Amendes pour non-respect du confinement : ça tombe comme à Gravelotte !

Savez-vous, exactement, où se situe le rayon d’un kilomètre autour de chez vous ? Moi non, et il se peut qu’en traversant la place, je dépasse la zone autorisée pour mes promenades hygiéniques. Et là, gare à la maréchaussée qui veille avec son compteur kilométrique dans la poche…

Mauvais souvenir, Gravelotte : 1.200 morts, 4.420 disparus et 6.700 blessés côté français. Pire, encore, chez les Prussiens. Cela, en deux jours. La guerre de 1870 a ravagé l’Alsace et la Lorraine ; le Covid-19, à côté, c’est de la petite bière.

Les prunes symboliques ont remplacé les pruneaux de la mitraille. En un mois de confinement, plus d’un demi-million d’amendes ont été dressées pour non-respect des règles. Si j’étais mauvaise langue, je dirais bien qu’avec les centaines de milliards qui sortent tous les matins de Bercy, il faut gratter partout là où l’on peut. Comme disait un auguste commentateur commentant l’actualité, « on lâche tous les jours ce qu’on a mis des mois à lâcher aux gilets jaunes ». Pas sûr qu’il faille s’en réjouir…

Il y a les amendes justifiées et celles qui le sont moins. Les plaintes abondent. Ainsi, cette brave dame, 79 ans, qui a raconté sa mésaventure au micro de RTL : avec l’accord du directeur, elle allait chaque jour, à 16 heures, dire bonjour à son mari, 93 printemps, à travers la porte vitrée de l’EHPAD. Les policiers l’ont verbalisée pour « non-respect du cordon sanitaire ». Dire bonjour à son mari qui risque de mourir d’ennui et de chagrin ne constitue pas un motif familial impérieux ni une assistance à personne vulnérable. « J'en étais retournée et je suis rentrée à la maison en pleurs », dit-elle, « 135 euros, ça fait mal et c'est injuste, mais le plus dur, c'est de ne plus pouvoir y aller ». Ému par cette histoire, un boulanger a proposé de payer son amende. Merci, Monsieur.

Le Point a fait une petite recension de ces mésaventures qui alimentent les réseaux sociaux et semblent témoigner d’un certain « excès de zèle » des policiers, lesquels – et on peut les comprendre – en ont sans doute ras le bol d’être sur le terrain…

Il y a ceux qu’on verbalise parce qu’ils prétendent faire du sport et « ont une tenue trop endimanchée » (du coup, je mets ma tenue de rando chaque fois que je vais faire un tour). Ou bien cet homme, revenant du travail à vélo. On le somme de s'arrêter : « Trois agents lui expliquent alors que le vélo est interdit. Sa pratique mettrait selon eux “sa vie et celle des autres en danger”, mais risquerait aussi d'engorger un hôpital s'il venait à avoir un accident. Un des agents va même jusqu'à suggérer le fait qu'il aurait dû préférer un déplacement en voiture. » Plus étonnant encore, et injustifié, selon la préfecture de police, l’amende dressée pour n’avoir « pas recopié TOUS les motifs sur l’attestation manuscrite ».

Et puis il y a ces drames de la condition féminine qui fleurissent sur Twitter : « Je suis sortie acheter des serviettes hygiéniques et, là, un flic m'arrête et veut me verbaliser parce que c'est pas vital ? Donc des gens qui font la queue sur 50 mètres pour des clopes, c'est ok, mais une nana qui veut acheter des tampons, c'est un scandale ? » Marlène Schiappa a dû s’en mêler, assurant que le gouvernement est « mobilisé pour assurer les droits sexuels et reproductifs des femmes ». J’ai compris que les « droits reproductifs » visent la pilule du lendemain et l’IVG ; en revanche, je ne vois pas bien ce que signifient les droits sexuels dans ce contexte… Le ministre a toutefois précisé que « dans le cadre de déplacements exceptionnels et dérogatoires, un policier ou une policière ne pouvait verbaliser l'achat de protections menstruelles ».

Je terminerai sur une remarque à l’attention des policiers toulonnais : pourquoi le cours Lafayette, où continuent les rassemblements et palabres devant les boucheries halal et les tabacs, est-il, à l’évidence, une zone de « non-verbalisation » ?

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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