Assassinat de Jamal Khashoggi : procès kafkaïen au pays de l’or noir…
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Depuis le pacte du Quincy, en 1947, signé entre Américains et Saoudiens, il faut bien admettre que ces deux nations étaient destinés à s’entendre, étant tout deux passés de la barbarie à la décadence sans avoir jamais connu la civilisation, comme ne l'auraient pas dit des premiers Churchill, Clemenceau ou Einstein.
Voilà qui vaut plus encore pour les seconds, tombés directement du dromadaire dans le 4x4 climatisé. Ainsi, le procès du journaliste Jamal Khashoggi, démembré au coupe-ongles dans l’ambassade saoudienne d’Istanbul, vient-il de se dénouer. Il s’agissait de l’équipée guerrière qu’on sait, menée façon Septième compagnie au clair de Lune. Les sicaires du prince-héritier Mohammed ben Salmane auraient opéré avec gyrophares et panneaux publicitaires que l’affaire aurait été à peine moins discrète.
Le verdict, donc. Les deux présumés responsables, Saud al-Qahtani, proche du prince et chargé de sa communication à l’étranger – une pointure, sans nul doute –, et le général Ahmed al-Assiri, l’un des patrons des services secrets plus haut évoqués ? Acquittement. Trois sous-fifres, dont les noms demeurent inconnus ? 24 années de placard à eux trois. Avec des remises de peine conjuguées à la grâce royale, nul doute qu’ils pourront fêter la nouvelle année en famille. Après, cinq autres sous-sous-fifres, dont les noms demeurent plus inconnus encore. Pour eux, la Saint-Sylvestre s’annonce autrement plus morose, étant promis à la décapitation. Bref, le désordre établi règne de nouveau à Riyad.
Cité par Georges Malbrunot, du Figaro, un expatrié confie : « C’est la décision à laquelle on s’attendait en Arabie. Il s’agit d’un compromis à la saoudienne : on coupe quelques têtes pour satisfaire la communauté internationale, mais on protège certains pour rassurer les soutiens de MBS » [le prince héritier en question, NDLR].
Après tout, pourquoi pas ? La raison d’État existe aussi au pays de la djellaba. Mais, dans les pays civilisés, à défaut d’y mettre toujours les formes, au moins s’applique-t-on à demeurer un tant soit peu crédible. Car ce n’est pas violer un secret de Polichinelle que d’affirmer que dans un tel pays, où la chaîne de commandement est verticale et les contre-pouvoirs sont vue de l’esprit, rien ne peut se faire sans l’assentiment de la famille royale. Georges Malbrunot, toujours : « Une commission d’enquête de l’ONU a annoncé en juin détenir des preuves de l’implication personnelle du prince héritier, que la CIA et plusieurs pays occidentaux considèrent comme le commanditaire du meurtre. » Secret de Polichinelle, tel qu’écrit plus haut…
Et, toujours selon la même source : « Mohammed ben Salmane a admis, fin septembre, porter la responsabilité du meurtre, sans reconnaître en avoir donné l’ordre. » Responsable, mais pas coupable, en d’autres termes. Et aucune capitale ou presque ne bronche… Dans le même temps, au bal des faux-derches, ça se presse sur la piste de danse. Les investisseurs étrangers se bousculent à nouveau dans le royaume. Quant à Reporters sans frontières, association jadis dirigée avec un panache certain par Robert Ménard, son successeur, Christophe Deloire s’indigne que « les principes internationalement reconnus de la justice » aient été bafoués. Vraiment ? Bon, il est vrai que ce héros citoyen et écoresponsable a mieux à faire en matière de défense des libertés civiques, déplorant que le « Quotidien » de Yann Barthès soit toujours tricard aux réunions du Rassemblement national et de La France insoumise.
Pour finir, cette seule interrogation : que n’aurait-on dit si les services d’un Vladimir Poutine ou d’un Nicolás Maduro s’étaient livrés à de telles voies de fait ? Poser la question, c’est évidemment y répondre.
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