Après le Covid, la mort sociale…
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On l'avait compris, les Français ne vont pas bien. Si 15 % d'entre eux montrent des signes d'un état dépressif (soit 5 points de plus qu'avant l'épidémie de Covid), cette semaine, l'enquête des Petits Frères des pauvres nous donne un autre éclairage, implacable, sur l'état de notre société en révélant cette « mort sociale » qui touche bon nombre de nos personnes âgées.
Plus d'un demi-million des personnes de plus de 60 ans sont concernées, « l'équivalent de la ville de Lyon ». Toutes ces personnes déclarent « n'avoir quasiment jamais de contact avec les différents cercles de sociabilité (familial, amical, voisinage et réseaux associatifs) ». Les conséquences sont délétères : dépressions, spirale de la maladie et jusqu'à ce glissement fatal vers la mort. Un phénomène en augmentation depuis la crise Covid puisqu'en 2017, la même association dénombrait 300.000 personnes en état de mort sociale. Un chiffre auquel il faut ajouter les 6,5 millions de personnes qui se sentent « fréquemment seules » (contre 4,7 millions, en 2017). Denise, 81 ans, témoigne de cet isolement : « Là, j’en suis arrivée à faire couper un trou dans ma haie pour voir les gens qui passent de l’autre côté. Quand il y a des gens qui passent, je suis contente. Ce n’est pas pour espionner, c’est pour voir des gens. »
La situation est tragique. Mais ne doit pas faire oublier la part de responsabilité de cette génération de « boomers » qui crève aujourd'hui de solitude. Acteurs de Mai 68, ils ont, à l'époque, décidé de « jouir sans entraves » et de ne pas faire d'enfants. Ceux-là mêmes qui, en 2021, manquent implacablement à l'appel pour les soutenir. Ceux qui sont nés, moins nombreux, ont suivi l'enseignement de leurs parents : individualistes, ils mènent leur vie sans eux, mondialisés et nomadisés, ils se sont installés loin d'eux. Amère pilule !
Le Covid, bien sûr, n'a rien arrangé. Les boomers étaient les plus exposés, les premières victimes. Le gouvernement, les autorités sanitaires, les médecins ont pourtant tout tenté pour les préserver de la mort. En les isolant, en les coupant de leurs proches. La pratique de la charité, du lien social et des petits services rendus s'est estompée derrière les gestes barrières. Puis la société, effarée, a découvert une autre cause de mortalité : la solitude.
Avec les vaccinations et les déconfinements, on aurait pu croire la situation revenue à la normale. Il n'en a rien été. Pour le comprendre, il faut lire ce rapport du Défenseur des droits publié en mai 2021, soit plus d'un an après le début de la crise Covid, plus qu'inquiétant. Il met au jour beaucoup trop de dysfonctionnements, de scandales, de privations qui subsistent dans les EHPAD alors que toute la France se croit déconfinée : « dégradations majeure de l'état psychologique et/ou physique des personnes résidantes », « craintes des proches de voir leurs aînés mourir de tristesse et de solitudes », « impossibilité (qui perdure) pour certains de sortir de leur chambre depuis le mois de mars 2020 », « résidents ne bénéficiant de contact avec un proche qu'à raison de 3 heures par mois »...
Depuis, l'obligation vaccinale imposée au personnel des EHPAD et à toute personne « au service de la personne âgée » risque de provoquer une pénurie et ne rien arranger. Et ce n'est pas la disparition de la gratuité des tests qui va inciter les familles « non vaccinées » à se rendre en visite dans les maisons de retraite.
Ironie du sort : c'est au début du mois de septembre qu'on apprenait l'abandon, par le gouvernement, du grand plan sur la dépendance (loi grand âge et autonomie) qui devait voir le jour au début de l'année 2021. Dissous, enterrés, noyés par la dette Covid, les milliards dépensés à Marseille ou ailleurs. Un secteur d'avenir pourtant en pleine expansion. Car si, actuellement, les 65 ans et plus représentent 20,5 % de la population française (13,7 millions), ce n'est qu'un début : ils seront 20 millions en 2030 et 24 millions en 2060. Dans quarante ans, combien de Français en « mort sociale » aurons-nous à déplorer ?
L'investissement financier n'y suffira pas. Pour retisser une solidarité nationale, il faut rebâtir et réparer, et cela passe par un bouleversement des mentalités et des âmes.
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