût.
Pour sauver le camembert, c’est ce qu’il nous faut retrouver.
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