Athlètes intersexes : le sport féminin est-il condamné ?

© Capture écran Eurosport
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« Ça fait extrêmement mal ! Ce n’est pas juste ! » Agenouillée, en larmes, Angela Carini, jeune boxeuse italienne, pleure après son élimination au premier tour des Jeux olympiques de Paris 2024. Quelques instants plus tôt, l’athlète entrait sur le ring, déterminée, face à Imane Khelif, boxeuse algérienne. Mais seulement 46 secondes après le début du combat, Carini baissait les bras, laissait filer son rêve olympique et abandonnait le combat. La sportive italienne serait connue sur le circuit pour « être un peu dramatique », mais sa détresse en a ému plus d’un. De Giorgia Meloni à J.K. Rowling en passant par l’ancienne Femen Marguerite Stern, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer un combat « injuste », « inéquitable » et « anti-féministe ».

Une boxeuse controversée

En cause, une adversaire au profil atypique qui interroge. Imane Khelif, née femme, a été écartée des championnats du monde féminin de boxe amateur par l’Association internationale de boxe amateur (IBA) en mars 2023 après avoir échoué aux tests dits de féminité. La fédération expliquait alors que des tests médicaux avaient fait apparaître qu’Imane Khelif - tout comme Lin Yu-Ting, une autre boxeuse taïwanaise dans le même cas - « ne rempli[ssait] pas les critères d'éligibilité pour participer aux compétitions féminines ». Cette décision l’avait empêchée de concourir pour la finale. Un an plus tard, malgré la décision de l’IBA, le Comité olympique acceptait de qualifier les deux boxeuses controversées pour les Jeux de Paris dans les catégories féminines.

Une qualification qui ne dissipe pas le flou autour de ces deux athlètes. Car si ces deux sportives ne sont pas des trans - elles n’ont pas changé volontairement de sexe -, il n’en demeure pas moins qu’elles présentent a priori des caractéristiques masculines fortes. Intersexe (anomalie génétique sur la 23e paire de chromosomes) ? Syndrome d'insensibilité aux androgènes ? Hyperandrogénie ? Le voile n’a pas (encore) été levé sur les situations médicales précises de ces deux boxeuses, mais le débat sur leur participation aux épreuves féminines est lancé. Car les personnes intersexes ont très souvent une condition physique bien différente de celle des femmes : musculature plus développée, production de testostérone plus élevée… Autant d’éléments qui désavantagent leurs adversaires femmes dans un combat de boxe et peuvent leur faire craindre pour leur propre sécurité.

La fin des catégories

À force de vouloir inclure toujours plus de minorités, si petites soient-elles - les personnes intersexes représenteraient entre 0,018 % et 1,7 % (selon des associations militantes) de la population -, la majorité se retrouve lésée. En 2021, le Comité olympique a publié un guide « Équité, inclusion et non-discrimination dans le sport olympique sur la base de l’identité sexuelle et de l’intersexuation » pour répondre à ces questions. Un texte flou qui ne répond à rien. D’emblée, le CIO affirme que « le genre et l’âge sont déterminés sur la base de leur passeport » et qu’on ne peut « pas exclure systématiquement des athlètes d’une compétition sur la base de leur […] intersexuation ». Ainsi, « si les critères permettant de déterminer l’existence d’un avantage compétitif disproportionné peuvent parfois nécessiter un contrôle des performances et capacités physiques », « aucun athlète ne devrait faire l’objet de contrôles ciblés en raison de/ou visant à déterminer son sexe ou son intersexuation ». Autrement dit, le CIO n’écarte pas la participation des intersexes aux catégories féminines.

L’ennui est que le sport, par souci de justice et d’équité, repose sur des catégories. On ne fait pas courir un 100 mètres à un athlète en pleine possession de ses moyens face à un coureur amputé des deux jambes. C’est du bon sens. C’est, d’ailleurs, pour cette raison qu’existent les Jeux paralympiques. De la même manière, un judoka de plus de 100 kilos n’affronte pas un adversaire de moins de 60 kilos. Le combat serait inégal. Tout le monde crierait au scandale.

