Après les émeutes, l’Assemblée : un concours d’impuissance 

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« Ils ont intérêt à se faire tout petit... » Sur les bancs du groupe Renaissance, on regarde du coin de l’œil les députés de la NUPES comme un garde forestier ayant mis la main sur un pyromane. La séquence des émeutes aura, outre son bilan humain et matériel, encore aggravé une fracture qui a largement dépassé le prisme social. Les jours de violence qui ont secoué la France auront aussi, comme à chaque moment de crise, servi de révélateur. « Les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise », écrivait Jean Monnet, dans ses Mémoires (Fayard). La crise est là. Et la gauche parlementaire en aura usé et abusé. Jusque dans l’Hémicycle.

Le poids des mots

Las. La minute de silence en mémoire de Léon Gautier, dernier membre vivant du commando Kieffer, fut le seul temps apaisé de cette séquence de questions au gouvernement. La présidente Braun-Pivet avait à peine salué un soldat à la « jeunesse exemplaire au service d’une cause supérieure à sa propre vie, la paix » que les cris et les insultes fusaient dans l’Hémicycle. Face à une NUPES vociférante et avachie, à l’image de la députée Obono, mâchant son chewing-gum la bouche ouverte, en restant ostensiblement assise pendant les différents hommages aux commerçants et aux forces de l’ordre, nous avons assisté, ce mardi, à un rare moment de communion nationale moins une voix, donc.

Car les passes d’armes furent essentiellement entre la majorité et la NUPES. Ceux qui ont l’ordre républicain à la bouche face à ceux qui voudraient tout déconstruire. « Depuis une semaine, je cherche des condamnations et j’entends des excuses », affirme Élisabeth Borne à Mathilde Panot. Du côté de LFI, on pointe comme d’habitude le racisme de la police et l’abandon des quartiers ; l’éternelle rengaine mille fois rebattue. Mille fois resservie jusqu’à l’écœurement.

Territoires abandonnés ou perdus ?

C’est peut-être la seule différence sémantique, au fond, entre la Macronie et la NUPES dans un immense concours d’impuissance. « Les territoires sont perdus », affirme la députée du Val-d'Oise (Horizons) Naïma Moutchou. « Ils sont abandonnés », s’exclame la députée de Seine-Saint-Denis (LFI) Nadège Abomangoli. Au fond, beaucoup de commentaires et de sentiment d’impuissance. Impuissance illustrée par les mots de la majorité. Entre le député du Maine-et-Loire (Renaissance) Denis Masseglia, qui parle « d’incompréhension », et le ministre délégué chargé des PME, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme, Olivia Grégoire, qui parle de « sidération », on finirait presque par croire que ces émeutes sont arrivées par une sorte d’opération du Saint-Esprit ou d’un tirage du Loto particulièrement malchanceux.

Le RN cible le gouvernement 

Ils ne voulaient pas « laisser la Macronie s’abriter derrière les outrances de la NUPES », affirme le député (RN) de Vaucluse Hervé de Lépinau. En effet, les quatre orateurs du groupe RN ont soigneusement évité les accusations de sortie de champ républicain pour concentrer leur tir sur le gouvernement. Forces de l’ordre, commerçants, péril institutionnel et national… le groupe de Marine Le Pen a balayé large pour n’oublier personne. Car ce n’est pas l’action du gouvernement Borne, ce n’est pas l’attitude de La France insoumise qui étaient débattues, ce mardi après-midi. Plutôt quarante ans de politique de l’autruche face à une population ni perdue ni abandonnée, mais dans un état de sécession. Et la question de Marine Le Pen, la dernière de ces questions au gouvernement, avait le mérite de s’adresser à l’ensemble des familles politiques présentes : « Qu’avez-vous fait de la France ? » a demandé la présidente du groupe à ceux qui s’écharpaient sur la responsabilité de la situation.

