Assemblée nationale : faire barrage au RN, une discipline olympique

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« Vous aviez voté à droite, vous aurez un gouvernement de gauche ! », s’exclamait Pascal Praud, à l’antenne de son émission L’Heure des Pros, le 2 juillet dernier, au lendemain du premier tour des législatives. Comment ne pas lui donner raison, après le braquage démocratique auquel la France et les Français viennent d’assister, en plein été, à quelques semaines du lancement des Jeux olympiques d’été de Paris qui s’ouvriront ce vendredi 26 juillet. Une sentence qui ne vaut pas que pour Matignon, mais aussi au palais Bourbon.

Le Rassemblement national écarté des postes clés de l’Assemblée nationale 

Au sein du Bureau de l’Assemblée nationale, pas un siège n’a été obtenu pour les représentants du Rassemblement national, un « hold-up démocratique », pour reprendre la formule d’Éric Ciotti, dénoncé y compris par le président de la République, Emmanuel Macron, ce lundi 22 juillet : « Les Français ont placé le RN en tête, on doit l’entendre et le respecter. L’absence du RN au bureau de l’Assemblée nationale n’est pas une bonne chose. » Le RN a, en effet, été totalement écarté de la plus haute autorité collégiale de l’Assemblée. Yaël Braun-Pivet a été reconduite au perchoir, à la suite d’une élection qui, pour certains, n’a accordé que peu d’importance au principe de séparation des pouvoirs, si cher à Montesquieu, et à l’article 23 de la Constitution, après que les ministres-députés d’Emmanuel Macron ont été autorisés à voter. Pas de vice-présidence pour le RN également : Sébastien Chenu (RN) et Hélène Laporte (RN) n'ont pas été renouvelés. Aucun questeur et, enfin, pas un secrétaire. « Un bureau parfaitement illégitime », estime Marine Le Pen ; et une atteinte au pluralisme qui contrevient à l’article 10 paragraphe 2 du règlement de l'Hémicycle.

Même ostracisme concernant les présidences des huit commissions permanentes. La commission des lois est présidée par la majorité présidentielle  ; quant à la commission des finances, c’est Éric Coquerel, député La France insoumise, qui est reconduit à sa présidence, hautement convoitée. Contrôle du budget de l’État, examen des recettes et des dépenses, Éric Coquerel peut également statuer sur la recevabilité financière d’une proposition de loi ou d’un amendement, une prérogative qui lui est accordée en vertu de l’article 40 de la Constitution et dont LFI ne manquera pas de se saisir, à des fins politiques.

Les pouvoirs de nomination du président de l’Assemblée : une prérogative non dénuée de partialité

Outre le rôle prépondérant (et partagé avec le gouvernement) que joue la présidente sur l’orientation et l’organisation des travaux parlementaires, via la fixation de l’ordre du jour notamment, elle est dépositaire de nombreux pouvoirs, dont ceux consacrés par la Constitution : la présidente de l’Assemblée nationale procède, ainsi, à la nomination de trois membres du Conseil constitutionnel (article 56 de la Constitution) ainsi qu’à celle de deux des six personnalités appelées à siéger au sein des formations du Conseil supérieur de la magistrature (article 65 de la Constitution). Deux attributions toutes présidentielles et des plus politisées, puisque les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours et qu’elles s’imposent aux pouvoirs publics tout comme aux autorités administratives et juridictionnelles ; quant au Conseil supérieur de la magistrature, c’est à lui qu’incombe principalement la gestion de la carrière des magistrats du siège et des magistrats du parquet. Yaël Braun-Pivet a aussi le pouvoir de nommer un ou plusieurs membres de différents conseils et autorités administratives, dont une des plus éminentes : l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). L’Arcom, qui a le pouvoir de retirer la fréquence TNT aux chaînes de télévision. Un pouvoir acté pas plus tard qu’aujourd’hui, avec le prononcé du retrait de la chaîne C8 de l’antenne, longtemps dans le collimateur de l’Arcom, aux côtés de CNews, qui a échappé de peu à la sanction. Une décision justifiée « au regard de l’impératif prioritaire de pluralisme », mais hautement contestée au regard du primat idéologique de l'Autorité.