Certes, Imane Khelif et Lin Yu-Ting sont, selon le CIO, des femmes et la mention « sexe féminin » apparaît sur leur passeport. Cela ne rend pourtant pas le combat plus équitable. À force de vouloir inclure tout le monde, on finit par abolir les limites et détruire les catégories qui permettent pourtant aux femmes, aux personnes porteuses de handicap ou aux plus gringalets, de briller également sur les podiums. De la même façon qu’il existe un âge limite pour être qualifié aux JO, de la même façon qu’il existe des poids standard pour participer, il existe aussi des catégories biologiques. Cela peut sembler cruel, mais c’est essentiel pour permettre à la performance sportive d'exister.

Alors, que faire ? Créer une catégorie à part pour les personnes intersexes ? Cela semble illusoire, au vu du du faible nombre de personnes concernées et des grandes différences au sein même de cette catégorie. Il devient nécessaire que le CIO tranche la question de façon claire. Sinon, demain, qu’est-ce qui empêcherait des hommes ou des personnes trans de s’inscrire en catégorie féminine ? Il en va de la survie de sport féminin.

Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

75 commentaires

  1. Merci à Clémence pour son excellent article. Puis-je néanmoins rappeler, au sujet de la dernière phrase et en dépit d’un usage qui s’installe, que la forme correcte est « il y va de… » plutôt que « il en va de »

  2. Il y a déjà depuis longtemps les jeux « gay&lesbiens », il faut y ajouter les trans et intersexes, ils s’arrangeront bien ensembles, mais éviteront de « perturber » la réalité femmes hommes.

  3. les intersexes devraient logiquement combattre contre les femmes mais aussi les hommes et ne devraient recevoir de médailles qui si ils/elles ont triomphé des deux, non?

  4. Ce monde est totalement déséquilibré, nous courons à la perte de l’humanité; je suis effarée pour mes petits enfants, quel monde et surtout quel avenir leur laissons nous

  5. Afin d’éviter les fraudes, il faudra créer la catégorie intersexe. Et vous verrez que chaque prétendument médicalement difficile à genrer vraiment sportif s’arrangera pour redevenir vrai homme ou vraie femme.

  6. Le CIO n’aurait pas dû qualifier les deux boxeuses dans la catégorie féminine car c’est injuste pour leurs adversaires. Les sportives intersexes — qui ne sont pas responsables de la qualité hormonale de leur corps — devraient ne compétitionner qu’entre elles. Mais ça va sans doute ne pas s’avérer facile à mettre en place pour les organisateurs.

    • Recherchez des solution et des excuses pour augmenter toujours et encore toute cette nouvelle boue minoritaire qui se goinfre sur le dos des autres.

  7. XY = Homme ; XX = Femme. Dans 99.98% des cas. Et dans ce cas « spécial », la « base » est XY. Donc rien à faire avec les femmes. Il ne fallait même pas monter sur le ring et faire comme tout le monde : se victimiser et hurler à l’injustice et à la tricherie.

  8. Merci BV pour ces excellentes infos qui permettent de poser le problème du sport féminin correctement. Puisqu’il n’y a pas eu de « transformation », que l’athlète est sexuée de naissance, quel est le problème ? Celui d’une science qui progresse et va dorénavant, top souvent, bien au delà de ses prérogatives. Et pourquoi d’ailleurs ??? Qui a décidé que « La science » avait toujours raison ? Ne devrait elle pas se limiter à ouvrir nos consciences plutôt qu’à les fermer autoritairement. Quel est l’intérêt de la compétition sinon de faire lutter à armes égales des individus différents de par leur nature, leur constitution. Imagine t on un jour interdire « les blacks  » de courir le 100 m parce que leurs fibres musculaires les avantagent ? Bien évidement non et tant mieux ! « Science sans conscience……. »

    • « Qui a décidé que “La science” avait toujours raison ? » La science a toujours raison, car, quand elle est établie, elle seule permet d’expliquer le monde sans discussion. Encore faut-il qu’elle soit établie (il a fallu 2000 ans à Galilée pour faire tomber les dernières croyances sur la mécanique céleste, et certains le mettent encore en doute de nos jours) et surtout qu’elle soit utilisée à bon escient, sans franchir les limites de son domaine. Ce à quoi les politiques (et même certains scientifiques qui dépassent sans vergogne leur domaine de compétence) ne sont pas préparés.

