Après le « fiasco » du fonds Marianne, Marlène Schiappa sur la sellette 

Les révélations qui s’enchaînent mettent Marlène Schiappa dans une position inconfortable.
marlène schiappa 2

Après le préfet démissionnaire Christian Gravel, ancien secrétaire général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), et plusieurs directeurs d’associations, c’est au tour de Marlène Schiappa de répondre aux questions des sénateurs. Pendant près de trois heures, l’ancien ministre délégué à la Citoyenneté faisait face, ce 14 juin, à la commission d’enquête parlementaire sur le fonds Marianne, appel à projets pour la lutte contre la radicalisation en ligne lancé en avril 2021, quelques mois après l’assassinat de Samuel Paty.

Un ministre qui se défausse

Sa prise de parole était réclamée. Mutique depuis plusieurs semaines malgré les nombreuses accusations qui pèsent sur elle, Marlène Schiappa a attendu l’audition de ce mercredi pour livrer sa version des faits. Et le moins que l’on puisse dire, au terme de plusieurs heures de débat et des dizaines de questions posées, est que l’on reste sur sa faim. Dès son propos liminaire et jusqu’à la conclusion, le ministre n’a eu de cesse de se défausser. « J’assume toute ma responsabilité, mais rien que ma responsabilité », commence-t-elle, avant de charger son cabinet et l’administration. À l’écouter, elle aurait communiqué en grande pompe sur le fonds de subvention mais aurait laissé le soin à ses équipes et au CIPDR de gérer la sélection et l’attribution des fonds. Elle ne serait pas, non plus, intervenue personnellement dans le processus de décision. « Je ne me suis pas personnellement mêlée de la mise en œuvre et de l’ingénierie des dispositifs, plaide-t-elle […] Il n’est pas du rôle du ministre d’ouvrir le capot pour regarder l’ensemble des dossiers. » Une ligne de défense qui peine à convaincre les parlementaires présents. « Ce qui continue de m’étonner, je vous le dis, [c’est que] vous n’êtes jamais à l’origine de la décision. J’ai le sentiment que tout au long de cette audition, vous vous êtes mise en quelque sorte en porte-à-faux par rapport au projet du fonds Marianne », lui fait observer le sénateur LR Jean-François Husson, rapporteur de la commission.

Et quand les sénateurs l’interrogent sur la chronologie précise des faits et sur le possible manque de transparence et d’équité, Marlène Schiappa perd soudainement la mémoire. « Vous êtes en train de nous dire que vous n’êtes au courant de rien », finit par s’agacer, face à elle, le rapporteur. En guise de conclusion, le sénateur socialiste Claude Raynal, président de la commission d’enquête parlementaire, s’interroge : « L’assassinat horrible [de Samuel Paty] perpétré en octobre méritait une mise en œuvre, une intention, un suivi précis, sérieux, continu ; au-delà des responsabilités d’un secrétaire général [du CIPDR] qui sont pointées par l’IGA et d’un cabinet. Continuez-vous vraiment à dénier toute responsabilité dans ce fiasco ? » Avant de regretter : « Est-ce que la lutte contre le séparatisme ne méritait pas mieux ? »

Quid de Samuel Paty ?

Une question légitime, quand on s’intéresse de près aux associations financées par le fonds Marianne. Si l’USEPPM, longuement évoquée au cours de cette audition, a déjà fait couler beaucoup d’encre à cause des faibles productions de l’association – au regard de la subvention perçue – et de ses liens soupçonneux avec le cabinet du ministre, d’autres projets posent également question. Le fonds Marianne a en effet permis de financer dix-sept associations dans le but de « riposter à la propagande séparatiste en ligne » et « défendre les valeurs républicaines ». Si une grande majorité de ces associations ont bel et bien répondu à cet objectif, leur financement, en réaction à l’assassinat de Samuel Paty, reste plus problématique. En effet, quel est le lien entre les subventions accordées à deux associations de lutte contre les prétendues théories du complot (Conspiracy Watch et Institute of Strategic Dialogue) et la mort du professeur d’histoire-géographie ? En quoi des vidéos politiques de Reconstruire le commun sur YouTube, accusées qui plus est de prendre parti pour le parti présidentiel, permettent-elles de lutter contre le séparatisme ? Et quid de la production d’un manga sur les relations et l’égalité entre les garçons et les filles dans les quartiers prioritaires ?

