Aphatie : idiot utile de Tebboune ?

« Ton conciliant », « signe d’apaisement », « volonté de calmer le jeu » : que n’a-t-on pas lu, au sujet de l’interview du très patelin président Tebboune ? Mais, comme l’écrivait, hier Julien Tellier, « cette rhétorique apaisante cache mal une réalité : tant que des figures comme Sansal croupissent en prison, la normalisation franco-algérienne restera un vœu pieux… » Effectivement, Tebboune, sous son air bonhomme, a l’art et la manière d’enrober de miel ses flèches empoisonnées à l’endroit de la France et, qui plus est, de s’immiscer, l’air de ne pas y toucher, dans nos débats nationaux, avec un mépris qui mériterait que l’ambassadeur d’Algérie soit convoqué par notre ministre des Affaires étrangères : « Pour ne pas tomber dans le brouhaha ni le capharnaüm politique là-bas [en France], je dirais seulement trois mots : nous, on garde comme unique point de repère le Président Macron », a osé déclarer le chef de l’État algérien. Mais, ici [le « là-bas » de Tebboune, c’est-à-dire chez nous !], ça passe crème, comme les cornes de gazelle après un bon couscous.
Sous les douceurs orientales, le fiel
Autre flèche empoisonnée lancée à notre pays, l’éloge de Jean-Michel Aphatie fait par le même Tebboune. Aphatie ? « Grand journaliste, Jean-Michel Aphatie est un très grand journaliste », lance Tebboune. N'en jetez plus, la coupe est pleine ! Le sujet n’est pas de savoir si Aphatie est ou pas un très grand journaliste (tout se discute, mais, qu’on aime ou qu’on n'aime pas ce polémiste, son talent est indiscutable), le sujet est que cette distribution de douceurs orientales n’est faite que pour critiquer la France, de la manière la plus fielleuse qui soit. La France, un pays qui pratiquerait la « censure » au sujet de la guerre d’Algérie. C’est dit clairement par la journaliste qui interroge le président algérien. « Le documentaire intitulé Algérie section armes spéciales, qui revient sur un pan encore méconnu de notre guerre de libération nationale, a été déprogrammé par France Télévisions. Une nouvelle censure qui concerne cette guerre, M. le Président. Pourquoi la France perpétue son déni de la réalité historique ? » On imagine que cette question si bien tournée n’était ni télécommandée, ni téléguidée, on est bien d’accord.
« Aphatie, un très grand journaliste »
De quoi s’agit-il ? D'un documentaire sur l’emploi d’armes chimiques par la France durant la guerre d’Algérie, programmé initialement le 16 mars, mais déprogrammé, a expliqué France 5, pour coller à l’actualité internationale du moment (relations russo-américaines) avec la diffusion du film Opération Trump : Les espions russes à la conquête de l’Amérique. Le documentaire sur l’Algérie, a précisé France 5, sera diffusé ultérieurement. On peut faire confiance à France 5, le sujet ne devant pas faire l’apologie de la colonisation française ! Mais cette déprogrammation, quelles qu'en soient les raisons, devient immédiatement de la « censure », du côté algérien. Les mots ont un sens : la censure, cela implique une intervention étatique. On imagine que cela se saurait déjà : là aussi, on peut faire confiance à France 5.
Mais le président Tebboune rebondit sur cette « censure ». Pourquoi, ce « déni », demande la journaliste ? Au fait - ouvrons une parenthèse -, y aura-t-il, un jour, un journaliste algérien courageux - ou suicidaire - pour évoquer le « déni » du pouvoir FLN au sujet des atrocités commises par le FLN en Algérie ? Fermons la parenthèse. Donc, pourquoi, donc ? M. Tebboune répond : « La question de la mémoire : on ne refait pas l’Histoire. » Et plus loin : « Ça renvoie à la liberté d’expression… Quand on interdit un film, lorsqu’un journaliste, grand journaliste – Jean-Michel Aphatie est un très grand journaliste – dit la vérité, c’est comme la chanson "Il a dit la vérité, il faut qu’il soit fusillé. Les dreyfusards sont encore là-bas"… » Allusion, évidemment, à la suspension d'antenne du journaliste après ses propos, comparant la conquête de l'Algérie aux exactions des nazis en France durant la Seconde Guerre mondiale.
On est bien d’accord : ces propos, qui érigent Aphatie en une sorte de nouvel Émile Zola – pourquoi pas ! -, sont tenus par le chef d’un État qui détient dans ses geôles un écrivain qui a eu le malheur d’écrire ce qu’il pensait, de dire, sinon la vérité, sa vérité. « Là-bas » (en Algérie), Boualem Sansal risque dix ans de prison. Ici (en France), que l'on sache, pas Aphatie. À ce niveau de cynisme, on est désarmé. Alors, Jean-Michel Aphatie, idiot utile d’Abdelmadjid Tebboune ?
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4 commentaires
Du talent, Aphatie ??
Sur les deux adjectifs qualifiant m Apathie..il y en a un qui permet le doute..a mon avis tebboune n’a aucun besoin de ce » journaliste »
« qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, son talent est indiscutable » ??? « Le talent d’un journaliste se manifeste par son flair pour l’information, ses excellentes capacités d’écriture, et son aptitude à rechercher, vérifier et évaluer des sources pour produire des contenus informatifs et pertinents. » Certes Aphatie écrit bien — c’est quand même la moindre des qualités exigibles — mais où avez-vous perçu un « flair » particulier et surtout la « capacité à vérifier et évaluer ses sources » ? Eh bien moi, son talent de journaliste, je me permets de le contester ! Aphatie n’est qu’un militant politique qui détourne la réalité au travers du prisme déformant de son idéologie et de ses dilections, en utilisant des médias écrits et vidéos pour diffuser son fiel.
Un journaliste est , ou plutôt était, dans une autre époque pas si lointaine, relativement impartial. Là, ils sont pour beaucoup de vrais militants, et recensés fort nombreux à gauche, sinon à l’extrême gauche.