Appel des gilets jaunes au retrait de leurs avoirs : le risque de panique bancaire n’est pas le problème

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Certains gilets jaunes, et en particulier le leader Maxime Nicolle, ont appelé récemment à célébrer l’acte IX du samedi 12 janvier en incitant les membres du mouvement à retirer tous en même temps, ce jour-là, le maximum d’argent de leurs comptes bancaires. Cette opération devrait se produire à 8 h 00 du matin. Si elle ne fonctionne pas, les leaders ont déjà proposé qu’elle soit reproduite le samedi suivant. Cette action est-elle un risque ? Si elle fonctionne, est-elle susceptible de constituer un véritable levier sur le gouvernement ?

Pour pouvoir juger correctement de cette affaire, il nous semble qu’il faut considérer le problème à l’envers. En effet, la probabilité qu’une grande partie des manifestants retire la totalité de son argent en même temps est assez faible. De plus, les études montrent que pour égaler l’ensemble des retraits quotidiens (environ 340 millions d’euros), il faudrait que chacun des 126.000 gilets jaunes qui ont défilé le 8 décembre retire, ce jour-là, 2.700 euros, ce qui est peu probable, surtout de la part de personnes qui ont du mal à boucler leurs fins de mois. Enfin, les banques disposent de nombreuses parades contre ce risque, en particulier la limitation des retraits bancaires, ce qui existe déjà, avec des plafonds qui sont couramment de l’ordre de 300 à 500 euros par jour.

La manœuvre a donc peu de chances de réussir. En revanche, il est significatif qu’elle ait été proposée. En effet, elle ne correspond pas forcément, à notre avis, au « profil type », si tant est qu’on puisse le définir, de nombreux membres du mouvement. Bien que le gouvernement, et de nombreux médias affidés, fassent tout pour créer des amalgames entre gilets jaunes et « excités » (radicaux de droite ou de gauche ou simples casseurs), ceux qui se donnent la peine d’aller les rencontrer sur les ronds-points (là où la presse va de moins en moins ; elle préfère les filmer en train de boxer les CRS ou se faire mettre « sur le gril » par des professionnels de la question piège sur les plateaux télé) peuvent attester de leur modération.

Comme le dit Christophe Guilluy (cf. Le Parisien du 17 novembre), « ces gens ne demandent pas des solutions techniques… Ils attendent des réponses de fond où on leur explique quelle place ils ont dans ce pays ». Retraités, petits patrons, employés du secteur privé, beaucoup d’entre eux sont sortis du « ghetto » géographique, culturel, social et politique parce qu’ils étaient totalement ignorés et que « ça ne peut plus durer ». Ils étaient sans doute à cent lieues de deviner, au départ, à quel point leur initiative spontanée aurait du succès, et ils ne sont également, pour la plupart, pas du tout formés aux techniques que connaissent si bien les agitateurs professionnels.

Par rapport à cela, la proposition lancée par Maxime Nicolle nous semble, justement, bien « professionnelle ». Et son style nous ferait plutôt penser à une culture « de gauche » plutôt que « de droite », tant il est vrai que l’envie de faire tomber un gouvernement, ou de faire pression sur lui, par une « panique bancaire » provoquée, ne fait pas trop partie, à notre avis, de l’ADN de cette dernière. Ce serait plutôt, nous semble-t-il, une idée « mélenchoniste » plutôt que « lepéniste »…

Et c’est cela qui nous paraît intéressant à observer. L’affaire, nous l’avons dit, a peu de chances de réussir. Si, cependant, le coup est tenté par le mouvement, et d’une façon importante, cela sera sans doute un signe qu’il se radicalise et se « mélenchonise », qu’il est bien infiltré par Les Insoumis et les autres partis du même bord.

Cela sera une indication de la façon dont il peut évoluer par la suite, si l’opération « pourrissement » tentée par le gouvernement avec constance depuis le début, et appuyée avec une telle servilité par la « grande » presse, réussit :
1) amalgame entre le mouvement et les casseurs, pour montrer que le mouvement, à son corps défendant peut-être, est violent et dangereux ;
2) coin enfoncé entre le mouvement et l’opinion pour que celle-ci se lasse ;
3) cassure du mouvement, par des provocations grossières comme celle des « foules haineuses », entre les « modérés » et les « radicaux ».

François Martin
François Martin
Consultant et conseiller municipal - Membre du fonds de recherche Amitié Politique

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