Les arrière-pensées de ceux qui veulent supprimer les concours
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Si la Révolution française a un mérite, c’est précisément d’avoir rétabli la prééminence du mérite. Après avoir fermé les différentes écoles d’ingénieurs de l’Ancien Régime, la Convention a créé l’École polytechnique pour former cadres et ingénieurs dont le pays avait besoin. C’est par un concours qu’elle recrute, depuis, ses étudiants. Ce faisant, la Convention invente ce qu’on appellera le « mérite républicain » et qui n’est qu’un retour aux sources de l’aristocratie (le pouvoir des meilleurs, étymologiquement) que la royauté n’avait pas réussi à imposer à une noblesse accrochée à ses privilèges. Ce système de sélection a été adopté par d’autres grandes écoles (ENS, Saint-Cyr, écoles de commerce, etc.). Il a permis à des jeunes de milieux modestes de réussir, comme Péguy, et a contribué à la grandeur de la France.
Mais ce système du concours est de plus en plus mis en cause. Le Monde du 9 février fait écho à la controverse. Le reproche qui leur est fait ? De favoriser le formatage et d’être une manière déguisée de perpétuer une sélection essentiellement sociale.
C’est sous ce prétexte, déjà, que les pédagogistes, emmenés par Philippe Meirieu, ont voulu supprimer de l’enseignement la culture au prétexte qu’elle serait « bourgeoise ». La littérature jeunesse plutôt que Victor Hugo, la musique de divertissement plutôt que Mozart. Cela n’a fait que renforcer la reproduction sociale que dénonçait Bourdieu et que ces thuriféraires prétendaient réduire. C’est qu’on ne forme des esprits solides que par la fréquentation de ce qui est intemporel. Être dans le vent est une ambition de feuille morte, disait Gustave Thibon, et seuls les arbres enracinés résistent au vent.
Le concours est élitiste, il sélectionne les meilleurs. C’est entendu. Faudrait-il faire une place dans l’élite aux médiocres ? Mais ce qui fait l’excellence d’une école, ce sont ses professeurs, certes, mais surtout ses élèves. Le problème peut être en amont, soit dans l’accès à la véritable culture, soit dans l’autocensure de familles qui pensent que ces écoles, ce n’est pas pour eux. Mais il n’est pas dans le concours lui-même.
Cet accès à la culture est rendu difficile par l’omniprésence de la médiocrité dans notre société, à la télévision, à la radio, sur l’Internet. Mais l’école peut contribuer à réduire cette difficulté en faisant découvrir aux jeunes Français la beauté et la richesse de leur héritage. La seconde difficulté, celle de l’autocensure, les enseignants la connaissent bien et luttent contre tous les ans en incitant leurs meilleurs élèves, quel que soit leur milieu social, à tenter les concours. Il suffirait de les y aider en rétablissant les bourses au mérite ou les internats d’excellence que madame Belkacem a supprimés.
Prétendre remplacer les concours d’entrée aux grandes écoles au prétexte qu’ils ne permettraient pas de recruter les candidats peut-être moins scolaires mais plus créatifs ou ayant une plus grande capacité d’adaptation est un non-sens. D’abord parce qu’on ne voit pas pourquoi cela serait antinomique. Ensuite parce que c’est précisément le rôle de ces écoles de développer ces qualités. Enfin parce que ce serait remplacer une sélection objective et transparente par une autre subjective et opaque, qui favoriserait un entre-soi social. Loin de réduire les inégalités sociales, elle ne ferait que les amplifier.
Mais peut-être est-ce un non-dit de ces attaques contre les concours. Toute oligarchie est endogamique. La noblesse l’était et c’est une des raisons de la Révolution.
L’oligarchie financière, politique et médiatique d’aujourd’hui l’est de plus en plus.
Les même causes produiront-elles les mêmes effets ?
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