[ANIMAUX] Porcelets affamés : quand l’art contemporain se fait tortionnaire

Trois porcelets enfermés sous des caddies, entourés de tableaux sanguinolents : l’« installation artistique » de Marco Evaristti, dans les anciens abattoirs de Copenhague (Den Graa Koedby), était déjà en soi une maltraitance. Pire: le plasticien voulait les laisser mourir de faim afin de dénoncer la souffrance animale dans la filière porcine danoise. Vous avez dit « pervers »?
Deux alternatives à l’affamement étaient proposées. Soit l’abattage des porcelets par les visiteurs, à l’aide d’un pistolet adéquat, afin d’abréger leur souffrance - ce détail sordide est mentionné par l’organisation World Animal Protection. Soit l’alimentation des animaux si Evaristti obtenait 22.000 membres sur un compte Instragam s'engageant à boycotter le porc d'élevage conventionnel. La perversité redoublée par le chantage.
Une exposition validée par l’Administration vétérinaire
Le 28 février, jour de l’ouverture, l’association Anima International a signalé l'exposition aux autorités, puisqu’elle « viole plusieurs articles de la loi danoise sur la protection des animaux », explique à BV Mathias Madsen, responsable de campagne de la branche danoise d’Anima. L'Administration vétérinaire et alimentaire danoise a pourtant autorisé l’exposition, et cela malgré l’absence d’identification des porcelets! Une légèreté qui interroge. La police débarque alors et adresse un « avertissement » à l’artiste.
Le lendemain, samedi 1er mars, « les porcelets ont été remis à des militants par l'assistant d’Evaristti », continue Mathias Madsen. Des militants de l’association animaliste OASA. Dans la foulée, Evaristti porte plainte pour vol. Les animaux sont tenus cachés par OASA, car, si les autorités vétérinaires les retrouvent, ils seront euthanasiés puisqu’ils n’ont pas d’identification. À moins qu’Evaristti n’indique d’où ils proviennent- ce que, blessé dans son orgueil créateur, il refuse de faire… Contacté par BV, Marco Evaristti n’a pas donné suite à nos sollicitations.
Plasticien récidiviste
Anima International est d’accord avec « les critiques d’Evaristti sur la cruauté qui caractérise l’agriculture industrielle », explique Mathias Madsen à BV. Cependant, « nous pensons qu'il est absurde d'utiliser la maltraitance animale pour sensibiliser à la maltraitance animale ». D’autant, ajouterons-nous, qu’Evaristti est un récidiviste. En 2000, au musée Trapholt de Kolding, il avait exposé des poissons rouges vivants dans des mixeurs emplis d’eau, les visiteurs étant libres d’appuyer sur le bouton (c’est décidément une obsession). Deux poissons avaient été broyés.
Dans cette affaire de poissons, le directeur du musée Trapholt avait été relaxé. « Un technicien en électroménager et un expert vétérinaire sont venus expliquer à la barre que, vu leur vitesse, les lames du mixeur avaient instantanément tué les poissons », expliquait Libération, satisfaite de l’expertise. Entre animaux et art contemporain, Libé a fait son choix. De même les activistes de L214 à propos des trois porcelets danois. L’association se borne à constater que « Les cochons subissent tellement d'horreurs : il suffit de se rendre dans un élevage ou un abattoir pour s’en rendre compte » - avant de s’en prendre, non à Evaristti, mais aux supermarchés Leclerc. En somme: pas touche à l’art contemporain. Dans l’intersectionnalité des luttes, les animaux comptent pour du beurre.
Sadisme contemporain
Pourquoi l’art contemporain ferait-il l’économie du sadisme, lui qui peut tout se permettre sans en faire les frais ? En 2012, Damien Hirst - star incontestée du système « art contemporain » - avait fait une hécatombe de 9.000 papillons à la Tate, à Londres. La même année, Jan Fabre lançait des chats dans l’escalier de l'Hôtel de ville d’Anvers. Face au tollé, Jan Fabre s’était dit victime de… l’extrême droite. En 2022, il a été condamné pour attentat à la pudeur et des violences ou humiliations sur des danseuses de sa troupe.
À Copenhague, l’affaire se termine bien pour les trois porcelets danois. Ce 6 mars, Mathias Madsen, d’Anima International, assure BV qu’ils sont « en sécurité et qu’ils arriveront bientôt dans un nouveau foyer permanent ».

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