Après l’abandon de la proportionnelle, les élections régionales et départementales reportées ? Ça chauffe à l’Élysée !

macron

On s’y attendait, mais la nouvelle vient de tomber : Emmanuel Macron renonce à introduire 15 % de proportionnelle aux prochaines élections législatives, mesure figurant au rang de ses promesses de campagne et, depuis, sans cesse ajournée.

On notera qu’à l’exception de Jacques Chirac, opposant historique à ce changement de scrutin, tous les candidats à l’élection présidentielle ont promis l’introduction d’une dose de proportionnelle, Nicolas Sarkozy comme François Hollande, pour ensuite passer cette proposition en pertes et profits.

En France, il s’agit d’un vieux débat. Sous la Quatrième, la proportionnelle intégrale était reine ; d’où l’instabilité chronique du régime. Sous la Cinquième, ce fut le scrutin majoritaire à deux tours, permettant ainsi de dégager des majorités claires. Mais à l’époque, la vie politique était régie par quatre grands partis : les gaullistes, les communistes, les centristes et les socialistes. Les deux premiers firent longtemps bloc sous l’égide du général de Gaulle. Puis François Mitterrand parvint à ramener les communistes dans le giron socialiste, avant le grand reversement d’alliances initié lors du « tournant de la rigueur », en 1983, où il attira les centristes dans son orbite.

Depuis, l’échiquier politique a été largement bouleversé. Le PS est en soins palliatifs, LR sur un lit de réanimation et le PCF aux abonnés absents. Les seuls vainqueurs ? Les centristes au pouvoir qui ont fini par donner corps au vieux fantasme giscardien consistant à unir bourgeoisies de droite et de gauche, tandis que Verts et Insoumis se contentent de fédérer les enfants capricieux des bourgeois plus haut évoqués. Reste le Rassemblement national, premier parti de France, coalition de tous les perdants de cette « mondialisation heureuse », naguère si chère à Alain Minc.

Il est donc parfaitement logique que le parti présidentiel puisse répugner à revenir sur un scrutin majoritaire qui est, pour lui, une sorte d’assurance-vie, puisque parti de notables et d’édiles déjà confortablement élus et réélus. La preuve en est cette confidence relayée par France Info selon laquelle « les principaux responsables de la majorité estiment que les conditions ne sont pas réunies » pour changer le mode de scrutin. Ce qui peut aussi signifier que toutes les « conditions » sont précisément réunies afin qu’on n’y change rien.

Ce statu quo sera-t-il encore longtemps tenable ? Instiller de la proportionnelle, c’est prendre le risque que le RN s’installe pour de bon au Parlement, même si le gouvernement peut encore raisonnablement espérer le contenir, tel que cela s’est vu de 1986 à 1988, quand le Front national disposait d’un groupe de 35 députés, face à l’informelle coalition chiraco-mitterrandienne. Mais il se pourrait bien aussi qu’un jour, grâce ou à cause du maintien du scrutin majoritaire, un RN parvenant à briser le fameux plafond de verre puisse disposer d’encore plus de pouvoir que prévu.

Pour tout arranger - pandémie oblige -, le gouvernement songerait à ajourner les élections régionales et départementales, prévues pour ce mois de mars et déjà repoussées en juin. Ce qui commence à faire beaucoup et fait dire à un président de conseil régional, cité par Le Figaro de ce jeudi 18 mars : « Emmanuel Macron avait inventé les commerces non essentiels, il crée désormais les élections non essentielles. »

Bref, si l’Élysée maintient ces deux élections, il sera taxé d’irresponsabilité sanitaire. S’il les reporte, il prend le risque d’être suspecté de coup d’État larvé, tout comme en refusant un peu de proportionnelle il prête le flanc à de basses manœuvres politiciennes. De quoi aggraver une paranoïa ambiante qui n’avait sûrement pas besoin de ça pour davantage énerver un peuple déjà au bord de la crise de nerfs.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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