[ANIMAUX] Chiens et chats en EHPAD : mesurette ou révolution ?

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Débattue à l'Assemblée prochainement, la loi « Bien vieillir » créera-t-elle un droit opposable, pour un résident, à vivre en EHPAD avec son animal domestique ? L’association 30 millions d’amis le demande depuis longtemps et s’est réjouie lorsque « l’amendement Juvin » (LR) a été adopté en première lecture, fin 2023. Mais il a été vidé de sa substance par le Sénat. Le ministre de la Santé, Christine Vautrin, et le ministre délégué aux Personnes âgées, Fadila Khattabi, ont dit récemment leur volonté de réintégrer l’amendement lors de la seconde lecture afin que ce droit devienne applicable dès ce printemps « en vue d’humaniser davantage nos EHPAD », a déclaré Mme Vautrin.

La possibilité d’amener son chat, son chien, lors de l’entrée en EHPAD existe déjà mais dépend du règlement intérieur de l’établissement. Moins de la moitié des maisons de retraite l’acceptent. « Cela se pratique de manière très marginale, nous explique Virginie, directrice d’EHPAD en région parisienne. L’organisation demande à être établie en amont avec la famille, car cela n’a rien d’anodin. » Médecin, Philippe Juvin défend sa position et explique à BV : « L’EHPAD de demain ne doit pas être une chambre d’hôpital mais un domicile où l’on peut vivre avec un chat ou un chien. Tout est réalisable dès lors qu’on casse la force de l’habitude. Il y a vingt ans, en réanimation, on acceptait des visites d’une heure maximale ; désormais, c’est parfois possible 24h/24, et à l’hôpital Cochin, les chiens peuvent venir rendre visite à leur maître ! »

D'indéniables questions d'organisation

Passer d'une tolérance à un droit opposable, est-ce faisable ? « La présence d’animaux nombreux générera des problèmes de cohabitation et d’hygiène, répond la directrice d’EHPAD. Qui sort les chiens ? L’aide-soignante, après avoir fait douze toilettes, changera douze litières ? Elle me les enverra à la tête et elle aura bien raison. » De plus, que devient le chien, le chat, le canari, le poisson lorsque arrivent les troubles cognitifs ou moteurs ? « Oui, l’animal est apaisant ; oui, c’est atroce de se séparer de son animal de compagnie ; mais la logistique est impossible à organiser. »

Philippe Juvin a une autre vision des choses. D’abord, il ne faut pas surestimer le nombre d’animaux concernés : 20 à 30 % des Français ont un chat ou un chien, proportion qu’on retrouvera peu ou prou à l’entrée en résidence. Ensuite, « 46 % des résidents sont GIR-3-4-5, donc sont autonomes : donc, cela ne pose pas de problème, explique-t-il à BV. Quant au cas d’une personne grabataire, qui a la visite d’une aide-soignante débordée trois fois 15 minutes dans la journée, pas plus, qui ne voit que la présence de son chat est indispensable à son bien-être ? »

Entre statu quo et changement de mentalité

Mais quid de la responsabilité civile si un chien ou un chat fait tomber un résident ? Et, ajoute la directrice d’EHPAD, « nous avons déjà un empilement de normes pour la restauration, les soins, le linge… Faudra-t-il y ajouter celles concernant les animaux ? Y aura-t-il des contrôles de la SPA qui dira que tel établissement est maltraitant pour les animaux ? » Elle ne voit dans l’annonce gouvernementale qu’une diversion. « La loi Bien vieillir est dans les tuyaux depuis longtemps et n’aboutit pas. Au lieu d’aborder les problèmes de fond du secteur, à savoir les questions de la fin de vie, du bien-être des personnes, de la dotation publique pour le soin et la dépendance, le gouvernement nous sort une mesurette. »

Virginie rappelle que près de la moitié des EHPAD ont leur propre animal, voire plusieurs quand c’est possible. Un chat, un chien qui deviennent la mascotte de la maison et constituent un repère affectif pour les personnes âgées. « En province, ça peut être aussi des poules, des lapins, voire des moutons… En tout cas, cela fait partie d’un projet d’établissement, construit, organisé. » Alors, les députés suivront-ils l’initiative de Philippe Juvin ? « Si mon amendement n’est pas voté par l’Assemblée, je ferai une proposition de loi qui en reprendra l’idée, une proposition élargie à la notion d’EHPAD comme domicile », annonce-t-il à BV.

Samuel Martin
Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

29 commentaires

  1. Ce juvin ne semble pas connaître les ehpad ni leurs contraintes, il veut leur ajouter un « droit opposable » ingérable et au mépris du grand « principe de précaution !
    Il existe des établissements qui se sentent capables de gérer ces animaux au cas par cas dans le respect d’un règlement intérieur, alors pourquoi vouloir légiférer à tout prix sur un sujet, comme tant d’autres qui ne mérite pas de s’y attarder si ce n’est pour un prestige personnel…

  2. J’approuve la possibilité de la présence d’animaux de compagnie pour les personnes âgées. Certes cela pose nombre de difficulté pour le personnel, et un choix limité concernant les animaux « éligibles » qui ne doivent pas avant toute chose être un danger pour autrui, mais il faut le reconnaître, l’affection procurée par certains animaux envers leur « maîtres » surpasse en certain cas celle des humains, surtout lorsque le grand âge est arrivé.

  3. Il est impossible d avoir autant d animaux dans une collectivité où les normes d hygiène sont lourdes et strictes. De plus tous les résidents ne souhaitent pas être en contact avec des animaux et il faut tout autant respecter leurs souhaits.
    Par contre si l objectif est le bien être et uniquement le bien-être des résidents il existe une solution : les peluches chats ou chiens qui ronronnent ou émettent des vibrations . Leur fourrures sont bluffantes et l animal ressemble vraiment à l original . Pour avoir testé cette méthode je valide car ça marche sur l anxiété, la solitude etc. Mais ces peluches sont très onéreuses. Alors à votre bon cœur messieurs dames.

  4. Ma mère lorsqu’elle est partie en EHPAD n’a pas eu le droit d’y amener son fauteuil électrique médicalisé, car il était en tissu et ceci par mesure d’hygiène. Donc si je comprends bien, un vulgaire fauteuil qui l’aidait quand même à se relever est malpropre alors qu’un chien, il lui arrive de se rouler dans les excréments, ça ne pose aucun problème.

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