  9. Et bien comme fait pour toutes autres catégories, le CIO n’a qu’à créé une catégorie intersexe en y incluant les trans ! Le problème sera réglé et satisfaisant pour tout le monde. Et il va y avoir de plus en plus de monde….

    • Avez-vous lu l’article ?
      Créer une catégorie à part pour les personnes intersexes ? Cela semble illusoire au vu du du faible nombre de personnes concernées et des grandes différences au sein même de cette catégorie.

      • Il n’y a qu’à remplir les vides avec les journalistes, apparemment convaincus que les trans sont majoritaires et monopolistiques en devenir.

  10. Visuellement on a affaire à un type, même si parfois, certaines femmes…mais on déraille encore une fois avec des histoires de minorités. Et encore une fois, il y a eu un refus mais on s’en fiche, on accepte quand même, et puis on parle de gens qui nous font des « refus d’obtempérer » devant la police. Si tout est autorisé…

  11. J’accuse le CIO de cautionner les violences faites aux femmes ! Car il s’agit de boxe et non de tir à l’arc… Mais c’est un passage obligé si on veut alerter l’opinion publique sur les dangers de l’idéologie du genre. Pour les catégories intersexe, elles doivent être incluses aux jeux paralympiques, puisqu’il s’agit d’une anomalie génétique. Et je fais partie de ceux qui étaient contre la participation de Oscar Pistorius aux Jeux Olympiques de 2012.

  12. La survie de la boxe féminine,est elle un enjeu important ?
    Il y aura toujours des femmes moins féminines que d’autres , les exclure des compétitions sportives pour sauver un « sport féminin  » a un côté ridicule.
    L’intérêt de la séparation sexuelle pour les compétitions peut se discuter (s’il y a une épreuve de tir au pistolet par exemple , ou pour l’escrime ).
    On pourrait aussi séparer les sportifs noirs des autres, en particulier pour les épreuves de sprint, pour que les impétrants soient plus égaux sur la ligne de départ…
    Comment vont s’épanouir les femmes trop masculines si on leur interdit les compétitions sportives parce qu’elles ne sont pas assez féminines ? Elles n’auraient droit qu’aux inconvénients de leur physique, sans les avantages associés ?
    Les femmes ( et les hommes) vivent elles mieux depuis que des compétitions sportives, notamment les JO, voient concourir des femmes dans toutes les disciplines ?
    il serait peut être mieux, aujourd’hui, de promouvoir la féminité, plutôt que le « sport féminin ». Est il bien raisonnable de promouvoir des compétitions de boxe réservées aux femmes féminines ?

    • « Elles n’auraient droit qu’aux inconvénients de leur physique, sans les avantages associés ? » Chacun subit son physique dès sa naissance. Le problème ne vient pas dudit physique, mais de savoir l’accepter ou non, avantages et inconvénients mêlés.

      • Apparemment le problème vient du physique de la boxeuse algérienne que certains n’acceptent pas en compétition. Difficile d’accepter son physique si on se voit interdire les avantages qui y sont liés et on ne doit en subir que les inconvénients.
        Subir son physique n’ est plus , loin de là, toujours une obligation. On peut le transformer grandement avec la chirurgie et la prise d’hormones par exemple. D’un certain point de vue, cela peut aggraver le cas de ceux qui arborent un physique désavantageux : non seulement ils ont un physique désavantageux, mais ils peuvent être présumés ne pas avoir le meilleur mental dans la société de compétition et consommation, car ils n’ont pas l’effet l’effort de changer leur physique ( ou ils ont échoué)

  13. Avec ce genre de décision, il y a à parier que dans les années à venir la Chine remportera toutes les médailles féminines car, « bizarrement », beaucoup de femmes seront intersexualisées …
    A une époque il y avait des tests antidopages recherchant des taux de testostérone trop élevé. Je suppose que ce n’est plus possible. Ça fait du bien que des vieilles recettes puissent réapparaître !

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