Allemagne : trahison du centre droit ? L’AfD dénonce une gifle aux électeurs

La droite de Friedrich Merz a choisi de s'allier à la gauche SPD. Résultat : colère de l'AfD et sondages en berne.
Capture écran Le Figaro TV
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C'est l'équivalent d'une alliance de LR avec les macronistes, un scenario pas impossible en France mais qui passe très mal, outre-Rhin... En Allemagne, la CDU/CSU (Union des démocrates-chrétiens allemands et bavarois, centre droit) de Friedrich Merz vient de créer une coalition avec le Parti social-démocrate (SPD, gauche) d’Olaf Scholz, après des semaines de négociations. Ce pacte suscite un tollé, à droite. L’Alternative für Deutschland (AfD), principal parti d’opposition, ne mâche pas ses mots : ses cadres estiment que cet accord est une « gifle » pour les électeurs, une capitulation des valeurs conservatrices au profit d’un programme social-démocrate. Merz, souvent perçu comme un pragmatique à la fibre conservatrice – un Retailleau allemand, diront certains, avec son style policé et son passé de baron de la CDU –, se retrouve sous le feu des critiques. L’AfD accuse la CDU d’avoir sacrifié ses engagements électoraux, notamment sur l’immigration et l’énergie, pour un compromis fade et clientéliste. Pire : dans un sondage récent, 51 % des Allemands interrogés estiment que cet accord ne résoudra rien des problèmes que connaît le pays.

Un compromis qui ulcère la droite

Pour l’AfD, l’accord de coalition est une abdication des idéaux conservateurs. Interrogé par BV, Michael Blos, député AfD au Bundestag, ne décolère pas : « Le contrat de coalition contient de nombreuses propositions, mais là où il devient concret, il ne s'agit en fait que du programme du SPD. La CDU a vendu ses électeurs. » Les griefs sont nombreux : la CDU, qui avait fait campagne sur un contrôle strict de l’immigration et une politique énergétique pragmatique, semble avoir cédé du terrain. La naturalisation, désormais possible après cinq ans au lieu de trois, est qualifiée de mesure « cosmétique » par Tomasz Froelich, eurodéputé AfD, qui ajoute : « Les mots-clés avec lesquels la CDU/CSU a fait campagne – énergie nucléaire, moteur à combustion – n’apparaissent même pas, alors que le mot "queer" apparaît plusieurs fois. » Alexander Sell, autre élu européen du parti nationaliste, va plus loin, accusant Merz d’opportunisme : « Pour réaliser son rêve de devenir chancelier, Friedrich Merz a renié toutes ses promesses électorales et a livré son parti aux sociaux-démocrates. »

Ces critiques soulignent un malaise. L’accord, s’il promet des investissements dans la transition énergétique et des renforcements aux frontières, reste en effet flou sur des marqueurs conservateurs comme le retour au nucléaire ou la préservation du moteur thermique, pourtant évoqués par Merz en campagne. Petr Bystron, eurodéputé AfD, enfonce le clou auprès de BV : « Les Allemands souhaitent une politique conservatrice. Ils demandent des impôts bas, des allègements pour les classes moyennes, l'annulation de la folie verte et une politique familiale raisonnable. » Au lieu de cela, il dénonce « de nouvelles dettes » et des « expériences gauches-vertes » comme la poursuite de mesures sociétales héritées du précédent gouvernement.

Trois Allemands sur quatre estiment avoir été trompés

Friedrich Merz, avec son style classique et sa réputation de rigueur, voulait incarner une CDU renouant avec ses racines conservatrices, loin de l’ère Merkel. Mais son alliance avec un SPD affaibli électoralement passe pour une volte-face. Marc Jongen, député européen AfD, parle d’une capitulation : « La CDU a vendu les derniers restes de son âme conservatrice. Friedrich Merz a ainsi commis la plus grande tromperie des électeurs de l’Histoire allemande. » Sell abonde : « De plus en plus d'électeurs allemands se rendent compte que la CDU n'est plus un parti conservateur. » Les élus ne peuvent pas si bien dire. Dans un sondage paru fin mars, 73 % des électeurs allemands estimaient que le nouveau chancelier avait trompé ses électeurs.
Ce choix de coalition s’explique pourtant par la nécessité. Face à un Bundestag fragmenté, une alliance avec les Verts, impopulaires après leur passage au gouvernement, était risquée. Un pacte avec l’AfD, ostracisée par l’ensemble des partis, n'a pas été envisagé comme une option viable. Le SPD, malgré ses faiblesses et au risque des compromissions, offrait une majorité stable pour affronter une conjoncture difficile – croissance atone, inflation persistante, tensions internationales. Merz défend cet accord comme un « compromis responsable », mais celui-ci lui coûte cher : jamais aucun chancelier n'avait été aussi impopulaire dans l'Histoire de l'Allemagne avant même sa prise de fonctions... Comme une leçon dispensée d'outre-Rhin à Retailleau ou Wauquiez.

Vos commentaires

50 commentaires

  1. Dès le soir de l’élection il était entendu qu’il n’y aurait pas d’accord avec l’AfD, ce n’est pas la peine de pousser des cris d’orfraie. Et pis, rassurons-nous : on a les mêmes en France : Retailleau et Bellamy feront pareil, en évoquant Chirac avec des trémolos dans la voix. Pendant ce temps, qui a entendu parler de négociations entre le R.N., Marion, Sarah, NDA ? Personne, ils ne veulent ni gagner ni même être crédibles…

  2. Les casques à pointes sont eux aussi aux mains de l’extrême centre , état profond oligarchique bourgeois gauchiste , qui ne lâche pas le morceau, jusqu’il a entre ses mains toutes les manettes des instruments de pouvoir qu’il a accumulé.

  3. « À chacun de nous, Dieu offre le choix entre la vérité et la tranquillité. Ce choix, faites-le ; jamais vous n’obtiendrez à la fois l’une et l’autre. » Ralph Waldo Emerson
    Merz a cru choisir la tranquillité. Mais c’est la vérité qui finit toujours par s’imposer.

    • @leon pinault

      Dans le scénario que vous décrivez, les électeurs LR détiennent la clé! Soit ils voteront pour ceux qui les ont floué depuis tant d’années, soit ils prennent leurs responsabilités et mettent les LR électoralement hors jeu en votant pour d’autres candidats de droite! On peut se faire une fois, à la rigueur deux fois, mais sion persiste à voter pour les mêmes qui s’acoquinent avec Macron et le PS, on a ce qu’on mérite. Et surtout on ne se lamente pas publiquement! Bossuet disait : » Dieu se rit des gens qui se plaignent des conséquences alors qu’ils ne cessent d’en chérir les causes »!

      Que les électeurs LR pensent enfin à Bossuet, ou qu’ils la ferment!

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