En attendant Borloo

De la NUPES à Horizons, de LIOT à Renaissance, tous ont évoqué le plan Borloo, énième fosse à milliards de la politique de la ville. Ce plan avorté, jeté par la majorité, enterré par Édouard Philippe, a agi en synthèse. Chacun revendiquait sa filiation. Les uns pour dire qu’ils l’avaient enterré mais appliqué. Les autres pour voir dans cet enterrement le renoncement de la majorité. En réalité, à l’image de l’échange entre le socialiste Boris Vallaud et l’ancienne socialiste Élisabeth Borne, Premier ministre de l'ancien ministre du socialiste Hollande, ce fut un concours de taille de politique de la ville.

À l’image de certains maires, quittant l’Élysée avant la fin du rendez-vous entre Emmanuel Macron et les édiles des communes victimes des émeutiers, lassés par l’impuissance manifeste de la République, l’heure est aux regrets. « Je ne suis pas certain que les Français ont trouvé leur compte, dans les débats qui ont eu lieu cet après-midi, et qu’ils ne se diront pas que les politiques ne servent à rien », nous confie le député (Horizons) de l'Indre François Jolivet. Les commerçants de Montargis, les pompiers de Paris, policiers, gendarmes, propriétaires de voiture, habitants des métropoles, des villes moyennes et des quartiers sécessionnistes, les fleuristes, libraires, profs, buralistes, épiciers et les assureurs se la posent aussi. La majorité silencieuse, au fond. Lassés d’avoir été sommés de choisir entre Macron et le chaos. Pour, au final, être les seuls, dans ce pays, à subir la double peine.

Marc Eynaud
Marc Eynaud
Journaliste à BV

Vos commentaires

33 commentaires

  1. une grosse baffe que cet artifice de rencontre avec les maires, lui qui les avait dédaigné lors du dernier congrès pour en inviter que quelques uns (toujours les mêmes) à la petite sauterie de l’Elysées.
    Je me prend à rêver qu’au 14 juillet les militaires tournent le dos à la tribune officielle en passant devant (parce qu’eux aussi sont maltraités, mais ils n’ont pa sle droit de le dire), je met une bouteille au frais au cas où.

  2. Macron nous avait dit qu’avec lui ce serait l’ordre, et qu’avec Marine Le Pen ce serait le chaos. Alors si la situation actuelle c’est l’ordre, qu’en aurait-il été si nous avions dû subir le chaos ? En attendant la réponse à cette question, Macron a mis la France KO !

  3. Dissoudre l’assemblée Nationale et puis après ? Rien n’est moins sûr de pouvoir reconstruire sans compter que le Gros des troupes vont revenir en 2027 la France devenue exangue ne pourra rien faire sur les incompétences d’un gouvernement qui aujourd’hui se cache derrière ses nombreuses soumissions en corollaire une Europe et une justice à la manœuvre . Notre Nation n’est plus et ceux qui veulent la recontruire n’auront pas l’aval tant que la haine est ditillée par ceux qui ne veulent pas d’alternative . Nous le voyons bien face ces émeutes au premier abords il n’y a pas de consensus Républicain de nos élites . On est très mal barré

  4. Juste une question à Marine le Pen : « que voulez vous faire pour la France? » L’ennemi est pourtant clairement désigné, l’islam, et la gauche, alors action Madame, action!!!!

  5. Si Macron veut réellement éviter la guerre civile, il lui faut immédiatement dissoudre l’assemblée nationale . Que l’on vote rapidement afin que l’un des trois partis en course en France , reprenne la situation en mains et rétablisse le calme à tous les niveaux

    • La Dissolution de l’ A.N ne servira à rien . Macron ne peut pas avoir la solution , il est le problème .

  6. Bref, rien ne va changer. Le contribuable de la classe moyenne (de plus en plus pauvre en comparaison de ses voisins) va devoir payer pour réparer les dégâts des sauvages ET financer un Nième « plan banlieue » à fonds perdus qui ne servira qu’à récompenser les émeutiers.
    Le pacte social est claqué au sol.
    Monsieur Moyen doit commencer à se demander pourquoi il paye ses impôts.
    Cette république pourrie vit ses dernières heures.
    Que Mélenchon ne se rejouisse pas trop vite, comme le dit Mephistophélès « méfie toi de ce que tu souhaites, il se pourrait bien que tu l’obtienne ».
    Et si la république de Macron s’effondre, je n’aimerais pas être à la place des islamo-gauchistes!

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