Après la mort du maire de Signes : si on parlait de responsabilité… et de confiance ?
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La mort du maire de Signes, Jean-Mathieu Michel, a fait passer dans la moiteur de l’été l’onde émotionnelle dont nos médias sont friands. Dans le village, la douleur était sincère car l’élu était connu et apprécié. En s’éloignant, le sentiment a fait place à la posture. Le président de la République promettait une réponse ferme aux incivilités. « Ferme » et « incivilités » ? Un robot n’aurait su mieux dire… Quant à Lecornu, devenu ministre en trahissant la famille politique qui lui avait permis d’entamer sa carrière, il présente un projet de loi visant à « mieux sécuriser le parcours des élus et des maires ». On se doute que chez un carriériste, l’idée de la sécurité du parcours est préoccupante.
L’euphémisme du mot « incivilités » trahit l’inconsistance de la pensée politique qui règne en haut de l’État. La réduction du drame de Signes à la question du respect dû aux élus ne mesure pas l’ampleur du problème. L’affaire est beaucoup plus grave, car elle dépasse la question des élus, et celle du civisme. Elle traduit sans doute l’effacement des conditions mêmes d’une démocratie libérale. Celle-ci repose sur trois piliers : en bas, la responsabilité des membres de la Cité, pas seulement en tant que citoyens, mais aussi comme acteurs privés ; en haut, l’autorité légitime de ceux qui détiennent du pouvoir ; entre eux, la confiance. 179.000 délits de fuite ont été constatés sur les routes françaises en 2017. C’est l’infraction qui y est la plus répandue (29 %) et en constante augmentation depuis le début du siècle. Il y a là un refus de répondre de ses actes, d’être responsable. C’est sans doute l’élément le plus significatif du drame de Signes. Un maçon qui na jamais eu affaire à la police entend se débarrasser sans frais de gravats et va les déposer, ni vu ni connu, sur une décharge sauvage. Une personne, qu’il dit ne pas avoir identifiée, le surprend, le menace de poursuites et donc d’une amende. Lorsque le maire lui demande d’attendre la police municipale, il veut partir et effectue la manœuvre mortelle. L’élu n’était pas seul et ce sont les témoins qui l’accompagnaient qui ont accrédité ces faits. Cet homme de 23 ans est-il un adulte responsable capable d’être un citoyen ? Évidemment, non !
Mais « l’éducation » qui est diffusée aujourd’hui, les modèles sociaux qui sont proposés sont-il de nature à former des personnes responsables, des citoyens « vertueux », comme Montesquieu pensait qu’ils étaient nécessaires à l’instauration d’une République ? L’engagement dans le mariage ou devant la naissance, le respect de la déontologie professionnelle, le service du pays paraissent de vieilles lunes, puisque c’est la capacité de refaire sa vie, le droit de la femme d’avorter, la roublardise en affaires, la volonté de s’expatrier qui sont aujourd’hui les valeurs de l’individu roi. La transgression est regardée avec envie et admiration par le microcosme médiatique. On se contentera de temps à autre de « sortir » un héros, si possible victime ou marginal, pour compenser.
Les « modèles » devraient notamment être fournis par ceux qui détiennent du pouvoir, les élus, les dépositaires d’une autorité administrative ou judiciaire, les chefs d’entreprise. Or, il n’y a pas de jour sans qu’une information vienne insinuer un doute sur la légitimité morale de ceux qui devraient être des modèles. Emmanuel Macron, ce puissant protecteur devant qui tous les pouvoirs se couchent, de l’Assemblée aux salles de rédaction en passant par les palais de justice, est-il lui-même respectable ? Il faut écouter Montebourg, Marleix, et Frédéric Pierucci, cet ancien dirigeant d’Alstom, emprisonné aux États-Unis, pour être atterré par le silence des médias sur la responsabilité de celui qui est devenu président de la République dans le dépeçage d’Alstom, la vente de l’entreprise à General Electric, puis la cession discrète des trois entités créées pour maintenir le regard de l’État français, notamment sur le nucléaire, sur les turbines qui équipent nos sous-marins et nos centrales !
Alain Peyrefitte faisait de la confiance la clef des sociétés libérales. Montesquieu voyait dans la crainte celle du despotisme. Lorsque Macron et Castaner parlent de réponses fermes à tout propos, on commence à voir de quel côté la France bascule.
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