In fine, Frédéric Rouvillois, professeur en droit public et écrivain que nous avons interrogé, admet que le RN, exclu du Bureau de l’Assemblée, a seulement accès à la Conférence des présidents via la présence de son président de groupe, Marine Le Pen, qui sera convoquée chaque semaine, s'il y a lieu, par la présidente de l'Assemblée aux côtés des autres présidents de groupe. Mais sa voix tout comme celle de son allié, Éric Ciotti, ne seront que minoritaires. Un bien maigre lot de consolation pour le RN. C’est, en fin de compte, ses 126 députés ainsi que ses 16 alliés ciottistes qui seront sa plus grande force au sein de l’Hémicycle.

Anna Morel
Anna Morel
Journaliste stagiaire. Master en relations internationales.

Vos commentaires

43 commentaires

  1. Une ronde d’insultes être mensonges à l’intention des français. Ces gens nous ruinent, et il faudrait les remercier

  2. Braun-Pivet doit sommer et peut obliger les ministres démissionnaires / députés à choisir entre leurs fonctions qu’ils exercent encore en leurs ministères et leurs mandats de députés. Mais voilà madame la présidente de l’AN est aux ordres du président Macron. Quant à Laurent Fabius, monsieur le président du Conseil constitutionnel est aux abonnés absents.

    • Je pense qu’il s’agit d’une stratégie de laisser la gauche se dépatouiller et se déchirer pour mieux rebondir aux prochaines élections (présidentielle et législatives) en disant : « Vous voyez la gauche, ça ne marche pas, il s’agit maintenant de s’imposer ! »

      • Je partage exactement votre réflexion… mais peut être que le RN veut aussi montrer sa sagesse et évitant les remous et coups d’éclats en plein évènements JO et réserve les explications pour la rentrée. Les 11 millions d’électeurs veulent comprendre.

  3. Pourquoi encore parler de majorité présidentielle? il faut dire minorité présidentielle voire pourquoi pas opposition présidentielle

  4. Macron qui a voulue « balancer une grenade dégoupillé entre leurs jambes » reçoit en retour un cocktail Molotov bien gauchiste. On va voir comment il compte si prendre pour que ça ne lui explose pas à la figure.

  5. On a du brûler la constitution non !! Des ministres nuls faussement démissionnaires devenus députés par la débilité des électeurs qui votent c’est juste interdit non ! Quel beau pays. Avec les pires JO de l’histoire nous allons distraire le bas peuple ça fera passer la pilule c’est l’été en plus alors basta !

  6. c’est vrai qu’ils sont plus fort pour museler la France que pour la gérer.
    Merci à ceux qui ont voté pour ces champions et sont responsables du déclin de notre cher pays.
    Ils seront emportés aussi dans cette déchéance

  7. Dire que, si MLP avait accepté le deal de Zemmour sur l’union des droites (à l’image de la gauche qui sait si bien le faire), le RN n’en serait pas là. Les français aiment les unions et votent pour ceux qui s’unissent au lieu de se déchirer. Je suis sûr que, si celà avait été le cas, les Philippot, Dupont-Aignan et Asselineau se seraient joints à eux (bien obligés). Contrairement à ce que croient certains, et à défaut, le RN sera encore battu à la prochaine élection, l’attitude « irréprochable » voulue par MLP ne paye pas.

    • Dites vous bien que votre « union des droites » donnait le même résultat que cette union des gauches… spectacle désolant d’égos de chef de parti qui ne rêvent que d’une chose récupérer l’électorat construit autour de Marine Le Pen mais… sans elle. Oui les français souhaitent une Union, pour la France mais c’est aux Zemmour, Philippot, Dupont-Aignan et Asselineau et autres de s’accorder autour du projet de MLP pour construire un programme commun. Ce n’est pas à elle de s’aplatir comme une crêpe (et je suis polie). C’est elle, (avec Jordan Bardelle, le RN) qui est la 1ere force, les autres qui auraient pu s’allier sont loin derrière…. Le RN a bien proposé une Union pour la France, seul E. Ciotti a suivi…les autres de « chez nous » ont préféré faire cavalier seul… c’est à eux qu’il faut s’en prendre!

