Assassinat de Samuel Paty : à son tour, Anne Genetet botte en touche 

© Capture écran Ministère de l'Education nationale
© Capture écran Ministère de l'Education nationale

Quatre ans de silence de l’administration. En ce mois d'octobre, Mickaëlle Paty, la sœur de Samuel Paty, publie chez Albin Michel l’enquête qu’elle a elle-même réalisée pour rendre à son frère sa dignité d’homme et de professeur. Au fil des pages, sur la base d’éléments factuels, Mickaëlle Paty démontre qu’en plus du caractère islamiste de l’attentat qui a visé le professeur, « ce qui rend la mort [de son frère] si singulière, c’est l’autre attaque dont il a fait l’objet : une attaque morale, insoupçonnée […] portée par ceux qui étaient censés être dans son camp : ses collègues, sa hiérarchie ». Suivant la chronologie de la descente aux enfers de Samuel Paty, elle pointe du doigt les nombreuses défaillances de l’école et de l’administration. Ce combat, Mickaëlle Paty le porte depuis plusieurs mois. Après une lettre de demande de reconnaissance de responsabilité adressée à différents ministres restée sans réponse, elle a décidé, en juillet dernier, de porter l’affaire devant les tribunaux. Mais le mutisme à ce sujet est devenu la règle au plus haut sommet de l’État. Ce 22 octobre, encore, à l’instar de ses prédécesseurs, Anne Genetet, auditionnée au Sénat, a décidé de botter en touche sur ce sujet.

Silence des ministres de l’Éducation nationale

Quelques jours après l’hommage rendu à Samuel Paty dans les écoles, et à quelques semaines de l'ouverture du procès de l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine, Aymeric Durox, sénateur RN de Seine-et-Marne, a jugé le moment opportun pour interroger le nouveau ministre de l’Éducation nationale sur les multiples défaillances de l’administration qui ont conduit à l’assassinat du professeur d’histoire-géographie, le 16 octobre 2020. « J'ai moi-même été professeur d'histoire-géographie pendant dix ans, à quelques kilomètres seulement de là où enseignait Samuel Paty. Son assassinat m'a forcément beaucoup touché et, désormais, je travaille sans cesse à honorer sa mémoire », confie le parlementaire, interrogé par BV. S’appuyant sur le livre de Mickaëlle Paty, le sénateur interroge :
« Considérez-vous que Samuel Paty a été soutenu ? […] Pensez-vous que le soutien a été à la hauteur ? » Face à lui, Anne Genetet préfère s’attarder sur sa lutte contre les atteintes à la laïcité que s’épancher sur l’assassinat de Samuel Paty. « Je ne veux pas revenir... balbutie-t-elle. Un procès va s’ouvrir, on laissera le procès se dérouler. Je n’ai pas à émettre d’avis là-dessus. » « Traduction : circulez, y a rien à voir ! » commente Aymeric Durox. « C'est une manière d'évacuer le sujet. Surtout que le procès qui va s'ouvrir ne sera pas celui de l'Éducation nationale », ajoute-t-il. « Sur les atteintes à la laïcité en augmentation, elle a apporté des réponses plus fermes. Mais je constate qu’il y a vraiment un blocage de l’Éducation nationale sur l’affaire Paty qui est incapable de reconnaître ses torts et qui a pondu un rapport, quinze jours après l’assassinat, qui dédouane en réalité l’institution », s’indigne l'élu.

Anne Genetet n’est, hélas, pas le premier ministre à refuser d’aborder la question d’une possible responsabilité de l’État dans l’engrenage morbide qui a conduit à l’assassinat de Samuel Paty. Nicole Belloubet, avant elle, avait ainsi déclaré à la télévision : « Il y a sans doute des choses qui auraient pu être mieux faites. Pour autant, je ne suis pas certaine que l’on puisse dire que l’État à une part de responsabilité dans l’assassinat de Samuel Paty. » À nouveau, circulez, il n'y a rien à voir… « Il y a un vrai refus de l'Éducation nationale de regarder ce qui s'est passé, déplore Aymeric Durox. C'est un énorme mammouth à secouer. »

Absence d’enquête sérieuse

Pour comprendre les défaillances qui ont mené à l’assassinat du professeur d’histoire-géographie, l’Éducation nationale s’est contentée de diriger une enquête interne, expédiée et incomplète. Remis quinze jours seulement après l’attentat, ce rapport, mené par deux inspecteurs, s’appuie seulement sur les témoignages de trois membres de l’équipe enseignante (sur les 51 qui la composent) et de quatre représentants des parents d’élèves. Il « n’était donc pas paritaire », s’indigne Mickaëlle Paty, dans son livre. Le but de cette enquête est simple, pour Mickaëlle Paty : « servir les intérêts de l’Éducation nationale avant l’attentat comme après ». Pourtant, les fautes sont nombreuses : absence de protection, inversion de la culpabilité par l'administration, abandon par une partie de ses collègues, mensonges... « L'Éducation nationale doit reconnaître qu'ils étaient, et le sont encore, gangrenés par la peur et le phénomène du "pas de vague", sinon, rien ne changera », explique Aymeric Durox, qui apporte son soutien à la famille de Samuel Paty dans son combat pour la vérité. Une enquête sérieuse, un examen de conscience approfondi et une reconnaissance des fautes permettraient que plus jamais un professeur ne soit abandonné ni assassiné au nom de l’islamisme. « Pour trouver des solutions, il faut reconnaître le problème », conclut Aymeric Durox. Mais cela sera-t-il fait un jour avec sérieux ?

