Allocution de Macron : trente mois, trente siècles…

Capture d'écran Présidence de la République
Capture d'écran Présidence de la République

La France attendait, ce jeudi, l’œil aux aguets, le souffle court, après le suspense de la censure, finalement votée avec une majorité très large. Le Président Macron allait parler. Il allait annoncer un Premier ministre nouveau, plein d’ardeur, riche de l’expérience vécue la veille : celle du retentissant soufflet du vote conjoint de l’extrême gauche et de la droite patriote qui a fait tomber le gouvernement de Michel Barnier. Il était revenu d'Arabie saoudite, il avait vu le désert, il avait pensé, réfléchi. On se prenait à rêver. Peut-être Emmanuel Macron allait-il faire amende honorable ? Analyser les raisons pour lesquelles il est, aujourd’hui, le président de la Ve République le plus impopulaire ? Prendre en compte la nouvelle donne politique ? Reconnaître ses erreurs, ses échecs ? Pourquoi pas…

Les gens sont méchants

Le rêve naïf se brise dès la première minute. Le président de la République élu au suffrage universel et garant des institutions a encore trois ans devant lui, à l’Élysée, mais il n’a plus rien à dire aux Français. On songe immédiatement au regretté Raymond Devos qui lançait : « Et si vous-mêmes, Mesdames et Messieurs, vous n’avez rien à dire, eh bien, on en parle ! »

Ce n’est pas la première fois, c’est vrai, mais ce jeudi soir, cela se voit comme un déficit abyssal sur le bilan d’un petit prince de la finance. Le Président, qui avait pris deux mois pour la nomination de Barnier, n’a pu cette fois boucler l'affaire en 24 heures, comme il le souhaitait. Pourquoi deux mois ? Pourquoi 24 heures ? Mystère. On n’aura donc pas le nom du successeur de Michel Barnier. Mais Macron s’exprime tout de même. Sur fond de drapeau français - et européen, bien sûr -, le chef de l’État tente de justifier sa dissolution tout en constatant qu’elle « n’a pas été comprise ». Certes. Donc ? Donc, rien. Il n’a donc pas de majorité, c’est inédit mais c’est ainsi ! On se pince.

Il a tout de même cherché des solutions, le Président. Ce fut Barnier, un Barnier censuré « parce que l’extrême droite et l’extrême gauche se sont unies ». C'est fou, ce que les gens sont méchants. Avec cette union, le Président reprend le plus mauvais argument du débat, l’argument le plus faible, le plus inopérant, car pas un Français ne pense que Marine Le Pen a soudain adopté le programme du NFP. Qui croira que le vote de la censure crée un « front antirépublicain », comme le dit le Président ? Le NFP ne remet pas en cause la République, le RN moins encore. Les mots sonnent terriblement creux. La machine Macron ne fonctionne plus. Elle part en crabe. « Certains ont tenté de me rendre responsable de cette situation », mais rassurez-vous, brave gens, l’homme qui détient le pouvoir suprême depuis sept ans n’est responsable de rien. « Je n’assumerai jamais les responsabilités des autres », balaye Macron, notamment les responsabilités de ces parlementaires qui ont sonné la fin de la récréation Barnier. « Ces députés ne pensent pas à vous, à vos vies et à vos difficultés », ils veulent « le désordre ». On pensait qu’ils aimaient tellement l’ordre qu’ils étaient, pour certains d'entre eux, dangereusement fascistes ? On peine à suivre. Macron assure qu’ils ne pensent qu’à l’élection présidentielle. Ce qui ne lui est sans doute jamais arrivé…

Trente mois

Bref, la blanche colombe qui niche à l’Élysée nous prévient : il exercera son mandat de cinq ans « pleinement, jusqu’à son terme ». C’est sans doute la non-information la plus saisissante de ce discours inutile. Le pourra-t-il ? Macron ne pose pas la question. Il lui reste trente mois et cela va être long. Il faut redresser les enthousiasmes brisés. Au cric. « C’est une époque nouvelle qui doit commencer », assure Macron, la voix terne, avec « des compromis nouveaux parce que la planète avance et que les défis sont nombreux ». Bon. À l'évidence, le cœur n'y est pas. Il nommera un Premier ministre qui composera son équipe « avec toutes les forces politiques qui s’engagent à ne pas le censurer ». Donc, si le RN s’engage à ne pas le censurer, il aura des ministres ? Chiche !

Il reste donc « trente mois », a calculé le Président. Trente mois pour faire de la France « un pays plus fort et plus juste », « une France plus forte dans une Europe plus forte et plus indépendante » (sic). Le canard sans tête ne court plus mais il parle. Trente mois, répète Macron, qui tente d’enrôler la cathédrale de Paris et les Jeux olympiques. Trente mois, donc. Trente siècles. On a beau chercher, on ne voit pas comment ce Président de plus en plus déconnecté tiendra. Macron aurait peut-être dû ne rien dire. Mais voilà, Raymond Devos, encore : « Moi, quand je n'ai rien à dire, je veux qu'on le sache ! »

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Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

