Astérix et Obélix misogynes? Ils sont fous, ces féministes!

Les aventures d’Astérix fêtent aujourd’hui leurs 65 ans et, pour cet anniversaire, La Croix se demande si la saga ne serait pas « misogyne ». Outre que cela est un marronnier - Goscinny fut interrogé là-dessus en 1975 -, ce genre d’interrogation ne paraît pas à la hauteur du talent d’Uderzo et de Goscinny. Une étude sérieuse existe sur cette question, signée Marie-Christine Lipani-Vaissade (université Bordeaux-Montaigne): « Les femmes dans Astérix : uniquement des emmerdeuses ? ».

D’une analyse fouillée des albums, Mme Lipani-Vaissade conclut que les femmes y sont « traitées comme les hommes, c’est-à-dire taquinées, en exploitant les stéréotypes les plus courants. Elles ne sont pas mises en valeur, mais les hommes non plus ». Dans l’émission « Aujourd’hui madame », Goscinny, répondant avec la malice tranquille qui le caractérise, ne disait pas autre chose: « On me dit: les femmes du village sont caricaturales, ce sont parfois des mégères. Vous trouvez que nos bonshommes sont beaux, eux? ». De même la fameuse misogynie de Paul Léautaud n’était qu’un aspect de sa misanthropie.

A hommes obtus, femmes obtuses

Souvent aussi obtuses que leurs maris - égalité bien ou mal comprise, là n’est pas la question - les femmes, dans les aventures d’Astérix, sont parfois plus malines, même si elles sont cantonnés à une place secondaire, note encore M.-Chr. Lipani-Vaissade. La place restreinte des femmes dans les aventures d’Astérix, « faux problème », rétorquait Goscinny. « Nous avons écrit une histoire parodique de guerriers gaulois contre des légionnaires romains, où nécessairement les femmes jouaient un rôle secondaire puisque les personnages principaux étaient posés. »

Par ailleurs Pilote était un magazine pour enfants et ce sont essentiellement des garçons qui lisaient des bandes dessinées à l’époque. Mme Lipani-Vaissade s’étonne qu’Astérix puisse donner une baffe à Maestria « dans une bande dessinée s’adressant aussi à des enfants » - tout en relevant que « La sensualité, les choses du sexe, l’érotisme sont complètement évacués par les auteurs »! Ce n’est certes pas Goscinny qui aurait fait donner cette baffe à une femme, ni - confondant Pilote avec Fluide glacial - imaginé des personnages comme Petitpénix, Starduhix et Chlamydia.

Le stéréotype comme procédé comique

« Le comique qui consiste à avoir des mégères, mes regrettés camarades Molière et Shakespeare l’ont fait avant moi », disait aussi Goscinny. Et justement, des esprits inquiets, gênés que de grands dramaturges ne rentrent pas dans les cases étriquées et conformes à la norme, retournent le problème dans tous les sens: Molière misogyne ou féministe? Shakespeare, féministe ou misogyne? Astérix fut aussi accusé d’être xénophobe, homosexuel refoulé… Bientôt un sociologue nous avertira que dans le village gaulois on vote davantage Trump que Harris.

Reprocher ses stéréotypes à une série comique qui joue sur les stéréotypes ne génère pas autre chose que du ridicule - comme toute méconnaissance du comique. Ainsi cette étude d’un professeur de l’université de Bielefeld selon lequel Astérix et Obélix, sont bloqués, en matière de femmes, à un « état prégénital ». Ou cet autre professeur, spécialiste d’Astérix, qui voit dans le couple d’Agecanonix et sa femme « un couple moderne » parce que lui fait la vaisselle, alors que le couple est construit sur l’antithèse de l’âge, du sexe, de la taille, etc., d’où naît le comique.

On peut soumettre les albums d’Astérix à toutes les analyses possibles, aucune étude ne parviendra à percer le mystère de l’humour de Goscinny, dont ses successeurs ont copiés certains aspects extérieurs sans jamais réussir à l’approcher. 65 ans après la création des personnages d’Astérix et Obélix, Goscinny n’a pas d’alter ego. Tout autre constat - misogynie, xénophobie… - est vain.

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