Amérique latine : la révolte des peuples contre leurs dirigeants
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Outre le Venezuela englué, depuis l’élection de Nicolás Maduro, dans une situation économique et sociale catastrophique, qui plus est aggravée par une situation politique aux nombreux enjeux géopolitiques, une vague de protestation populaire se répand depuis plusieurs semaines sous des formes diverses dans plusieurs pays d’Amérique latine.
Début octobre, l’Équateur (16.620.000 habitants) était secoué par une crise sociale majeure initiée par la communauté indigène, avec routes bloquées, transports publics à l’arrêt, émeutes, scènes de pillage et même déplacement du gouvernement dans le sud du pays, dans la ville portuaire de Guayaquil, placée en couvre-feu ! En cause, de nombreuses décisions économiques, dont celles d’un décret actant la suppression d’une subvention de l’État pour le prix du carburant provoquant le doublement de son prix à la pompe. Une décision liée à un plan de réformes économiques acceptées par le président équatorien Lenín Moreno en échange d’un prêt de 4,2 milliards de dollars du Fonds monétaire international (FMI). Dimanche 13 octobre, le gouvernement mettait fin à cette crise largement initiée par le mouvement indigène en annonçant le retrait du décret en cause. Bilan de cette crise : huit morts et 1.340 blessés.
Dès la mi-octobre, et nous en avons fait le récit ici même, le Chili (18 millions d’habitants) s’est également embrasé (20 morts, selon le dernier bilan) à la suite d’une augmentation de près de 4 % (le prix est passé de 800 à 830 pesos, soit un tarif d’environ 1 euro) du prix du ticket de métro, sachant que ce mode de transport est fréquenté, quotidiennement, par trois millions de passagers. La suspension de cette mesure par le président Sebastián Piñera n’aura pas, pour l’instant, fait cesser les émeutes, pas plus que l’annonce d’un certain nombre de mesures sociales ni le remaniement du gouvernement. Pourtant, les chiffres macro-économiques du Chili sont parmi les meilleurs du continent : une inflation maîtrisée à 2 % par an, une croissance de l’ordre de 2,5 % du PIB, un revenu par habitant d’environ 16.200 euros.
Mais ces chiffres ne prennent pas en compte les nombreuses inégalités sociales, les mesures économiques défavorables aux plus démunis, le rejet d’une classe politique qui semble plus à l’écoute de ses propres intérêts qu’aux doléances de ses compatriotes.
Dimanche dernier, c’est en Argentine (45 millions d’habitants) qu’un coup d’arrêt à la politique néo-libérale largement inspirée par le FMI et aux résultats catastrophiques (inflation à plus de 50 %, nombreuses fermetures d’entreprises, fuite des capitaux, chômage à 10 %, accentuation de la pauvreté, etc.) a été signifié au président Mauricio Macri. En élisant, dès le premier tour de l’élection présidentielle, la coalition des « Fernández », les péronistes Alberto Fernández et l’ancienne présidente Cristina Fernández de Kirchner, et ce, en dépit des dizaines de mises en examen de Cristina Fernández pour corruption, détournement de fonds vers des comptes en Suisse, cession spéculative de devises, blanchiment d’argent.
En Bolivie (11.400.000 habitants), c’est une autre colère qui a envahi les rues des principales villes, aux cris de « Democracia sí dictadura no ». En cause, le résultat de l’élection présidentielle du 20 octobre où un second tour a été d’abord annoncé puis infirmé avant la proclamation de la réélection du président Evo Morales. Une annonce d’autant plus suspecte que le vice-président du Tribunal supérieur électoral, Antonio Costas, avait claqué la porte en dénonçant le système de comptage ! Depuis une dizaine de jours, les routes sont bloquées par des barrages de fortune, une grève générale a été déclenchée, les affrontements se sont multipliés entre partisans et opposants de Morales, avec deux morts par balles à Santa Cruz. L’Église catholique, très influente dans le pays, s’est prononcée pour un second tour.
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