Après les pensées de Marc Aurèle et de Pascal, la pensée d’Emmanuel Macron sur les 100.000 morts du Covid
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Les Pensées… Marc Aurèle les écrivait pour lui-même. Il y a presque 2.000 ans. Pas pour en encombrer les autres. Non, pour rester stoïque face à l’adversité : tendre à l’impassibilité, no stress ! « Quoi que ce soit qui t’arrive, cela t’était préparé de toute éternité, et l’enchaînement des causes avait filé ensemble pour toujours et ta substance et cet accident. » Et Pascal ? Pour lui, c’est la « pensée » qui fait l’humanité. Et la grandeur de l’homme viendra d’être conscient de sa misère …
Et puis, aujourd’hui, développement du QI planétaire aidant, voici le temps des pensées nombrilistes et lucratives de ceux qui tweetent plus vite que leur ombre : influenceurs expatriés à Dubaï, youtubeurs présidentiels, chroniqueurs du service public, etc. Un condensé explosif jamais atteint de matière grise hexagonale !
Alors que la France vient de franchir la barre symbolique des 100.000 morts dus au Covid-19 depuis le début de la pandémie, Emmanuel Macron s’est épanché en nous engluant tous avec lui : « Nous avons tous une pensée pour leurs familles, leurs proches, pour les enfants qui ont perdu un parent ou un grand-parent, les fratries endeuillées, les amitiés fauchées. » C’était beau. Une communion d’esprit pandémique autour de tous ceux qui sont morts de ne plus pouvoir respirer… Et malgré sa souffrance, malgré sa douleur, notre Président a trouvé l’énergie du retweet : « Et si toute notre énergie est aujourd’hui tournée vers la sortie de cette épreuve, nous n’oublierons aucun visage, aucun nom. » Quel homme ! Quelle force stimulante face à l’adversité qui frappe le pays ! Mieux qu’un discours de Périclès face au typhus d’Athènes.
Fermons les yeux, entrons en communion avec cet esprit magnifique et proclamons en chœur : « Nous n’oublierons aucun visage, aucun nom. » 100.000 : ça fait beaucoup de noms et de visages, mémoire visuelle ou pas. Soyons francs. Cessons cette hypocrisie de guimauve diabétique. Sans aller jusqu’à donner raison à l’implacable Pierre Desproges selon lequel « le voisin est un animal nuisible assez proche de l'homme », ne cédons pas au pathos indécent, et pour le coup vraiment cynique, de celui qui voudrait orienter le sens de nos peines et de nos émotions dans le combat qu’il a perdu.
Avant que de gémir avec le Président sur le mort inconnu du coronavirus, par dévotion à l’humain simulée, posons-lui, à ce mort des 100.000, la question essentielle du droit au souvenir : « Qu'as-tu fait de ton talent ? »
J’avoue que, parfois, j’ai des pensées pour ceux qui, à mes petits yeux de tout petit Français trahi, les méritent. Mes saints de vitrail à moi, dont la fin tragique ne fut pas vaine, par la douleur qu’ils ont laissée au cœur de ceux qui les aimaient. Pour le don qu’ils nous ont fait de mourir pour une foi, pour une aventure de plus, pour une douce folie, pour un secret… et je pense qu’ils nous font encore ce don, par-delà le temps et la mort.
Alors, je veux penser aujourd’hui à André Zirnheld, cet enfant de la République que je n’ai pas connu ; juif de race, catholique de foi ; à cet Alsacien, patriote français, mort dans les sables d’Égypte, au petit matin, le ventre ouvert, d’une longue agonie qui écrivit : « Donnez-moi, mon Dieu, ce qui vous reste, Donnez-moi ce qu’on ne vous demande jamais… » (prière du para). Je le connais ; je sais son nom et je ne l’oublie pas.
Je pense à tous les autres, sans visage, sans nom, disparus en poussière, pour ce qu’ils ont offert ou donné : notre patrie à préserver et à transmettre. Et non parce qu’ils sont morts, simplement morts, de peste ou choléra. Et je pense qu’en hommage à leur sacrifice, il nous faudra bien un jour réapprendre à penser. Sans s’épancher.
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