Allemagne : victoire de l’AfD en Thuringe, un séisme politique

drapeau allemand
fdecomite, CC BY 2.0, via Wikimedia Commons

En Allemagne de l'Est, c’est une victoire historique qu'emporte l’AfD (Alternative für Deutschland/Alternative pour l’Allemagne). Arrivé en tête, ce dimanche 1er septembre, en Thuringe, en recueillant 32,8 % des suffrages, le parti devance le traditionnel parti de l’Union chrétienne-démocrate (CDU), qui affiche 23,6 % des voix dans ce fief de la droite est-allemande. L'AfD, classée à l’extrême droite de l'échiquier politique pour son hostilité à l’égard de la politique d’accueil des réfugiés, fait également une percée remarquée en Saxe, où il talonne de peu les conservateurs, avec 30,6 % des voix, soit 1,3 % de moins que la CDU (31,9 %). Une première, depuis la Seconde Guerre mondiale.

Un changement politique inédit et significatif

Pour le gouvernement de coalition d’Olaf Scholz, qui avait déjà été relégué en fin de peloton lors des élections européennes du 9 juin dernier, c’est un nouveau camouflet - à l’échelle régionale, cette fois. Dans la foulée des résultats électoraux, l’AfD a aussitôt revendiqué le pouvoir dans le Land de l’ancienne RDA. Pour le député allemand Tino Chrupalla, co-dirigeant de l’AfD aux côtés d’Alice Weidel, ce score donne au parti un « mandat clair pour gouverner ». Pour y parvenir, l’AfD se dit prête « à parler avec tous les partis ». Mais tous les partis (sans exception) refusent le dialogue. « Les électeurs savent que nous ne faisons pas de coalition avec l’AfD », soulignait, ce dimanche, le secrétaire général des conservateurs Carsten Linnemann, qui revendique pour son parti (CDU), arrivé en seconde position, la constitution d’un gouvernement.

Un parti ostracisé

En dépit de ce « succès historique », selon Alice Weidel, l'AfD demeure en effet fortement marginalisée, faisant l’objet d’une reductio ad Hitlerum qu'a connue le Rassemblement national. Entre les deux partis, les ponts sont coupés. L’alliance au sein du Parlement européen s’est brutalement interrompue depuis les propos de Maximilian Krach. Accusé de faire son beurre sur la contestation populaire, le rejet des instances européennes et les difficultés économiques, le parti a beau recevoir l’assentiment progressif des électeurs allemands, notamment sur le rejet de l’immigration massive, les partis de gouvernement font bloc. Ainsi du chancelier Olaf Scholz qui exhorte « tous les partis démocrates » à rejeter toute collaboration avec l'AfD en vue de « former des gouvernements stables sans extrémisme de droite ». « L'AfD nuit à l'Allemagne. Elle affaiblit l'économie, elle divise la société et elle ruine la réputation de notre pays », a-t-il déclaré, sur son compte Facebook, ce lundi 2 septembre, au lendemain des résultats.

Question migratoire et scepticisme à l'égard de l'aide militaire apportée à l'Ukraine, enjeux décisifs du scrutin

« Le scrutin sanctionne la caste, l’oligarchie, les élites, le pouvoir, trop longtemps indifférents à la préoccupation première de l’opinion : la question migratoire », expose Vincent Hervouet, ce lundi 2 septembre, sur l’antenne d’Europe 1. L’attaque au couteau meurtrière de Solingen, survenue dans l’ouest de l’Allemagne (en région Rhénanie-du-Nord-Westphalie), une semaine auparavant, et revendiquée par l’État islamique aura donné crédit à l’inquiétude viscérale concernant l’insécurité galopante du pays.

« Un arrêt immédiat de l’immigration et de la naturalisation pour au moins cinq ans. » C’est le moratoire que promettait la cheffe de l’AfD, Alice Weidel, réputée depuis l'ère Merkel pour sa ligne intransigeante anti-islam et anti-migrants. « Les frontières seront fermées et contrôlées. Les migrants illégaux […], les criminels, meurtriers, extrémistes seront expulsés », avançait-elle, lassée de l'inaction de la coalition en feu tricolore concernant le dossier migratoire.

« Ensemble, l’extrême droite [l’AfD] et l’extrême gauche [le BSW prometteur de Sahra Wagenknecht), qui refusent l’immigration incontrôlée, rassemblent la moitié des électeurs », poursuit Vincent Hervouet. Face à eux, le prestige historique des deux partis politiques traditionnels allemands - le Parti social-démocrate (SPD) et l’Union chrétienne-démocrate (CDU) - se sera effrité, pâtissant de l’usure du pouvoir et du soutien - coûteux - apporté à l'Ukraine. Un activisme militaire qui ébranle de fond en comble l’économie allemande (hausse du prix de l’énergie, ralentissement des exportations avec la Chine, etc.) tout autant qu'il réveille les consciences traumatiques est-allemandes.

Ces résultats symboliques prouvent qu'en l’Allemagne de l'Est, comme partout en Europe, les citoyens ne sont pas étrangers à l’angoisse sécuritaire et identitaire.

Anna Morel
Anna Morel
Journaliste stagiaire. Master en relations internationales.

Vos commentaires

20 commentaires

  1. Le monde bouge . C’est le principe de causalité ,qui s’énonce ainsi « Tout phénomène a une cause  » comme l’écrit Spinoza  » D’une cause déterminée résulte nécessairement un effet  » , et inversement , si aucune cause déterminée n’est donnée , il est impossible qu’un effet ce produise . Les gens ont atteint leur seuil de tolérance avec l’immigration qui en est la cause .

  2. Ces résultats symboliques prouvent surtout qu’en Europe de l’Ouest les gouvernements contestés utilisent le même système de défense : l’union de la carpe et du lapin dit « républicain » et ostracisation des importuns qualifiés pour l’occasion d' »extrême droite » au delà d’un cercle de vertu. Cette manœuvre serait-elle dictée par les mêmes dirigeants?

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