[ANIMAUX] Paul Léautaud: « Tous mes animaux sont enterrés dans mon jardin »
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« J’ai eu au moins trois cents chats, cent cinquante chiens, pas tous à la fois. Tous ramassés dans les rues de Paris », expliquait Paul Léautaud, au micro d’André Gillois, en 1949. « Et tous mes animaux sont enterrés dans mon jardin », ajoutait-il. Une véritable nécropole animale dans son jardin de Fontenay-aux-Roses qui ne serait plus autorisée aujourd’hui. Il y a des tolérances départementales pour l’inhumation sur terrain privé, mais la tendance est à l’interdiction. Le maître doit confier l’animal à un équarrisseur ou à un vétérinaire qui le livrera à un crématorium animalier (article L226-6 du Code rural). Si la crémation est individuelle, le propriétaire peut récupérer les cendres de son animal et les épandre dans sa propriété.
Inhumer son animal dans son jardin est interdit pour des questions d’hygiène mais n’a rien de scandaleux d’un point de vue chrétien. Contacté par BV, l’abbé Raffray se souvient: « Quand j’étais enfant, nous avions un chien. Quand il est mort, cela a été un choc pour toute la famille. Mon père l’a enterré dans le jardin et nous, en tant qu’enfants, avions une sorte de respect pour ce coin de terre où était le chien que nous avions aimé. L’affection est juste, légitime. » En sachant garder une certaine mesure : « Il ne faut pas que cela soit au détriment de ses propres ancêtres et des gens qui nous entourent. »
À Rome, la poule des Mussolini
Et les cimetières pour animaux? En France, le premier fut ouvert à Asnières en 1899. Comme le Père-Lachaise, il a ses stars : le célèbre acteur Rintintin, Mémère, mascotte des chasseurs à pied, mais aussi les animaux de compagnie de Saint-Saëns, Courteline, Guitry… Il a ses monuments : celui dressé à la mémoire des chiens policiers victimes du devoir, un autre en l’honneur de Barry, terre-neuve qui sauva 40 personnes. Dans le sud de Rome existe la Casa Rosa, dont l’histoire est liée à Mussolini. Ses enfants avaient gagné une poule dans une foire et, lorsqu’elle mourut, il l’enterra dans un bout de terrain. D’autres vinrent y enterrer leur chat, leur chien, et c’est ainsi que naquit le cimetière.
On compte une trentaine de cimetières pour animaux, en France, et La Baule prévoit d’ouvrir le sien à l’été 2025. Sensiblerie moderne ? L'origine de ces cimetières fut d'abord l’hygiène : à Paris, les cadavres d’animaux finissaient souvent dans le caniveau ou dans la Seine. Mais évidemment, les amis des animaux ne manquent pas de sentiments et ils dotent les tombes de monuments d’un goût parfois douteux.
Une page célèbre de Léon Bloy
Léon Bloy s’éleva vigoureusement contre cette pratique tumulaire dispendieuse, dans une page célèbre du Sang du pauvre. « Après le cimetière des pauvres, c’est une sensation plus que bizarre de visiter le Cimetière des Chiens. […] Est-ce l’effet d’une idolâtrie démoniaque ou d’une imbécillité transcendante ? Il y a là des monuments qui ont coûté la subsistance de vingt familles ! J’ai vu, en hiver, sur quelques-unes de ces tombes d’animaux, des gerbes de fleurs dont le prix aurait rassasié cinquante pauvres tout un jour ! » Les épitaphes lui parurent une provocation supplémentaire : « Et ces regrets éternels, ces attendrissements lyriques des salauds et des salaudes qui ne donneraient pas un centime à un de leurs frères mourant de faim ! »
Plus mesuré, l’abbé Raffray nous rappelle que « le danger est de réduire la distinction entre l’animal et l’homme et de considérer l’animal comme un homme comme les autres. Or, l’homme est responsable de ses actes, l’animal non. Si nous, chrétiens, enterrons les hommes, c’est parce que nous pensons que nos actions ont une répercussion dans l’éternité - punition ou récompense. L’animal, lui, n’a pas de conscience morale. » Encore une fois, cette distinction n’interdit pas le souvenir affectueux que l’on garde des animaux, ceux de notre enfance comme de plus tard.