[ANIMAUX] Toto et Rillette sauvées de l’abattage : les leçons des deux affaires

Image générée par IA Grok
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La maîtresse de Rillette a enfin reçu la « régularisation » de l'animal. Mise en demeure de revoir sa copie par le tribunal administratif, la préfecture de l’Aube a courbé l’échine et a envoyé à Élodie l’arrêté « n° DDETSPP-PPP-SPAE-2025034-0001 », signé du 3 février, que BV a pu consulter.

La régularisation de Rillette s’accompagne de contraintes. Que la clôture de l’enclos soit conforme à l’instruction technique « DGAL/SDSPA/2019-389 ». Qu’Élodie suive une formation relative aux mesures de biosécurité. Qu’elle tienne un registre d’entrée et de sortie. Et d’autres choses, comme de suivre les autres réglementations, « notamment celles applicables en matière […] d’espèces exotiques envahissantes ». Ses ancêtres les Tricasses auraient été bien surpris d’apprendre, en tant que Gaulois, que le sanglier serait un jour considéré comme exotique sur leur territoire. Mais avec la « néo-ruralité » façon Mélenchon, allez savoir…

S’agit-il d’obligations justifiées ? D’un besoin irrépressible de l’administration de produire du réglementaire ? De mesures vexatoires à l’encontre d’une particulière qui a gagné contre l'administration ? Joint par BV, Emmanuel Blairy, député RN de la 1re circonscription du Pas-de-Calais, estime ces contraintes « normales ». Il connaît le sujet, s’intéressant aux questions animales et s’étant occupé de sauver le sanglier Toto d’une euthanasie administrative, cet été.

Emmanuel Blairy relève que « la société évolue vers l’émotion, la différence entre animaux domestiques et des animaux sauvages s’estompe ». Le droit se trouve pris en défaut. « Doit-on le faire évoluer en ajoutant quelques alinéas à l’article 99-1 du Code de procédure pénale ? », s'interroge-t-il. Le problème est que si les fourrières accueillent les chats et les chiens, si un centre équestre peut être réquisitionné pour un cheval, « rien n’est prévu pour les animaux sauvages, puisqu’on part du principe que personne n’a à les enlever à la nature ». Au cas par cas, on peut autoriser un particulier à en recueillir un - « et en ce cas, il faut des contraintes », explique l’élu à BV.

« Il est bon que ces affaires soient médiatisées, reconnaît-il : cela permet au législateur de réfléchir à l’adaptation de la loi et, à ce titre, la décision du tribunal administratif est intéressante. » Sur Facebook, Me Christophe Gérard, spécialisé dans la défense des animaux, a lui aussi commenté cette victoire. Il relève d’abord, de la part de l’administration, des « changements irrationnels de position », lesquels « ne laissent pas d'inquiéter sur l'arbitraire que révèlent ces décisions erratiques » : un jour, on euthanasie ; un jour, on régularise. Mais l’arrêté préfectoral fera, selon lui, jurisprudence : « L'administration devra désormais y regarder à deux fois avant de brandir la menace de l'euthanasie, qu'elle vient elle-même de saborder. »

Interrogé sur un autre article, le L424-10 du Code de l’environnement qu’il conviendrait peut-être d’amender, puisqu’il n’envisage pas le fait qu’un animal puisse se réfugier auprès de l’être humain, Emmanuel Blairy reconnaît que « le législateur tente d’envisager tous les cas de figure, mais n’y parvient pas toujours »… Il appelle à la mesure. « On risque de créer un appel d’air en encourageant des gens à récupérer un marcassin dans la nature pour en faire un animal de compagnie, ou parce que "ça sera sympa pour les enfants". Il y a un équilibre à trouver. »

À Chaource, Élodie devra scrupuleusement appliquer les obligations qui lui ont été notifiées. Sont chargés de « l’exécution du présent arrêté » : le secrétaire général de l’Aube, le maire de la commune, le directeur départemental de la sécurité publique, le directeur départemental de la DDETSPP [Direction départementale de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations, NDLR] et le chef départemental de l’Office français de la biodiversité. L’attendent-ils au tournant ? En tout cas, elle a sauvé Rillette et, en tant que professionnelle, puisqu’elle gère un centre équestre, elle saura gérer cette bonne et intelligente bête devenue, comme elle nous l’a confié lors d’un précédent échange… « un vrai petit chien ».

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Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

4 commentaires

  1. Je vous fiche mon billet qu’Elodie sera beaucoup plus surveillée que le sont les clandestins, sans parler des clandestins sous OQTF depuis des mois, voire des années! Et surtout au moindre accroc à la règlementation, la puissance publique sera sans faiblesse! L’Etat laisse courir des clandestins sous OQTF, parfois condamnés, mais va traquer le moindre écart d’Elodie sans la moindre faiblesse. Très fort avec les faibles, d’une grande faiblesse avec les forts!

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