Les révélations qui s’enchaînent mettent Marlène Schiappa dans une position inconfortable. Et cette audition n’aura pas permis à la secrétaire d’État de faire taire les voix qui demandent sa démission. Alors, suivra-t-elle la voix de Christian Gravel, également impliqué dans cette polémique, qui a fait le choix de démissionner ? Ou attendra-t-elle un prochain remaniement ?

Picture of Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

52 commentaires

  1. Normal que cette dame passe un mauvais quart d’heure …mais soyez rassurés il ne lui arrivera rien .

  2. Quand j’étais à Bercy, j’avais inventé un jeu « Cherchez le socialiste »!
    Quand un organisme accusait des pertes importantes ou faisait faillite, dans 99% des cas, il était « dirigé » par un socialiste!

  3. Nicolas Hulot n’avait pas lu le rapport sur le nucléaire, Marlène Schiappa a signé des chèques en blanc à des associations bidon. La macronie a une curieuse conception de la responsabilité.
    Je suis par ailleurs très surpris qu’il existe autant d’associations qui ne rendent compte de rien.
    J’ai été dirigeant d’un petit club de basket pendant 10 ans. Les comptes du club étaient d’une sincérité absolue et tous les bilans étaient votés par un bureau élu.
    Il faut dire que nous étions tous bénévoles et n’avions rien à cacher !

  4. Position inconfortable certes, mais qui ne semble guère l’incommoder, ses appuis doivent être conséquents.

  5. Encore une « responsable mais pas coupable » d’un machin idéologique de plus destiné à défendre des « valeurs de la République » comportant le droit au blasphème par des caricatures particulièrement obscènes qui, elles, ne sont nullement « haineuses » alors que le machin en question est destiné à condamner les discours de « haine » sur les réseaux sociaux. La Schiappa auteur de romans érotiques et adepte de la sorcellerie avait là pu profiter d’une couverture médiatique aussi injustifiée qu’inutile, couverture qui, je l’espère bien, ne sera pas suffisante pour masquer son incompétence, son inutilité voir carrément sa nuisance avérée une fois de plus!

  6. Les Français se rendent ils compte qu’ils sont gouvernés par ce genre de triste individu. Le plus lamentable c’est qu’elle n’a pas l’air de se rendre compte de son incompétence.

  7. Il est important de préciser que le mot « démission » signifie, dans le cas du préfet, quitter sa fonction et non.pas quitter son emploi.
    Il réintègre son administration d’origine et est affecté sur un autre poste .
    Il ne doit pas chercher un autre gagne pain comme cela serait le cas dans le vrai monde du travail.
    Alors que ses erreurs auraient mérité très certainement un.tel traitement.

  8. ce n’est pas moi c’est les autres, même pas capable d’assumer son incompétence, aucune dignité ces Macronistes !! combien sont mis en examen dans ce gouvernement , aucune honte chez ces gens là !!

  9. Mme Schiappa a été à la bonne école, elle a fait comme sa devancière Mme Dufoix qui, dans l’affaire dite « du sang contaminé » avait déclaré le 4 novembre 1991 sur tf1 : « Je me sens profondément responsable ; pour autant, je ne me sens pas coupable ». Ce 14 juin 2023, il y a du avoir une grand moment de silence gêné et de contrariété dans les couloirs du Conseil Constitutionnel.

  10. Schiappa devant les Sénateurs : … « je ne suis pas omnisciente », « je n’ai pas été informée », « rien ne m’est remonté »…
    Nous savions qu’elle n’est pas Madame Soleil, qu’une gauchiste « informée » ça ne s’est jamais vu, et que la seule chose qu’elle voit « remonter », se sont ses commissions sur toutes les transactions qui lui reviennent.
    En fait, Schiappa ne sait rien, mais elle est payée pour, en temps que ministre à quart de temps, les trois autres quarts étant réservés à l’écriture de ses bouquins spécialisés que personne ne lit.
    Cette nana coûte un « pognon de dingue » aux contribuables, et se fait un « pognon de dingue » sur le système !
    En conclusion, Schiappa est une parfaite socialo !

  11. Cette argent aurais fait du bien au fond pour les handicapés. Quel faillite ce gouvernement et ses ministres. Une honte pour la nation.

  12. Pour avoir suivi cette commission en direct, le moins qu’on puisse dire c’est que dame Shiappa tout en ayant l’air de s’expliquer semble très embarrassée faisant des pirouettes verbales du style c’est pas moi c’est l’autre. Comme d’autres son départ du gouvernement serait salutaire à moins d’être remplacee par pire comme à l’habitude du macronisme.

  13. Comme d’habitude, les hommes politiques ne sont responsables de rien. Donc pas de démission à attendre. Lâcheté !

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