Après l’esclavage, le colonialisme : aux USA aussi, l’histoire est interdite !
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J’avais dans mes relations, voilà quelques années, un de nos éminents historiens. Homme brillantissime, grand médiéviste devant l’Éternel, académicien, il s’était toujours gardé de sortir du sentier, sachant que le moindre écart pouvait briser net une carrière. La sienne était glorieuse et sans faille, bien balisée à gauche depuis la rue d’Ulm où il était entré à 16 ans « et en culotte courte », précisait-il. Toutefois, l’âge étant venu, il avait commencé à prendre quelques libertés, et quand nous déjeunions ensemble, il était tout émoustillé par ce qu’il appelait "la suprême transgression".
Rassurez-vous, pas d’histoires de fesse là-dessous. Non, c’est juste qu’il avait le sentiment de parler avec le diable.
Sincèrement, je crois, il disait envier ma liberté de pensée et, mieux que cela, ma totale liberté d’écriture. Pour l’anecdote : ayant rendu compte, dans Le Figaro littéraire, d’un ouvrage critique que j’avais écrit sur les grands travaux de Mitterrand, l’un de ses chers confrères de l’Université lui avait adressé une lettre injurieuse qui commençait ainsi : "Votre habit vert sent le vert-de-gris."
Et pour ce qui était de lui, il me confia un jour : "J’ai fait carrière sur le Moyen Âge. C’est une période où l’on nous fout la paix… mais ma vraie passion, c’est l’histoire contemporaine et particulièrement la Seconde Guerre mondiale. Un sujet dont parlent aisément les historiens américains, mais chez nous, c’est intouchable."
Oui, mais voilà, il semblerait que la liberté de recherche et d’expression des universitaires américains, s’agissant de l’Histoire, soit elle aussi mise à mal. Et même s’ils ne risquent pas, comme nous, de tomber automatiquement sous le joug des « lois mémorielles », le bras armé du politiquement correct est maintenant prêt à leur allonger une mandale à la moindre incartade.
En témoigne cette histoire, rapportée sur le site Slate.fr, d’une revue réputée en pleine implosion pour avoir publié un article intitulé "Le bien-fondé du colonialisme". Et comme l’écrit Jean-Marie Pottier, cette polémique "en dit beaucoup sur la recherche universitaire, et la façon dont elle est relayée auprès du grand public".
Le crime de Bruce Gilley, professeur de science politique à l'université de Portland, est proprement odieux. Cet historien estime en effet qu'il est "grand temps de réévaluer la signification péjorative" du mot "colonialisme". Et d’enfoncer le clou : "La notion selon laquelle le colonialisme est toujours et partout une mauvaise chose nécessite d'être repensée au regard du grave coût humain d'un siècle de régimes et politiques anticoloniaux." Scandale, horreur et putréfaction !
Et voilà la revue Third World Quarterly, une publication "fondée en 1979 dans le but de soutenir l'affirmation des pays en voie de développement", emportée dans la tourmente. Une polémique à la hauteur de celle déclenchée chez nous en 2005 par le livre d’Olivier Pétré-Grenouilleau pour avoir révélé quelques vérités sur les traites négrières. Victime d’une campagne honteuse sur Internet de la part du COLLECTIFDOM, le malheureux se retrouva dénoncé comme "complice des négriers" et même accusé de "négationnisme".
À l’époque, devant l’idiotie des associations qui entendaient le poursuivre en justice, les historiens s’étaient heureusement mobilisés, dénonçant haut et fort les lois et les procès iniques empêchant leurs travaux dès que leurs recherches abordaient des sujets comme l'esclavage, la colonisation, la Shoah ou la guerre d'Algérie.
Espérons que leurs confrères américains auront aujourd’hui le cran (sans jeu de mots) d’en faire autant !
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