Attaqué, le repas « à la française » fait de la résistance
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« Sait-on encore manger en France ? » se demandait le journaliste et critique gastronomique Périco Légasse dans son Dictionnaire impertinent de la gastronomie (François Bourin Éditeur), voilà déjà plus de dix ans. En 2024, le constat semble désolant pour tout amoureux du « manger français », puisque le phénomène d’acculturation culturelle et alimentaire que la France connaît depuis les années 1980-1990, loin de s'atténuer, n'a cessé de se renforcer.
Bien que reconnue par l’UNESCO qui l'a classée « patrimoine culturel immatériel de l’humanité », notre cuisine semble se concentrer sur une frange de la population française favorisée. Si la haute gastronomie française, celle des palaces étoilés et du guide Michelin, perdure et attire toujours une clientèle internationale curieuse et fortunée, au quotidien, les classes populaires sont en désamour avec la cuisine française. McDonald's, Burger King, Buffalo Grill, Starbucks : les chaînes de « fast-foods » ne se sont jamais aussi bien portées sur le territoire français. Selon une étude de Food Service Vision, entre 2020 et 2023, le chiffre d’affaires des restaurants de chaînes a quasiment doublé, atteignant plus de 20 milliards d’euros.
Périco Légasse : « L'acte alimentaire est avant tout un acte responsable »
Interrogé par BV, le journaliste et critique gastronomique Périco Légasse estime que l'une des principales ennemies du repas « à la française » est « l’américanisation de notre société ». Manque de temps, manque d’intérêt ou volonté de ne pas reproduire les stéréotypes patriarcaux où « la place de la femme [serait] dans la cuisine », le « fait maison » et le « made in France » s’éclipsent progressivement au sein des foyers français des classes moyennes et populaires. Les Français ne cuisinent plus forcément « français », si tant est qu’ils cuisinent encore. On mange américain (frites, hamburger) ou bien italien (pizza), quand ce n’est pas... oriental. L’art culinaire n’est plus considéré comme une occupation noble mais comme une corvée. Notre consommation alimentaire est comme notre époque, « en manque de repères ». Il y a « une régression culturelle au sein de la société française ».
Cette régression, Périco Légasse l'analyse comme « une infantilisation de l’acte alimentaire » : les consommateurs recherchent avant et surtout « la facilité » ainsi que « du réconfort » dans les saveurs sucrées ou salées, addictives, présentes dans des produits industriels transformés et autres « fast-foods ». C’est l’ère du « prêt-à-manger » qui tend à s’imposer, tout comme aujourd’hui le « prêt-à-porter » domine, observe-t-il. Le critique gastronomique aux origines basques appelle surtout les consommateurs français à prendre leur responsabilité : « Par cet acte alimentaire quotidien, nous façonnons de manière significative le monde de demain. » Il explique à BV que « la facture sociale, environnementale et sanitaire ne sera pas la même si nous achetons des aliments sains auprès de nos producteurs locaux ou si nous mangeons McDo à répétition. »
Quant à savoir combien coûte le « manger français », l'ancien présentateur de l'émission Manger, c'est voter, diffusée sur Public Sénat, se veut intransigeant : « La France est le seul pays du monde où on peut manger le mieux et pour le moins cher. » « Nous avons des produits agricoles de très bonne qualité et peu chers », soutient-il. Qui plus est, la France bénéficie d'« une biodiversité agricole exceptionnelle ». Alors, pourquoi s'en priver ?
Une raison d'espérer : le retour d'un épicurisme qui fleure bon la France
Face à la déculturation culinaire française, Périco Légasse en appelle à la transmission du savoir. « L'école est là pour apprendre aux enfants à lire et à compter. Il serait judicieux qu'elle apprenne à nos enfants le goût. » Depuis plusieurs années, l’épicurisme « à la française » connaît également un engouement prometteur. Parmi les grands succès de ce « retour aux sources » rustiques, Le Canon français ou Gueuleton se sont fait un nom auprès du public hexagonal amateur de bonne chère. Une heureuse dynamique où festoyer rime avec convivialité et qui ne cesse de croître, partout en France.
