Attentat à la préfecture de police de Paris : auto-censure journalistique ?

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Une semaine après le sanglant attentat qui a endeuillé la préfecture de police de Paris et singulièrement entaché la confiance que les Français pouvaient avoir en leurs dirigeants, on apprend, dans Le Point, que Clément Weill-Raynal, journaliste de France Télévisions ayant couvert la perquisition du domicile de Mickaël Harpon, jeudi 3 octobre, se voit reprocher par sa hiérarchie d'avoir évoqué un possible attentat islamiste de manière prématurée. En cause, une phrase où le journaliste émet prudemment à l'antenne « l'hypothèse d'un attentat islamiste ».

Lorsque l'on sait que le suspect a déjà tué plusieurs policiers au couteau et que l'on connaît, par ailleurs, les appels de l’État islamique à tuer des policiers ou des Français par tous les moyens possibles, on ne peut que rester abasourdi devant l'incroyable mauvaise foi de France Télévisions. Visiblement, celle-ci se montre plus préoccupée de ne pas induire en tentation ses téléspectateurs, ces enfants impénitents toujours prêts à stigmatiser l'étranger ou le musulman, que d'informer les Français d'une menace sans cesse plus présente.

Si on peut, en un sens, comprendre l'embarras de l'exécutif, qui fut d'abord tenté d'exclure l'hypothèse terroriste avant d'être contraint de faire machine arrière, l'autocensure d'une partie de la presse française laisse songeur. Alors même que celle-ci se pique fièrement de débusquer les « fake news » des divers politiques jugés « réactionnaires », elle semble plus complaisante envers son propre traitement de l'information, dont les trous noirs correspondent étonnamment aux tabous de l'idéologie dominante. Il n'y a pas pire censure que celle que les journalistes s'infligent eux-mêmes...

Tandis que France Télévisions se demande vertueusement quelle sanction appliquer à celui qui a eu l'outrecuidance de nommer le réel sans filtre, une nouvelle attaque au couteau (fou, sans doute ?) vient de se produire dans un centre commercial de Manchester, et plusieurs commissariats français ont fait l'objet, ces derniers jours, d'appels téléphoniques menaçants... Le réel, lui, n'a point pour habitude de s'embarrasser et se rappelle toujours au souvenir de ceux qui feignent de l'ignorer. Dans un autre registre, l'épisode des gilets jaunes l'a bien montré... à la grande stupéfaction des élites médiatiques ! Mais la cécité intellectuelle et morale de certains journalistes et dirigeants français n'est plus, aujourd'hui, une simple faiblesse, elle est une atteinte à la nation.

Engourdie et sermonnée, celle-ci n'ose encore écouter les Cassandre qui tentent, jour après jour, de lever le voile pudique qui dissimule ses blessures à vif. Mais à trop se payer de mots, le réveil pourrait être rude.

Laurent Chauvet
Laurent Chauvet
professeur d'histoire-géographie

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