Allemagne : nouvelle donne pour un système à bout de souffle

@Arnaud Jaegers/Unsplash
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Comme il fallait s’y attendre, le candidat de la CDU-CSU Friedrich Merz sera donc le prochain chancelier allemand. L’AfD d’Alice Weidel termine deuxième, devant le SPD qui enregistre son score le plus bas depuis 1887. Tout semble indiquer que Merz formera un gouvernement de coalition avec les sociaux-démocrates. L’Alliance de Sahra Wagenknecht (BSW) ayant, de peu, raté son entrée au Parlement, une majorité peut en effet être trouvée sans le concours des Verts.

AfD et RN : quelques similitudes et divergences

L’AfD double son score, par rapport aux dernières élections législatives, plus de 10 millions de votants, soit 20,8 % des suffrages exprimés ayant porté leur voix sur ce parti ayant, notamment, à son programme le DEXIT, la sortie de l’euro et la remigration. Si ce programme est, de toute évidence, plus radical que celui du Rassemblement national, il existe une correspondance entre les deux électorats, que ce soit au niveau des classes d’âge et des catégories socioprofessionnelles. Plus un électeur est jeune et moins il est diplômé, plus il vote pour l’AfD, sauf dans la catégorie 18-25 ans où Die Linke arrive en tête, tout comme LFI en France. Hormis ces étudiants, donc, l’AfD a, au cœur de sa dynamique, des jeunes actifs salariés, particulièrement issus de régions de l’est de l’Allemagne, c’est-à-dire (toutes proportions gardées) d’une sorte d’Allemagne périphérique — à certains égards, encore plus qu’en France, les régions dans lesquelles l’AfD arrive en tête sont celles qui constituaient la République démocratique allemande.

Ce parti a en effet récolté 34 % des voix en Allemagne de l’Est, où viennent ensuite la CDU avec 17,8 %, Die Linke avec 13 %, le SPD avec 11,3 %, le BSW avec 10 % et les Verts avec 6,8 %. Cette partie de l’Allemagne est ainsi une autre Allemagne, à l'image de cette France dite périphérique où le RN caracole en tête. Cette autre Allemagne est beaucoup plus hostile à Bruxelles que ne l’est le RN, les plaies de la déception de l’intégration européenne dans cette partie du pays étant encore assez fraîches.

Comme en France, ce sont ces millions d’électeurs que les élites du pays réduisent au silence, aucun parti de l’échiquier politique ne voulant de coalition avec le parti qui les représente. Bien que le système électoral et la culture politique soit différents outre-Rhin, l’état des lieux est le même : des électorats irréconciliables, les rangs des exclus se prolétarisant et grossissant à vue d’œil face à un pouvoir qui se radicalise mais finira mécaniquement par être vaincu.

La résistance du système allemand

Merz va donc s’allier à un SPD en décrépitude, faisant ainsi la réunion des électeurs aisés et âgés sans avoir à s’appuyer sur les éléments écolo-wokistes que sont Die Linke et les Verts. Il pourrait bien s’agir du dernier tour de piste des élites allemandes de ces dernières décennies, comme en France où l’extrême centre macroniste n’a désormais plus de majorité. En Allemagne, la CDU-CSU et le SPD, qui rassemblaient 70 % à 80 % des voix par le passé, cumulent aujourd’hui 44,93 % des suffrages au total. Une minorité, conjointement responsable de la situation économique, sociale, énergétique et migratoire du pays, ne semblant plus avoir de flèche à son arc pour contrer l’avancée de l’AfD, prend donc en otage la politique allemande.

L’Allemagne est ainsi arrivée à un point mort. Un cartel de partis du passé est prêt à tout pour, comme il l’affirme, « sauver la démocratie » dans un pays où les trois mamelles de la prospérité sont plus que jamais en danger : l’énergie peu chère venant de Russie, une économie exportatrice de voitures et de machines-outils et la protection américaine. Tout cela est en train de voler en éclats. Le système se replie sur lui-même, avec, comme en France, une musique de fond wokiste et immigrationniste : sa survie devient chaque jour un peu plus incertaine.

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Yann Caspar
Chercheur au Centre pour les Études européennes au Mathias Corvinus Collegium de Budapest.

Vos commentaires

4 commentaires

  1. Le système mondialiste progressiste et immigrationniste que l’on appelle aussi l’état profond subit de plus en plus les assauts de ce que l’on appelle faussement l’extrême droite, composée de souverainistes, partisans d’un retour à la nation, qu’elle soit Allemande ou Française.
    Les chances de survie de l’Union européenne, vassalisée depuis le début par l’État profond américain (Clinton-Obama-Biden) supranational, attaqué maintenant par Trump, apparaissent assez faibles, et contre le cours de l’histoire. Plus le temps passe et plus l’idée d’un monde globalisé faisant disparaître les souverainetés nationales s’estompe au profit d’une autre géopolitique mondiale qui veut les maintenir.
    Dans ce cas, quel serait l’intérêt de continuer à imposer un ensemble supranational à des peuples qui n’en veulent pas ? Ce que la caste ne semble pas comprendre ou ne veut pas voir. Et tel un animal blessé, elle défend becs et ongles son pouvoir et ses avantages financiers et engage un combat de survie en censurant à tout-va, emprisonnant en Angleterre les opposants, imposant de force une immigration insensée en France et ne condamnant presque pas les criminels, installant la peur à chaque coin de rue.
    En fait, comme « il » le disait : « nous sommes en guerre », pour le moment, une guerre larvée, qui ne dit pas son nom, néanmoins cruelle, qui peut facilement dégénérer lorsque les citoyens seront carrément et de plus en plus menacés.
    La France, la France historique, celle de ses héros, a toujours eu, même au dernier moment, même dans les situations les plus désespérées et tragiques, un instinct de survie et une grandeur héroïque.

  2. Je suis étonné que personne ne s’intéresse à la forte poussée de Die Linke, l’équivalent de LFI, qui est encore plus spectaculaire que celle de l’AfD. D’autant plus que ce pari a connu une scission il y a deux ans et opéré une métamorphose idéologique, passant d’un parti purement marxiste (longue tradition en Allemagne) vers un parti islamogauchiste comme la fait LFI il y a quelques années déjà. Et le parallèle avec LFI est d’autant plus intéressant que la scission de la Die Linke, qui a abouti au BSW, une gauche marxiste et souverainiste, n’est pas sans rappeler François Ruffin. Et force de est de constater que le marxisme traditionnel même anti-immigration ne fait plus recette. À l’inverse la stratégie du communautarisme a porté ses fruits en Allemagne et au fond c’est cela le plus inquiétant…

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