Antisémitisme et immigration sont-ils totalement décorrélés ?
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« Porter une kippa dans la rue, c’est impossible. Aller chercher ses enfants dans une école juive, c’est dangereux. Faire ses courses dans des magasins cacher, c’est compliqué […] À cause d’une immigration musulmane, hystérisée par certains responsables politiques, on se retrouve avec une chanteuse israélienne à l'Eurovision qui vit sous sécurité. » Sur le plateau de BFM TV, ce 4 juin, face à une Clémence Guetté, députée LFI, remontée, Tugdual Denis, directeur de la rédaction de Valeurs actuelles, ose dénoncer le lien qui existe entre les vagues d’immigration et la résurgence de l’antisémitisme sur le sol français. Avant lui, Geoffroy Lejeune, à la tête du Journal du dimanche, avait lui aussi tenté le même constat. Une sortie qui a valu à CNews une amende de 50.000 euros... À nouveau, tollé immédiat. La journaliste Neila Latrous, elle même « immigrée », comme elle le précise, se dit « un poil insultée » par ce propos. À l’écouter, l’augmentation des actes antisémites depuis le 7 octobre serait surtout « un problème français ». « Il y a un endroit où les Juifs sont à peu à près tranquilles : le Maroc, la Tunisie et Dubaï », précise-t-elle, pour appuyer son propos. « Raciste », « honteux », « facho »… Sur les réseaux sociaux, la sortie de Tugdual Denis n’échappe pas aux indignations d’une partie de la gauche. Mais alors, qu’en est-il ? Immigration africaine et antisémitisme sont-ils totalement décorrélés ?
Importé du Maghreb
Non, répond l’historien Georges Bensoussan. L’auteur d’Un exil français explique ainsi que, « depuis une quarantaine d’années, une partie de cette immigration [maghrébine] s’est mal intégrée et verse dans l’antijudaïsme, qui n’a pas été créé mais exacerbé par le conflit » en Israël. L’essayiste Boualem Sansal abonde dans le même sens. Pour lui, « les quelques statistiques disponibles et la simple observation laissent à croire à l’existence d’un lien direct entre immigration et antisémitisme. » Un constat partagé par de nombreux experts, dont des institutions officielles comme l’Agence européenne pour les droits fondamentaux. En 2012, cette institution communautaire notait, ainsi, qu’un « grand nombre [d’actes antisémites] sont menés par des personnes d’origine arabe ou musulmane. […] Les éléments néo-nazis n’ont pas disparu, mais les témoignages des victimes juives font souvent références à des jeunes hommes issus de communautés immigrées musulmanes. » Six ans plus tard, l’Agence européenne réitérait le même constat : les victimes « rapportent que la violence est perpétrée par des immigrés aux origines arabo-musulmanes ». En France, Pierre Brochand, ancien patron des Renseignements, abonde dans le même sens dans les colonnes du Figaro. « Il est tout de même étrange que le ministre de l’Intérieur ait cru devoir convoquer une réunion de sécurité pour parer aux répercussions sur notre sol d’événements se produisant à 3.000 kilomètres. On mesure par là l’une des multiples retombées qu’une immigration extra-européenne fait peser sur notre société », commentait-il, après l’attaque du Hamas.
Par ailleurs, pour Georges Bensoussan, à rebours de ce qu’affirmait la journaliste de BFM TV sur les pays du Maghreb où les Juifs seraient le mieux traités, cet antisémitisme est, justement, « importé du Maghreb ». Dans son livre Les Juifs du monde arabe, l’historien montre en effet que les Juifs, avant de quitter le Maghreb [ils ne sont, aujourd’hui, plus que quelques milliers, NDLR], ont pendant des siècles étaient « méprisés » et « infériorisés » [dhimmis, NDLR] en terre arabe, avant de quitter massivement les pays du Maghreb. « Dans l’ensemble les pays musulmans vivent cette haine sans trop de délire tant que le juif reste le dhimmi soumis à l’imperium arabo-musulman qu’il a toujours été. » explique à son tour Boualem Sansal, contacté par BV. Cette haine, théorique dans les pays musulmans désertés par les juifs, est aujourd’hui « très largement remplacée par la haine des sionistes et des israéliens, constamment alimentée et exacerbée par l’actualité israélo-palestinienne. » ajoute l’auteur
Instrumentalisé par les Insoumis
Mais comme le montre le récent sondage de l’IFOP pour la Fondapol et l’American Jewish Committee (AJC), publié ce 6 juin, cet antisémitisme, « importé du Maghreb », est en outre exacerbé par certains responsables politiques. Ceux-ci, par clientélisme, n’hésitent plus à jouer sur l’ambiguïté, à mélanger antisionisme et antisémitisme et à critiquer ouvertement Israël pour s’attacher les faveurs d’un électorat pro-palestinien issu d’une immigration mal intégrée. Ainsi, pour 92 % des Français de confession juive (53 % de l’ensemble de la population), La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon contribue à la montée de l’antisémitisme en France. Les exemples sont nombreux, entre Rima Hassan qui commente, le 26 mai dernier, « Israël est une monstruosité sans nom », les députés insoumis qui brandissent le drapeau palestinien dans l'enceinte de l'Assemblée nationale et Aymeric Caron qui déshumanise ses opposants.
À l’inverse, seuls 49 % des Français de confession juive jugent le Rassemblement national responsable de la montée de l’antisémitisme. Par ailleurs, 57 % des Français de confession juive se disent prêts à quitter la France si les Insoumis arrivent au pouvoir. « Les discours de LFI alimentent l'idée que le sionisme serait une imposture et entretiennent le fantasme d'une Palestine sans Juifs, comme s'ils ne l'avaient jamais habitée. C'est une réécriture politique de l'Histoire extrêmement violente », analyse Anne-Sophie Sebban-Bécache, directrice de l'antenne française de l’AJC. Boualem Sansal précise : « L’antisémitisme viendrait à mon avis autant de l’immigration, que de la dissémination rapide l’islam-islamisme dans la société française, aux manipulations dangereuses de LFI qui joue la surenchère et l’hystérisation du jeu politique. »
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23 commentaires
Monsieur Denis, après les avoir vivement critiqué, ne reprend il pas les thèses de Zemmour ?