91 commentaires

  1. Je m’honore de n’avoir jamais écouté 5´ d’un discours de cet individu depuis que ses complices l’ont porté au Pouvoir il y a 7 longues années déjà et certains électeurs par 2 fois ..!
    Je lis les synthèses et j’entends les analyses de «  spécialistes politiques «  et déjà on comprend selon leurs dires que ce qui arrive à mon si joli pays (autrefois) c’est de la faute à MLP et ses 11 ou 12 millions d’électeurs , dont je fais partie … et non pas parmi tant d’autres talentueux personnages tel B Lemaire qui s’affranchit du cataclysme en nous expliquant qu’il était chargé des dépenses et non des recettes , donc c’est chez derniers qu’il faut trouver les coupables .. un peu comme macron pourra dire plus tard… » la faute aux électeurs qui n’ont pas su l’empêcher d’arriver par 2 fois à l’Élysée

  2. Macron se sait à l’abri grâce à l’article 67 de la Constitution initié par Sarkozy en 2007 ! Article inique qui confirme le principe de l’irresponsabilité du chef de l’État. Aucune action ne peut être engagée contre lui pour des actes accomplis en sa qualité de Président, même après la fin de son mandat. Cette immunité est valable à la fois dans les domaines pénal, civil et administratif.
    Il en joue de façon cynique en pointant « la seule responsabilité des autres » ! Lui n’est pour rien dans tout ce qui arrive de néfaste à la France, et va de plus se faire absoudre à Notre-Dame demain devant le monde entier !

  3. Ponce Pilate et dans le même temps Montesquieu a dit deux choses importantes La première est qu’en matière de censure il ne faut pas confondre les causes apparentes avec les causes profondes et la seconde qu’il ne faut pas confondre ceux qui l’ont déclenchée avec ceux qui l’ont rendue inévitable
    Montesquieu

  4. Bah voyons ! ce président remet de l’huile sur le feu depuis 7 ans au pouvoir tout ce qui arrive n’est jamais de sa faute il est responsable de rien, mais qui a fait la dissolution précipitée ? Je n’ai jamais connu un président aussi méprisant envers le peuple. Pour le moment les marchés financiers ne sont pas mécontent de la censure mais à la moindre erreur de sa part ils le lâcheront et alors le pousseront vers la sortie.

  5. Magnifique discours, qui devrait être étudié dans les facultés: pour s’en sortir, pour ignorer ses lourdes responsabilités, une seule parade: la langue de bois du plus haut niveau. Des poncifs en veux-tu en voilà, aucune analyse. Tout en indélicatesse, Macron n’a pas honte de servir ça aux Français qu’il méprise: pour lui ça doit nous suffire.

  6. Contrairement à mes habitudes depuis sept ans, je me suis forcé à écouter cette allocution. Quel regret pour ce temps perdu, il n’a vraiment plus rien à dire pour la simple raison qu’il semble ne plus rien comprendre. Si, une chose, c’est pas moi c’est les autres.

  7. Tant que les riches et puissants qui l’ont mis sur le trône veulent le garder, il ne risque pas grand chose
    La destitution ? Je n’ose y croire
    Ce serait trop beau

  8. L’occasion rêvée de lui signifier notre désir de son départ c’est de le hué, le siffler lors de l’inauguration de notre dame venez nombreux pour lui dire que nous voulons qu’il partes

  9. Il s’était mis sur son trente-et-un pour s’adresser au français, le costume était bien taillé, le discours nettement moins.

    • En politique, si vous voulez des discours, demandez à un homme. Si vous voulez des actes, demandez à une femme.
      Margaret Thatcher

  10. Ce Pseudo Président ne mérite pas les Français et Nous Français en avons assez du mépris , de l’insulte , de sa satisfaction permanente !
    A un moment il va falloir qu’il se remette en question et ne pas renier ses responsabilités.

  11. Il faut savoir. encore sourire
    Quand le meilleur s’est retiré
    Et qu’il ne reste que le pire
    Dans une vie bête à pleurer
    Il faut savoir coûte que coûte
    Garder toute sa dignité
    Et malgré ce qu’il nous en coûte
    S’en aller sans se retourner
    Face au destin qui nous désarme
    Et devant le bonheur perdu
    Il faut savoir cacher ses larmes
    Mais, moi, mon coeur, je n’ai pas su.

    Il faut savoir quitter la table
    Lorsque l’amour est desservi
    Sans s’accrocher, l’air pitoyable
    Mais partir sans faire de bruit
    Il faut savoir cacher sa peine
    Sous le masque de tous les jours
    Et retenir les cris de haine
    Qui sont les derniers mots d’amour
    Il faut savoir rester de glace
    Et taire un coeur qui meurt déjà
    Il faut savoir garder la face
    Mais moi je ne peux pas
    Il faut savoir, mais moi
    Je ne sais pas. Aznavour

  12. Voici que le président lui-même en est à encourager une entente partisane contre nature afin d’éviter que le vote d’une prochaine motion de censure appuyé par le Rassemblement National fasse chuter un nouveau gouvernement. Autrement dit, il appelle à organiser un moyen de contournement d’un outil constitutionnel ? C’est énorme ! En droit commercial cela s’appelle une entente illicite ; n’existe-t-il donc pas d’interdiction équivalente en droit constitutionnel ? Tout est bon pour écarter le Rassemblement National du fonctionnement démocratique. Ce parti aurait dû être largement le premier en nombre de députés et serait nécessairement associé de près au pouvoir sans la tricherie du « front républicain », avec ses alliances de la carpe et du lapin. Ils ont beau se tortiller en tous sens pour tricher avec la constitution, la véritable volonté populaire finira par passer.

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