Les réseaux sociaux reflètent ainsi un ré-enracinement guilleret via ces influenceurs amoureux du terroir qui mettent à l’honneur « le goût des bonnes choses » ainsi que le savoir-faire unique de nos régions. Suivis par des centaines de milliers d’internautes, Le Grand Gaulois, Bonne Pitance ou Dose de France sont devenus les ambassadeurs de ces racines retrouvées. Fringants, les jeunes entrepreneurs n’hésitent pas à forcer le trait, arborant marinière, chemise, bretelles, béret et petite moustache. On les retrouve par exemple à Paris, dans une boucherie-restaurant en compagnie de la chaîne Neo, tels de joyeux lurons, autour de belles pièces de viandes françaises et de bonnes bouteilles. « Ça, c’est ma France », lance l’un d'eux, en dégustant son festin.
À les voir nous présenter gaiement les nombreux trésors comestibles issus de nos riches et fertiles contrées, on ne peut que donner raison au diplomate, avocat, théologien et juriste néerlandais Hugo Grotius, qui décrivait la France comme « le plus beau royaume après celui du Ciel ». Tout n'est donc pas perdu !
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33 commentaires
Oui, les choses changent. Mais finalement pas tant que ça. Que mangeaient-on lorsque étudiant ou jeune salarié, il nous fallait un coupe faim rapide et bon marché? Tout simplement un sandwich jambon-beurre ou un hot-dog, ce qui maintenant semble bien dépassé. Mais là n’est pas le vrai changement. Cet excellent article désigne le vrai coupable: Nouveau mode de vie, nouvelle idéologie, et donc éducation qui ne laisse aucune place à la tradition culinaire familiale.
La restauration rapide à plusieurs atouts, c’est bon, bien gras, bien salé et bien sucré en fait tout ce qui plait à nos papilles, c’est rapide pas besoin d’attendre 1/2 heure un plat et subir la mauvaise humeur d’un serveur parfois acariâtre, les toilettes sont fonctionnelles et souvent propres et pour couronner le tout c’est pas cher
C’est bon, dîtes-vous.
Sur le moment, à coup sûr.
À la longue, ça reste à voir.
Notre gastronomie, un chapître important de notre culture. Certains traitres, comme la Hidalgo qui veut des repas sans viande au coeur de la capitale Française, pays de la gastronomie, certains s’acharnent à détruire notre culture : elle n’aura qu’à bouffer ses surmulots, pendant que les gens civilisés continueront à déguster entrecôte, saucisson accompagnés de bons petits légumes et d’un bon verre de vin de nos terroirs. Ceux que ça dérange, peuvent aller se nourrir dans les nombreux pays où ces produits raffinés n’existent pas, voire sont même interdits !
Un surmulot, c’est de la viande, non ?
Je pense faire partie des « gens civilisés » bien que n’ayant pas mâché le moindre gramme de chair animale depuis 32 ans.
Je ne me reconnais pas le droit de critiquer les personnes omnivores, mais, allez savoir pourquoi, les végétariens sont la cible de bien des critiques. (Les végans fanatiques y sont pour quelque chose, je le sais bien). S’il vous plaît, acceptez que certaines personnes ne partagent pas vos goûts.
Le végétarisme n’empêche pas de boire un verre ou deux à l’occasion. La preuve : je déguste en ce moment même un excellent rosé ardéchois Médaille d’Or Paris 2023.
Il en va de la cuisine française comme de la tenue vestimentaire: elles ne sont que le reflet de l’effarante dégradation économique du pays. Pour le vêtement, Philippe Muray décrivait le survêtement comme « l’habit du clodo sportif »; et l’on constate facilement que Paris n’est plus qu’une petite « capitale de la mode », disparaissant lentement au profit de Londres et New York. Pour la nourriture, on voit qu’en cas de crise ce sont les nouilles à bas prix qui partent vite des rayons. Alors les chaînes de TV ont beau tenter d’allécher les Français avec les « recettes du jour » dans leurs soi-disant « journaux » réduits à autant de magazines « Art de vivre », elles ne font qu’entretenir l’illusion que la France a besoin de leurs recettes de filet de veau aux carottes bio, parsemé de fleurs comestibles, dans un décor campagnard. On ne vénère jamais que des reliques, hélas.
La cuisine française au poulet ukrainien. On y croit.
Cocorico!
Désolée, mais les frites sont belges et non américaines! Tout dépend il est vrai de la façon dont elles sont coupées, les américains aimant les frittes coupées à la serpe comme aurait dit mon cher père! Et rien de vaut de vraies pommes de terre belges (ou du nord de la France!
