[ANIMAUX] Après Pigcasso, Baanksy le mouton peintre : un phénomène sans mystère

Une truie est morte en mars dernier : Pigcasso. Elle avait connu une célébrité mondiale comme… peintre. Son atelier était sis en Afrique du Sud, près de Franschhoek (« le coin des Français », en raison des huguenots qui s’y installèrent à la fin du XVII^e siècle). Et voilà que, à Franschhoek encore, un nouveau talent nous est né ! C’est un mouton, il s’appelle Baanksy. Quelle est cette terre où les peintres naissent dans les fermes ?

À vrai dire, Pigcasso et Baanksy viennent du même endroit : la Farm Sanctuary SA, un refuge pour animaux. Sa directrice, Joanne Lefson, n’est pas étrangère à la naissance des talents animaliers et à la création des œuvres. Chaque peinture est le fruit d’une collaboration. Interrogée par BV sur le processus créatif, Mme Lefson nous explique: « L'animal fait TOUTE la peinture physique sur le papier - mais je sélectionne les couleurs, je déplace le papier de gauche à droite, de haut en bas, en fonction de l'endroit où je veux qu’il peigne, pour l'équilibre et la composition. » Au moins Joanne Lefson ne fait-elle pas semblant que l’animal peint seul. À ce propos, lui demandons-nous, avez-vous eu des problèmes avec la Fondation Picasso ou le mystérieux graffeur pour l’utilisation parodique de leur nom ? « Non, répond-elle, les imaginez-vous attaquer en justice un cochon ou un mouton ? »

Pigcasso peignant. © Joanne Lefson pigcasso.org

Il reste quelques dizaines d’œuvres de Pigcasso à vendre, jusqu’à 9.000 euros pour certaines : Forme de toi, Couleuvre à collier, Touche française… Anticipant la pénurie à venir, Joanne Lefson a donc sorti de sa bergerie ce mouton, Baanksy, et l’a formé à l’art. Lui aussi a un site sur lequel on peut acheter ses œuvres : Brebis brillante, Madame Bèèè, L’heure de la fête. Tout est feel-good, on ne fait pas dans la métaphysique. L’affaire est juteuse, pour la bonne cause : la vente des œuvres sert à financer la ferme sanctuaire qui milite contre « la tragédie de l’élevage industrialisé et ses effets néfastes sur l’environnement, la santé et le bien-être des animaux d’élevage ».

Une citation de Bacon

Et l’art, dans tout ça ? « Le travail de l’artiste est de toujours approfondir le mystère », dit le site de Pigcasso. Une citation de Francis Bacon - Joanne Lefson a, décidément, de l’humour. Stylistiquement, Baanksy peut être dit élève de Pigcasso. On peut attribuer cela à l’influence de leur discrète collaboratrice, Joanne Lefson, mais aussi au fait que tous les animaux - chiens, perroquets - peignent à peu près de la même façon, du fait qu’ils tiennent le pinceau dans leur gueule. Pour l’essentiel, des traces et des taches dont on a envie de dire qu’un plasticien adulte pourrait en faire autant.

À l’aide de leurs mains ou de leurs trompes, singes et éléphants produisent des choses parfois plus élaborées - mais les « autoportraits d’éléphants » comme ceux du Maetaeng Elephant Camp (Thailand) sont des tours appris et réitérés pour l’épatement des clients. Comme certains artistes, vous me direz. Tout cela nous ramène à Boronali, cette farce montée par Dorgelès qui exposa sous ce nom une toile intitulée Et le soleil s'endormit sur l’Adriatique. La toile fut remarquée en 1910 au Salon des indépendants. On apprit, ensuite, qu’elle avait été peinte par Lolo, un âne de Montmartre à la queue duquel on avait attaché un pinceau.

La tendance actuelle est d’attribuer une part culturelle au monde animal. La question mérite d’être étudiée, mais les exemples d’animaux peintres doivent beaucoup, sinon tout, à l’intervention humaine. Or, on n’a pas besoin de cela pour être convaincu que les animaux - maniant les brindilles, la boue, la soie - sont de fameux architectes bâtisseurs.

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