Picture of Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

45 commentaires

  1. Une brochette de «  ministres » sélectionnés par Barnier et validés par macron ..à quoi vous attendiez vous ? C’est comme ce ministre de l’économie qui a sévi pendant 8 ans à Bercy , qui a mis l’économie française , et non celle de Russie , à genoux ..comment un PR a t il pu laisser ce type qui ne sait même pas combien de mètres carrés il y a dans un hectare, massacrer la France pendant toutes ces années ?

    • Peut-être que le ministre de l’Économie s’est tout simplement contenté d’appliquer les directives du président de la République. Souvenez-vous des paroles de M. Chévènement : « Un ministre, ça ferme sa gueule ; si ça veut l’ouvrir, ça démissionne ».

  2. Tiens, n’a-t-elle pas dit qu’elle descendait des Hussards noirs, puisque sa famille était les descendants. Cela doit être dans son imagination. Encore des gens qui nous coûtent un pognon dingue, dixit le président.

  3. Il « suffit » d’avoir eu à se confronter à « l’Education Nationale » pour savoir à quoi point ce « pas-de-vague » est destructeur ! …
    J’ai dénoncé un harcèlement qui durait depuis des mois contre une de mes adhérentes ( milieu sportif ) en contactant la directrice du groupe scolaire … Je lui ai fournie le nom du harceleur ! …. C’est ses parents ( de la victime ) et moi même qui avons été accusés par cette « directrice » ! … A la rentrée suivante, elle obtenu une mutation « surprise » avec une promotion en « bonus » ! …

  4. Moins grave évidemment mais gravissime quand même, l’affaire Coronel de Boissezon, ce professeur de droit révoqué par le Conseil d’état pour avoir résisté aux gauchistes non étudiants qui ont empêché les cours et les examens et l’ont frappé. La France a désormais un très grand problème avec ses ministres et ses juges. Barnier dehors et vite.

  5. a la poste j ai moi aussi subit le la lachete et le pas de vague c est la victime et le lanceur f alerte qui est sanctionne ;;;faut pas toucher au conforts des carieristes qui n attendent que la promotion et la retraite

  6. Que pourrait-elle dire ?
    Elle sait que son passage (incompréhensible) à ce ministère si important va être éphémère…
    Qu’elle retourne vaquer à ses activités…

  7. Elle s’en fiche . Elle change les tapisseries, les tableaux et l’argenterie, elle n’a sans doute pas encore eu le temps de prendre connaissance du « dossier » …

  8. L’assassinat de Samuel Patty par un islamiste rappelle singulièrement « chronique d’une mort annoncée ». Tout le monde savait, mais personne n’a rien dit, personne n’a rien fait. Aujourd’hui, quand on met les différents acteurs de cette affaire face à leur lâcheté et à leur responsabilité, ils préfèrent détourner le regard en prétendant qu’ils ne se sentent pas concernés. Rien de bien étonnant. Et ça va continuer …

  9. Le problème du « pas de vagues » dans l’éducation nationale n’est pas prêt d’être résolu : Les jeunes profs ayant été biberonnés au « vivre ensemble », au « pas d’amalgame » et votant pour beaucoup pour LFI, on ne peut pas dire que le courage soit les qualités requises en premier. On peut comprendre par ailleurs la trouille d’un jeune prof débutant dans un collège en banlieue « sensible » et face à une classe de 30 élèves hostiles et guère plus jeunes que lui. Il faut que la fermeté vienne d’en haut. Que des peines de prison ferme soient prononcées et appliquées lorsque nécessaire et qu’elles servent d’exemple pour les autres. Mais quand on voit des profs qui auraient perturbé des minutes de silence pour Philippine, des profs soutenant une élève ayant frappé une de leurs collègue et le bazar plus ou moins encouragé dans les facs, la tâche est quasi insurmontable.

  10. La république des lâches continue. Il aurait dû y avoir au minimum une protection ; Samuel Paty serait sans doute toujours en vie. Certains par leur indifférence, leur mauvaise foi, leur couardise, ont une mort sur la conscience…

  11. Il n’y a pas qu’au ministère de l’éducation nationale que le « pas de vague » est de rigueur, dans un autre ministère régalien, c’est la même chose et le même « lachage » des (soit-disant) collègues, et j’ai réussi, complétement abandonné, à faire condamner l’état !
    Dans l’affaire PATY, une question se pose, qui était recteur (ice) à l’époque, la solution est peut-être là, sait-on jamais !

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