D’où l’entrecôte -frites française et le moules-frite belge!
Bien sûr Perico Legasse a raison mais le but d’un grand nombre est de détruire tout ce qui est français..il faut résister
L’explosion de la « restauration » rapide, est inéluctable, pour au moins deux raisons, l’une c’est que la jeunesse actuelle, n’a pas eu dans son enfance la culture de repas, d’une cuisine élaborée à la maison par la mère de famille, souvent les enfants grignotaient ce qu’ils voulaient à n’importe quel moment de la journée cela plaisait aux enfants et libérait les parents et le plus souvent LE parent, il y a aussi, le coût d’un repas au restaurant traditionnel digne de ce nom, sans aller dans de grandes enseignes. Je pense même que nous nous dirigeons, vers une restauration de « cuisine de rue », comme on en voit en Asie ou au moyen orient.
C’est triste d’imaginer les enfants devenus adultes ne pas se souvenir des bons petits plats de leur maman.
Parfois, lorsque la mienne me disait à l’avance ce qu’il y aurait à midi, je salivais toute la matinée. Et, toutes ces années après, je suis émue en pensant à la croûte de pain surmontée d’un lardon qui attendait chacun de nous lorsque maman cuisinait des petits pois ou un ragoût de pommes de terre. Ces souvenirs sont précieux (même si entretemps je suis devenue végétarienne).
Oui,peut-etre.Tant qu’il y aura des paysans Francais ! Avec notre bande de demolisseurs c’est mal parti .Vos savez ce qu’il vous reste à faire !
Ce ne sont pourtant pas les émissions de cuisine qui manquent! La décoration des assiettes a remplacé le gros plat familial .Et si on le remettait à l’honneur !
Et vive le Cassoulet et la Choucroute, la Ratatouille et autres spécialités françaises en plat unique. Que la fête re-commence. À table grands et petits et « Bon appétit ».
Dans une des nombreuses et étouffantes pubs de » Comme j’aime », une des utilisatrices du prospect en mal de kilos (en trop) nous explique que cela fait des mois qu’elle ne cuisine plus, nous montrant une cuisine im-pé-ca-ble ! Malheureusement je crains que ce ne soit le lot de bien des Françaises et … des Français qui préfèrent, plutôt que de préparer des repas saints préfère la merdouille industrielle à base « d’exhausteurs de goût » d’excès de sel et autres saloperies innommables. Vive la malbouffe …..
À la télé, ils feraient mieux de faire de la pub : « Comment ne pas prendre de kilos », plutôt que de nous dire comment perdre ceux qu’ils nous ont fait prendre!
Bien sûr les prétendues cuisines ont pris une place mais je ne suis pas pour autant inquiet pour la cuisine dite Française.
Parmi les chantres du bien manger à la française se trouve aussi « La table des bons vivants ». Une équipe joyeuse qui donne envie de cuisiner.
Nous ne mettons pas n’importe quel carburant dans le réservoir de notre voiture. Soyons aussi attentifs au carburant que nous donnons quotidiennement à notre corps.
Pourquoi « Top Chef » a tant de succès, ainsi que d’autres émissions culinaires ou pâtissières il y a tout de même un engouement pour la gastronomie française, je pense que si beaucoup de Français mange mac do ou autre dans la semaine pour cause de travail entr’autre, le WK beaucoup se consacre à la cuisine française et chacun rivalise d’imagination pour déguster de bons petits plats familiaux ! Allez, dimanche une bonne blanquette de poulet et bon appétit bien sûr ! Dimanche prochain un bon rôti de porc confit à l’ail, ça vous dit ! Ha, ha
Et pour le dimanche suivant un bon boeuf Bourguignon.
C’était dimanche dernier hi, hi !
J’arrive. Vous devez être de l’Est?…
Oui
Disons une sudiste mariée à un lorrain
Tout comme pour le tabac il faut imposer des photos et les risques sur les emballages de la malbouffe. La France fait et fera encore des envieux dans le monde pour ses vins , sa gastronomie , sa culture , son patrimoine , sa langue et son savoir . Certains s’acharnent à vouloir tout détruire mais ils n’y arriveront pas , le peuple français saura se battre le moment venu .
Je me demande si le « moment venu » n’est pas sur le point de passer…