  8. L’arc républicain est en fait clairement anti républicain. Tous, de LFI aux républicains sont mondialistes. LFI et consorts sont pour une énième internationale, les autres pour la gouvernance mondiale. Or, sans nation française il ne peut pas y avoir de république et de démocratie. Donc seuls ceux qui sont pour une France indépendante peuvent être classé républicain.

  9. Macron n’espérait pas mieux. Son hypercentre reconstitué, une gauche éclatée et un RN placé au coin avec bonnet d’âne. Étouffer le peuple ne fera qu’accelerer la décomposition du pays. Pour l’instant en plus de la bordelisation , macron a ouvert un boulevard a la gauche la plus pourrie pour 2027.

  10. macron et braun pivet sont au sommet de l’hypocrisie en ce qui concerne le barrage, avant les élections ils étaient d’accord, il fallait absolument faire barrage pour que le RN perde, et aujourd’hui le discours change « c’est pas norma que le RN…. », non mais, de qui se moquent t’ils ? quelle hypocrisie aucune fierté. Ceci dit j’attends avec impatience que le RN vote les censures d’où qu’elles viennent, j’aurais du mal à accepter que le RN après tous les affronts qu’il a subi devienne le marche pied de la macronie.

  11. Faire systématiquement barrage au RN va, je pense, jouer en sa faveur. J’espère que les Français qui l’ont (lâchement) lâché au second tour des législatives vont comprendre leur douleur et rectifier le tir aux prochaines élections, parce que voilà où nous mène la tambouille crasse du roitelet.

  12. Et le RN accepte sans broncher , j’ai un peu de mal à cerner ce parti qui ne revendique pas ses droits , qui accepte d’être ainsi exclu . Très déçue .

  13. Moi je crois que Mme le Pen et le RN ont de quoi se réjouir: a force de faire barrage, Renaissance déconfit a fait émerger un NFP nettement plus fort que prévu, qu’il est obligé de gérer, alors qu’il n’a pas de coalition à proposer aux Français. peut-être envisage-t-il de gouverner un an avec les ministres « démissionnaires »? Alors, maintenant que Macron a une forte Gauche sur les bras, il ne peut plus avoir de gouvernement Bardella, pour « l’épuiser » avant les présidentielles. De fait, le RN se tait et le fait qu’il n’ait rien à l’Assemblée fait que rien du chaos programmé ne pourra lui être attribué: « Regardons et taisons-nous, ça se fait tout seul ». Le RN ne sera pas « cramé » pour la suite, et là est le grand échec de Macron.

    • Je suis totalement d’accord avec vous. Ce qui se trame à l’assemblée et surtout dans la rue sent le soufre. Le RN et ces alliés, semblent avoir tout à espérer, en ne faisant pas partie de ces unions contre nature et de marigot putride. Aucune formation ne pouvant raisonnablement gouverner sans y perdre le peut de morale dont ils disposesaient encore. Le véritable combat est 2027 mais aussi les municipales avant cela. Comme toujours les gauchistes n’ont besoin de personne pour exploser surtout ceux-là t’en leurs programme est démagogique et irréalisable en Europe et au 21eme siècle. Nous devons juste attendre et nous tenir à distance des éclaboussures.

  14. Alban de Nervaux nommé directeur général de l’Arcom

    Guillaume Blanchot, ancien directeur général de l’Arcom, avait annoncé quitter ses fonctions pour rejoindre la Cour des comptes lundi. Alban de Nervaux était auparavant membre du Conseil d’État.

    La femme du nouveau directeur général de l’ARCOM est directrice d’un think tank pro-migrants.

    80 000 euros de rémunération, 1,5 millions versés par Soros : qui se cache derrière l’association “Destin commun” qui cherche à imposer des migrants en zone rurale

    • Une information intéressante, mais le véritable scandale pour moi c’est que ces révélations ne me surprennent même plus, tellement les faits se répètent à loisir, cette oligarchie de l’entre-soi semblent devenue consanguine tellement elle agit de manière inconsidérée à l’inverse de l’intérêt des peuples et particulièrement de celui des Français, qui la nourrit encore, et cela de plus en plus péniblement.

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